à Paris le 13 novembre 2012 (Photo : Patrick Kovarik) |
[20/02/2014 06:03:13] Paris (AFP) Ils sont devenus un passage obligé pour les étudiants, mais, malgré plusieurs tentatives de régulation, suscitent encore des abus: l’Assemblée a entamé mercredi l’examen d’une nouvelle proposition de loi destinée à mieux encadrer les stages en entreprises, combattue par la droite et le Medef.
La discussion sur les amendements se poursuivra lundi, la journée de jeudi étant consacrée à des textes UMP et aucune séance n’étant prévue vendredi.
Face aux abus, “même s’ils ne sont pas majoritaires”, et aux “vides juridiques”, la ministre de l’Enseignement supérieur Geneviève Fioraso a vanté “une loi de progrès” mais aussi “une loi qui simplifie”.
Comme l’auteure de la proposition, Chaynesse Khirouni (PS), elle a aussi insisté sur l'”équilibre” du texte.
La gauche soutient “l’indiscutable avancée” du texte, malgré quelques bémols.
“Une opposition à ce texte serait incompréhensible aux yeux de notre jeunesse”, s’est exclamée la présidente PS de la commission des Affaires sociales Catherine Lemorton en direction de la droite, dénonçant “des propos caricaturaux”. “Vous n’avez pas le monopole des entreprises”, a lancé à l’UMP le radical de gauche Thierry Braillard.
A l’instar de Patrick Hetzel, qui a défendu sans succès une motion de rejet préalable, les députés UMP ont martelé que la proposition de loi allait “réduire drastiquement” les offres de stages car “les employeurs seront effrayés par les mesures dissuasives et coercitives” et “la transformation des stagiaires en salariés”.
A un mois des municipales, ils ont aussi accusé la majorité de ne chercher qu’à “faire plaisir au collectif Génération Précaire” et à certaines organisations syndicales.
Plus modérée dans ses critiques, l’ex-ministre Valérie Pécresse a évoqué “beaucoup de bonnes choses”, tout en s’inquiétant d'”une défiance et d’une trop grande régulation des comportements”, en contradiction avec le “choc de simplification”.
Elle a aussi regretté “la vision simpliste d’une droite qui n’a rien fait”, rappelant comme d’autres les différents textes pour tenter de “moraliser la pratique des stages”.
L’UDI Yannick Favennec a exprimé de la “déception” et jugé les “contraintes (…) contreproductives” alors que “de plus en plus de jeunes peinent à trouver des stages”.
à Paris le 18 février 2014 (Photo : Eric Piermont) |
Le nombre de stages a presque triplé en moins de dix ans, notamment à cause de leur généralisation dans les cursus de l’enseignement secondaire et supérieur: on en dénombrait 600.000 en 2006, il y en a aujourd’hui 1,6 million par an, selon le Conseil économique, social et environnemental.
Ils constituent souvent “un sésame” pour entrer sur le marché du travail, ont souligné plusieurs élus de la majorité. Mais malgré quatre textes de loi depuis 2006, les dérives persistent.
Certaines entreprises utilisent “des stagiaires en substitution de salariés”, un phénomène qui concernerait quelque 100.000 personnes, ou leur imposent “des conditions d?activité défavorables”, note ainsi Mme Khirouni.
Sa proposition de loi entend traduire la promesse de campagne François Hollande de lutter contre les abus, sans “tarir les offres de stages”.
Elle pose notamment le principe d’une limitation du nombre de stagiaires en fonction des effectifs des entreprises, avec une amende en cas d’infraction. Cette limite serait fixée par décret en Conseil d?État.
“Ce plafond pourrait être de l’ordre de 10% et sera modulé en fonction de la taille de l’entreprise”, a récemment indiqué Mme Fioraso.
Le nombre maximal de stagiaires suivi par un enseignant référent et les modalités du suivi seront aussi fixés par décret, précise un amendement gouvernemental voté dans la nuit. L’objectif est de “prendre le temps de la discussion” et de “tenir compte de la nature et de la taille des établissements”, selon la ministre.
La proposition de loi prévoit aussi de renforcer les contrôles de l’inspection du travail et de rendre obligatoire l’inscription des stagiaires dans le registre unique du personnel. La durée des stages sera limitée à 6 mois.
– ‘Du stress’ pour les patrons –
Pour lutter contre les stages “photocopie-café”, un tuteur, responsable du suivi pédagogique du stagiaire, serait désigné dans l’entreprise et le principe d’une formation minimum serait inscrit dans chaque convention de stage.
Le texte entend également améliorer le statut des stagiaires, par exemple en exonérant d’impôt les gratifications qui leur sont versées.
Aucune augmentation de ces gratifications (436 euros par mois minimum pour tous les stages supérieurs à deux mois) n’est en revanche prévue en fonction du niveau d’études, comme le réclame le mouvement de défense des stagiaires Génération Précaire. Le Front de Gauche et les écologistes l’ont aussi regretté.
“Le stage est un outil de formation, pas un travail”, répond la députée, qui estime qu’une gratification plus forte se rapprocherait trop du Smic.
Le président du Medef, Pierre Gattaz, très remonté contre ces “projets de loi qui sont autant de stress sur le dos des patrons” sans régler des problèmes “ponctuels”, a appelé mardi à un “moratoire”.
L’objectif est de s’attaquer aux “pratiques déloyales” de certaines entreprises, a répliqué le même jour un porte-parole des députés PS, Thierry Mandon, rappelant que “de l’aveu même” du représentant du Medef auditionné, “20% des stages” sont “des abus”.