Tunisie : Les effets de perturbations post-révolution sur la croissance économique

Par : Tallel

effets-perturbation.jpgLes activités du secteur des services marchands ont connu une baisse du rythme de croissance variant de 26,7% à 0,7% durant la période couvrant les deux dernières années et demie.

La révolution a engendré dans le pays de multiples perturbations affectant profondément la vie économique et sociale des tunisiens. Cela s’est traduit par des revendications à tous les niveaux, elles-mêmes ayant conduit à des troubles et des agitations de la vie des entreprises et de l’administration. A ce jour, ces perturbations continuent à se manifester à un rythme nettement moins soutenu même si on admet volontiers qu’il n’y a pas encore un retour à la normale.

S’exprimant sur les effets sociaux et économiques des diverses perturbations enregistrées durant les 30 derniers mois, la majorité des analystes affirme que ces effets sont négatifs dans le sens où le rythme de croissance a connu une baisse au niveau de tous les secteurs par rapport à leur rythme d’avant révolution.

Évaluation des effets de perturbations

Cet article s’inscrit dans le cadre des tentatives visant à effectuer une évaluation de ces effets sur la croissance sectorielle. En fait, par perturbation, on entend tous les phénomènes en rapport avec les mécanismes économiques et sociaux individuels ou collectifs ayant crée des troubles et des changements de comportements économiques par rapport à la situation précédent la révolution.

On adopte une démarche permettant d’estimer l’amplitude de cette baisse de régime sur les sept sous-secteurs des services marchands. Il s’agit des activités dans le commerce, l’hôtellerie et restauration, les services financiers, le transport, la poste et télécommunication, l’entretien et réparation et autres services marchands.

La même analyse peut être refaite sur les activités d’autres secteurs tels que l’agriculture, l’industrie manufacturière ou non manufacturière ou les activités non marchandes, etc.

La méthodologie adoptée consiste d’abord à utiliser les statistiques des comptes nationaux élaborées par l’Institut national de la statistique relatives aux taux de croissance des valeurs ajoutées de ces sous-secteurs d’activité exprimés aux prix constants de 2005.

Les observations sont réalisées à un rythme trimestriel sur toute la période couvrant le premier trimestre de l’année 2001 jusqu’au deuxième trimestre de l’année 2013, ce qui correspond à 50 observations trimestrielles réparties en 40 trimestres avant la révolution, du début de 2001 à la fin de 2010, alors que les dix derniers trimestres sont relatifs à la période post révolution.

A partir des séries d’observations de chacun des sept sous secteurs, il s’agit en un premier temps d’identifier la dynamique de chacune des sept séries sur les 40 premiers trimestres, en utilisant les techniques statistiques appropriées, ensuite, prolonger sur la période post révolution ces séries par leurs valeurs hypothétiques sur la base des dynamiques identifiées précédemment.

La comparaison sur la période post révolution entre la série extrapolée et la série observée sur les dix derniers trimestres permettra de mesurer l’écart entre le vécu réel de la série avec le prolongement naturel de chaque série que l’on aurait très probablement observé sans le changement conjoncturel apporté par la révolution.

Cet écart, quand il est statistiquement significatif, dans le sens qu’il peut être plus fréquemment différent de zéro, traduit un effet significatif des perturbations post révolution sur l’évolution de chacune des séries. Les écarts s’expriment en termes de taux de croissance de la valeur ajoutée du sous secteur en dinar constant. Un écart d’une unité signifie que les perturbations ont affecté une baisse de la valeur ajoutée de 1% par trimestre en dinar constant de 2005.

Analyse des résultats obtenus

A l’issue des calculs effectués selon la démarche expliquée ci-dessus, l’analyse des résultats des écarts (voir les graphiques de ces écarts) entre le potentiel et le réel montre que l’écart moyen est de 9.7% sur les dix trimestres, ce qui correspond environ à un effet mesuré par une baisse d’environ 2.4% par année en dinar constant. La baisse peut devenir plus importante si l’on exprime l’écart en dinar courant.

Graphiques

Les résultats obtenus prouvent que six sous-secteurs parmi les sept considérés ont été affectés par un écart irrégulier, tantôt haussier tantôt baissier de leur croissance, avec toutefois un écart positif moyen sur toutes les périodes, ce qui correspond à un effet vers la baisse du rythme d’activités sur les 10 trimestres post-révolution comme le montre le tableau ci-dessous.

Pour les trois sous-secteurs (Entretien et réparation, services financiers et autres services marchands), les effets à la baisse de la croissance sont assez faibles, avec respectivement 0.7%, 1.3% et 6.7% sur une période de dix trimestres post-révolution. Pour les sous-secteurs “Services hôtellerie et restauration“, “transports et postes et télécommunication“ les baisses de rythme sont plus élevées avec respectivement 9.2%, 10.5% et 12.5%.

Avec une baisse de 26.7%, le septième sous-secteur correspondant à l’activité commerciale enregistre un écart à la fois important et systématiquement positif le long des 10 trimestres, ce qui correspond à une croissance plus faible que la croissance potentielle de 2.67% par trimestre. De ce fait, ce secteur apparaît comme le secteur le plus affecté par la baisse du niveau d’activité caractérisant la période post-révolution avec une baisse annuelle d’environ 10.8% de la valeur ajoutée en prix constant.

Cette baisse générale du rythme de croissance est, comme il est précisé par les diverses notes relatant la conjoncture de la Tunisie, le fait de la chute de la demande suite à l’érosion du pouvoir d’achat des consommateurs découlant de la hausse des prix de vente des divers produits et services durant les deux dernières années, à la baisse du niveau de la production, aux restrictions monétaires et financières qu’a connu notre pays, à l’absence d’une réelle volonté d’investissement privé, etc.

Pour le secteur de commerce, même si on reconnaît que les problèmes évoqués précédemment affectent ce secteur, avec les effets spécifiques tels que le resserrement du crédit, la concurrence déloyale impulsée par le commerce parallèle, les délais de paiement de la part des clients, etc.

Toutefois, l’écart trouvé en termes de baisse de rythme de la croissance dans le secteur semble être élevé en raison probablement de l’existence de pratiques et d’activités commerciales échappant aux statistiques officielles du commerce comme celles des activités du secteur de commerce ne transitant pas par les réseaux de distribution conventionnels ou celles faisant l’objet d’une contrebande, etc.

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Source: IACE_CTVIE