Crise de l’euro : le rôle de la troïka passé au crible par les eurodéputés

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ésident du Parlement européen, le 28 novembre 2013 à Vilnius (Photo : Janek Skarzynski)

[16/01/2014 10:16:14] Strasbourg (AFP) Décisions imposées au forceps, manque de légitimité et problème de transparence: plus de quatre ans après le début de la crise, la troïka (UE, BCE et FMI) doit se réformer, estime le Parlement européen face à un bilan très critiqué en Europe où elle est souvent synonyme d’austérité aveugle.

“Pour beaucoup de gens en Europe, les mesures de la troïka sont imposées par des étrangers à une nation, voilà pourquoi il faut plus de transparence”, résume Martin Schulz, le président social-démocrate du Parlement européen.

Mise sur pied en 2010, la troïka rassemble la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, les principaux créanciers des pays de la zone euro sous perfusion. Une association inédite sur le plan institutionnel.

Sa mission est de définir un cahier des charges avec les gouvernements et d’aller sur le terrain pour surveiller l’avancée des mesures budgétaires et des réformes structurelles mises en oeuvre en contrepartie de l’aide, ce qui donne lieu à de nombreux bras de fer et suscite bien souvent la colère de la population.

La semaine dernière, le ministre grec des Finances, Yannis Stournaras, a déploré “l’approche maximaliste” de la troïka, affirmant qu’il n’était pas possible d’exiger du pays n’importe quelle réforme.

“Personne ne dicte quoi que ce soit, les décisions sont prises avec les pays bénéficiaires”, s’est défendu lundi le commissaire européen en charge des Affaires économiques, Olli Rehn, lors d’une audition devant le Parlement européen.

“La troïka n’impose pas, elle fixe des objectifs, ce sont les Etats qui trouvent les moyens d’y arriver”, a renchéri Klaus Regling, le patron du fonds de secours de la zone euro (MES). Et de rappeler les mesures retoquées au Portugal par la Cour constitutionnelle, obligeant le gouvernement à chercher des alternatives.

Tiraillements

Mais la marge de manoeuvre des gouvernements reste étroite et l’image de la troïka en pâtit, d’autant plus qu’elle ne rend de compte à personne. “On ne sait pas comment sont prises les décisions”, critique l’eurodéputé socialiste français Liem Hoang-Ngoc, coauteur d’un rapport sur la troïka. “Qui décide qu?il faut baisser les salaires en Grèce? Vous le savez? Est-ce que le Parlement s’est prononcé?”, demande-t-il.

La troïka est régulièrement accusée d’avoir aggravé la crise en demandant à la fois des réductions budgétaires et des baisses de salaires dans les pays sous programme d’aide. Plusieurs de ses représentants ont reconnu devant le Parlement des erreurs dans les prévisions économiques et des tiraillements provoqués par les “différentes philosophies” des trois institutions qui la composent.

Concernant le manque de transparence, la faute revient, selon eux, aux conditions dans lesquelles a été créé le dispositif. “Nous étions face à la pire crise depuis la Seconde guerre mondiale, il faut replacer le travail de la troïka dans ce contexte”, a souligné l’ancien président de la BCE, Jean-Claude Trichet.

Une explication qui ne convainc pas au Parlement, qui a lancé un audit sur le travail de la troïka avec visites sur le terrain et auditions. Maintes fois reportée, une visite en Grèce est prévue fin janvier.

Le Parlement souhaite un meilleur contrôle démocratique de la troïka, dont il aurait la charge, d’après un rapport rendu public jeudi. La Commission rendrait compte de ses décisions et serait régulièrement auditionnée, préconise le rapport qui suggère également de se pencher sur le fonctionnement de cet organe hybride et s’interroge sur la “participation obligatoire du FMI” aux plans d’aide de la zone euro.

Sur fond de tensions récurrentes entre la Commission et le FMI, le rôle de l’institution de Washington est en débat depuis de nombreux mois, certains prônant son effacement progressif, à l’instar de M. Regling. Après avoir contribué à hauteur d’un tiers dans les plans précédents, le FMI ne s’est engagé qu’à hauteur de 10% l’an dernier dans le programme d’aide à Chypre.