Mondial-2014 : la folie des prix au Brésil menace la poule aux oeufs d’or

38eadb707851c7b5c5f839de32b3ea29907f5c95.jpg
évrier 2013 à Rio de Janeiro (Photo : Antonio Scorza)

[02/12/2013 13:31:55] Rio de Janeiro (AFP) Les prix exorbitants affichés pour le Mondial-2014 pourraient tuer la poule aux oeufs d’or d’un tourisme international déjà sous-développé par rapport à l’immense potentiel du Brésil, estiment les experts.

Alors que la compétition est souvent vue comme une chance pour le pays organisateur, elle pourrait cette fois entraîner une hausse des prix telle, que le secteur finira par en pâtir.

“Le Brésil risque de s’exclure lui-même du marché” du tourisme international et de dissuader les visiteurs avec des prix prohibitifs pour les logements et transports, prévient le professeur d’économie allemand Wolfgang Maennig, spécialiste de l’impact des compétitions sportives dans les pays hôtes.

M. Maennig mentionne par exemple des dizaines d’hôtels ayant jusqu’à quadruplé leurs tarifs pour la Coupe du monde.

L’agence de marketing Mundi signale aussi une explosion des prix dans le transport aérien, avec des hausses atteignant parfois 1.000% pour la période de la compétition.

“Le Brésil est une destination onéreuse et voyager à l’intérieur est très cher à cause d’une situation de monopole avec en gros deux compagnies aériennes seulement, TAM et Gol. C’est une entrave au tourisme”, explique Daniel Pla, professeur de la Fondation Getulio Vargas et expert en marketing.

Fans européens inquiets

Depuis 2001, la loi autorise les opérateurs aériens à fixer librement leurs prix.

Et plusieurs médias locaux ont assuré que certaines liaisons intérieures pourraient coûter plus cher que des billets pour Paris, New York ou les Caraïbes.

b6dacf64ac9f4053353336adb01e05f3c5af10df.jpg
énérale de la plage de Copacabana, le 28 mars 2013 à Rio de Janeiro (Photo : Yasuyoshi Chiba)

Des associations de supporteurs d’Angleterre, d’Allemagne et Belgique se sont même indignées de forfaits touristiques (avion-hôtel-match) à 7.400 euros.

Le Brésil a enregistré une hausse de 168% de ses recettes touristiques en 10 ans, en grande partie grâce à la demande intérieure.

Mais une récente étude d’Embratur indique que Rio, par ailleurs ville hôte des JO-2016, est devenue la troisième ville la plus chère du monde pour les hôtels, avec un prix moyen de la nuitée de 187 euros, contre 145 euros à Paris.

Malgré ses plages de rêve et son art de vivre, ce pays-continent n’accueille pourtant que 6 millions de touristes étrangers. Très loin derrière les 80 millions de touristes reçus par la France, première destination mondiale.

“Le problème, c’est l’après-2016. Il ne faut pas que le Brésil soit vu comme une destination chère, sinon nous tuons la poule aux ?ufs d’or pour les prochaines décennies”, a déclaré à l’AFP le président d’Embratur, Flavio Dino.

L’agence Match, détentrice exclusive des droits d’hospitalité de la Fifa a bloqué de nombreux hôtels. Mais un porte-parole confie que des efforts importants ont dû être fournis pour “s’assurer de prix corrects et de conditions raisonnables”.

Impact limité

Alertée, la présidente Dilma Rousseff a mis en place en octobre une commission de surveillance.

Mais M. Maennig redoute une répétition de ce qui s’était produit lors de la dernière édition de 2010, en Afrique du Sud, où “des attentes irréalistes sur la demande avaient fait grimper les prix” sous le regard d’une commission similaire qui “a réagi trop tard”.

Car selon cet économiste, il faut s’attendre à ce que de nombreux supporters n’effectuent qu’un bref séjour dans le pays sans même y dormir une nuit, comme les voisins argentins ou uruguayens.

“Même en Allemagne en 2006 (…), seuls environ 100.000 visiteurs supplémentaires ont passé une ou plusieurs nuits” sur place, rappelle l’expert, nuançant la portée de ce type de compétition sur l’activité touristique du pays hôte.

dfe7c8f39dd91747356c04a81953aa51ce00a528.jpg
éroport de Congonhas à Sao Paulo, le 8 novembre 2013 (Photo : Miguel Schincariol)

En outre, les touristes traditionnels risquent d’éviter le Brésil entre le 12 juin et le 13 juillet, ce qui pourrait engendrer un afflux inférieur aux 600.000 visiteurs étrangers officiellement attendus.

Le gigantisme du pays qui complique les liaisons entre chaque ville-hôte, l’engorgement à prévoir des aéroports, un réseau de transports routier insuffisant et ferroviaire inexistant, pourraient en décourager plus d’un.