Tunisie – Economie : La culture en tant qu’industrie «industrialisante»

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conférence de presse tenue par le nouveau ministre de la Culture, Mourad Sakli,
a, espérons-le, auguré d’une nouvelle approche gouvernementale de la chose
publique. L’Etat est comptable de nos sous et il doit justifier et surtout
fructifier ses dépenses.

Par temps de crise -et nous y sommes depuis le 14 janvier 2011-, il faut savoir
compter, placer et investir. La culture qui a toujours été le parent pauvre du
budget national, même avec le presque 1% des dernières années de Ben Ali,
n’échappe pas à la tendance générale baissière de dépenses publiques.

Mourad Sakli a promis de faire plus et mieux avec ce qu’il a, quitte à laisser
les chantiers ouverts à ses successeurs après les élections à l’horizon de 2015.

Les 9 axes proposés par le ministre sont intéressants à plus d’un titre, et même
si tout n’est pas réalisé, il faut se réjouir de ce nouveau cap pris par le
département et qui songe sérieusement à sortir de la mentalité «Ciné club», sans
péjoration aucune, pour renforcer la productivité d’un secteur essentiel dans
l’économie d’aujourd’hui.

A ce titre, rappelons que le ministère de la Culture en France a pris soin en
début 2014 de faire les calculs (effectués par le département du Budget) de ce
que donne l’Etat au secteur et ce que ce secteur fait gagner à la France. Les
chiffres sont éloquents!

Ainsi, on apprend que les 13,4 milliards d’euros d’apports publics divers à la
culture en 2012 en France n’ont pas été à fonds perdu! La valeur ajoutée des
activités culturelles retenues s’élève ainsi à 57,8 milliards d’euros, soit 3,2%
de la valeur ajoutée française en 2011. Autant que la filière agricole. Plus que
ce que rapporte l’industrie automobile française (Peugeot et Renault
confondues!).

Alors, dans notre pays où tant de domaines sont en chantier et où tant de
reformes sont nécessaires, il va falloir prendre compte du secteur culturel, en
tant que secteur créateur de richesses et dont l’impact sur l’emploi est très
important. Sans compter ce que la culture apporte de bien à nos esprits, elle
peut être également une affaire rentable.

Le ministre Mourad Sakli a bien précisé certaines orientations dans ce sens,
comme le patrimoine immatériel de la nation, le tourisme culturel, le numérique,
etc. Mais l’état de l’infrastructure culturelle est tellement lamentable que les
chantiers ne manquent pas!

Notre tissu de salles de cinéma et de spectacle en général a été laminé par le
temps, l’inefficacité des anciens systèmes et par les nouveaux médias. Il
faudrait s’atteler à garantir un minimum de salles de cinéma par gouvernorat,
selon la densité urbaine, ce qui engendrera de l’emploi et de la richesse et qui
fera redémarrer l’industrie cinématographique et alimenter les nouveaux supports
multimédias, en réglant au préalable la question des droits d’auteurs.

La production audiovisuelle est aujourd’hui un fer de lance pour promouvoir
l’image du pays, exporter les biens culturels, et augmenter la visibilité du
made in Tunisia dans le monde, notre monde, arabo-musulman et africain qui peut
nous être un très grand marché.

L’exemple de la Syrie et de la Turquie, après le mastodonte égyptien, sont là
pour nous le rappeler!

Les frontières entre le culturel et l’industriel s’amenuisent aujourd’hui. La
numérisation accélérée de ce XXIème siècle dont nous vivons les débuts nous
ouvrent des grands chantiers dans ce domaine. La liberté, retrouvée et garantie
par la Constitution, et le capital humain et historique de notre pays nous
fournissent des mines gigantesques pour produire …

Le patrimoine matériel et immatériel de nos régions, surtout celles de
l’intérieur, à l’image de Sbeïtla et de Makthar et de beaucoup d’autres sites,
constitue un des vrais trésors non seulement pour les touristes étrangers mais
pour nous les Tunisiens qui ne les connaissons pas.

Notre patrimoine mérite plus de musée, plus de mise en valeur, plus de recherche
et de mise à jour et au gout de jours à travers les nouvelles technologies, ce
qui engendre autant de chantiers pour l’économie du pays et pour sa jeunesse.

Oui, la culture peut et doit, dans notre cas, devenir une industrie «industrialisante»,
comme on le disait autrefois du charbon et du fer…