Au Canada, le facteur ne passera plus

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Des lettres dans un centre de tri (Photo : Pascal Pavani)

[11/12/2013 17:53:09] Montréal (AFP) Le facteur canadien et son uniforme aux couleurs rouge et bleu va disparaître du paysage quotidien de millions de personnes avec la décision mercredi de Postes Canada de mettre fin à sa distribution porte-à-porte.

La société parapublique a justifié sa décision radicale en soulignant qu’avec le courrier électronique et la concurrence des services privés de messagerie, le nombre de lettres distribuées est passé de cinq à quatre milliards entre 2006 et 2012.

Ceci, notamment car les Canadiens ne reçoivent plus leurs diverses factures par voie postale mais par courriels, a-t-elle relevé.

Chacun des 15,3 millions de ménages canadiens achètent désormais en moyenne “moins de deux timbres par mois”, a souligné la société en présentant le nouveau “plan d’action” d’une entreprise desservant plus de 15 millions d’adresses sur un territoire 20 fois plus grand que la France.

Comme c’est déjà le cas en milieu rural, les foyers urbains seront peu à peu délaissés par les facteurs qui déposeront le courrier dans des boîtes aux lettres collectives couvrant une partie d’une rue ou d’un quartier.

Les derniers parcours porte-à-porte des facteurs auront lieu au plus tard dans cinq ans, si tout se passe comme prévu.

D’ici là, 15.000 départs en retraites ou suppressions de postes (entre 6.000 et 8.000 suppressions nettes, soit 10 à 12% des effectifs) auront été enregistrés.

“Fin d’une époque”

Immédiatement, le syndicat des postiers a dénoncé une décision “insensée” et “irréfléchie” qui “se répercutera sur des millions de gens dans le pays”.

“Si cette décision est mise en ?uvre, ce sera la fin d?une époque à Postes Canada. Nous reconnaissons que Postes Canada doit changer, mais pas de cette façon!”, a déploré Denis Lemelin, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), dans un communiqué transmis à l’AFP.

Si rien n’était fait pour transformer son modèle économique, l’entreprise parapublique –héritière des services postaux britanniques installés en 1775 dans cet ancien dominion– aurait accumulé une dette proche d’un milliard de dollars d’ici 2020, a expliqué Postes Canada.

En plus d’être victime des nouveaux usages de communication, Postes Canada doit assumer d’énormes coûts liés à sa caisse de retraite: rien que pour 2014, le gouvernement fédéral a accepté le report du remboursement d’une dette d’un milliard de dollars provenant des régimes spéciaux de retraire. L’âge moyen des employés de Postes Canada était de 48 ans en 2013, a souligné l’entreprise.

“La réalisation du plan permettra à Postes Canada de retrouver son autonomie financière d’ici 2019”, promet la société royale.

L’entreprise a enregistré une perte de 129 millions de dollars canadiens sur le seul troisième trimestre, contre un bénéfice de 94 millions de dollars pour l’année 2012.

Face au déclin des correspondances épistolaires, le prix du timbre sera par ailleurs porté à 1 dollar canadien (68 centimes d’euros) contre 63 cents actuellement.

Note positive au milieu de ce sombre tableau, Postes Canada note qu’avec l?effervescence du commerce sur internet, “les volumes des colis grimpent”.

Au cours des trois premiers trimestres de 2013, deux millions de colis supplémentaires ont en effet été livrés (+2,8%) par rapport à la même période en 2012.

“Devant ce virage radical, l’entreprise doit rapidement apprendre à gérer davantage de colis et moins de courrier contenant des articles de plus grande valeur”.

Figure de l’opposition, la député Olivia Chow (Nouveau parti démocratique, gauche) a accusé les conservateurs du Premier ministre Stephen Harper “d?éliminer un à un les services essentiels des Canadiens”. “Ces mesures entraîneront des pertes d?emplois et une réduction des services. Elles isoleront les aînés, les personnes défavorisées et les handicapés qui vivent en milieu urbain”, a-t-elle déploré.