Banques : “la crise est passée” mais le modèle “a du plomb dans l’aile”

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à un distributeur (Photo : Valery Hache)

[19/02/2014 17:12:09] Paris (AFP) Les banques françaises Société Générale, BNP Paribas et Crédit Agricole ont affiché des résultats “solides” en 2013, témoins de leur sortie de crise, mais leur modèle est remis en cause, selon Christophe Nijdam, analyste du secteur au sein du cabinet Alphavalue.

Question: Société Générale, BNP Paribas et Crédit Agricole viennent de dévoiler leurs résultats pour 2013. Quel bilan tirez-vous de ces publications ?

Réponse: “la crise est passée mais le modèle économique des banques universelles +à la française+ a du plomb dans l’aile. Même si les résultats restent solides, leur rentabilité reste faible. Leur ROE est ainsi de 4,4% pour Société Générale et de 6,1% pour BNP Paribas (respectivement 8,4% et 7,7% hors exceptionnels, ndlr). Crédit Agricole ne l’a pas publié mais j’estime qu’il se situe à 5,9%. A ce niveau-là, la rentabilité est inférieure au coût du capital, c’est pour cela que j’estime que ce modèle est compromis. Désormais, on attend de ces banques qu’elles précisent leur plan d’affaires pour les années à venir mais Société Générale et BNP Paribas ont déjà donné des indications sur leur ROE puisqu’elles visent un taux de 10% (hors exceptionnels) en 2015 pour la première et en 2016 pour la seconde. Mais, même à ce niveau, elles couvriraient seulement leur coût du capital”.

Q: les publications ont été marquées par des provisions pour des litiges, parfois importantes. Faut-il y voir une tendance de fond ?

R: “les banques françaises ne sont pas les pires en matière de litiges, leurs concurrentes étrangères sont impliquées dans des dossiers similaires. Aujourd’hui, les banques sont trop grosses à gérer, avec des effectifs qui peuvent atteindre 200.000 collaborateurs dans le monde entier; il devient donc difficile de s’assurer qu’il n’y a pas de comportement répréhensible et des dérapages ici ou là. La provision de 798 millions d’euros de BNP Paribas a pu surprendre mais elle était déjà dans les tuyaux. L’amende se situera finalement à un niveau sensiblement supérieur à mon avis”.

Q: comment percevez-vous la réforme bancaire proposée par Bruxelles, alors que les banques n’ont pas encore terminé leur adaptation à la réforme votée en France ?

R: “selon moi, la réforme française est inexistante tant elle était limitée. Elle était uniquement là pour s’assurer qu’il n’y aurait pas de réforme au niveau européen. On a l’impression que le régulateur français a été capturé par les banques qu’il a sous sa supervision. Quant à Bercy, se pose toujours le problème du conflit d’intérêts puisque la plupart des collaborateurs vont ensuite faire grande carrière dans le secteur bancaire, ce qui ne pousse pas à faire de grandes réformes”.

Propos recueillis par Mehdi CHERIFIA