Faut-il produire encore de l’ammonitre en Tunisie?

ammonitre-tunisie.jpgLoin d’être une hypothèse de travail, la question mérite non seulement d’être posée mais surtout débattue dans la mesure où terroristes et contrebandiers tunisiens, algériens et libyens ne jurent, ces temps-ci, que par l’ammonitre. Les terroristes utilisent ce fertilisant agricole pour fabriquer des bombes comme c’est le cas au Djebel Châambi, tandis que les contrebandiers trouvent dans sa vente illicite des revenus forts rémunérateurs.

Des saisies d’importantes quantités sont signalées de temps à autre, particulièrement à la frontière libyenne, mais certains convois parviennent à la faveur de moult complicités de plus en plus criardes et scandaleuses à traverser la frontière.

C’est le cas de la saisie par les Algériens, ces jours-ci, et ce en dépit d’une alerte rouge à la frontière de pas moins de 46 tonnes d’ammonitre en provenance de Tunisie.

On ne peut ici que se poser des questions sur le degré de vigilance des garde-frontières et des douaniers tunisiens.

C’est pour dire que l’ammonitre, de par sa composition chimique, peut exploser de plusieurs façons, ce qui en fait un produit extrêmement dangereux. Tout le monde se rappelle le terrible accident qui a eu lieu, en 2001, dans l’usine AZF à Toulouse en France. L’explosion de sacs remplis d’ammonitre en était la cause.

Conséquence: ce principal fertilisant, utilisé jusqu’ici au fort taux de 90% par les agriculteurs, doit être sévèrement contrôlé lors de sa production et sa distribution.

Pourtant, il y a exactement six ans, c’est-dire en 2007, le gouvernement de l’époque avait anticipé et entamé un processus pour son abandon définitif et pour son remplacement par deux autres engrais azotés: l’ammonium nitrate sulfate (ANS) et l’urée, retenus, en prime, comme des intrants essentiels pour l’amélioration de la production agricole au double plan de la qualité et de la quantité.

Les ingénieurs du Groupe chimique tunisien ont été unanimes, à l’époque, pour confirmer l’efficience de ces deux engrais à l’échelle internationale quant à leur apport dans la préservation de l’équilibre alimentaire de la plante et l’amélioration de sa croissance.

Les deux nouveaux engrais présentent également l’avantage de répondre aux exigences de l’agriculture tunisienne et à ses spécificités au plan du climat, du sol et des systèmes agricoles. L’urée, par exemple, peut fournir 46% des besoins des plantes en azote contre 33% pour l’ammonitre. L’ANS, qui fournit quant à lui 26% de ces besoins, contient également du soufre (13%), un produit nécessaire à la croissance de la plante.

Mieux, le GCT avait même projeté un projet d’adaptation de l’usine d’ammonitre de Gabès à cette nouvelle donne et programmé, à cette fin, sa mise à niveau.

Une nuance mérite d’être signalée. A l’époque, la décision d’abandonner l’ammonitre avait une portée «préventive». Les autorités tunisiennes de l’époque entendaient, certes, prémunir ouvriers d’usine, agriculteurs et simples citoyens des dangers que présentent cet engrais, notamment lors de son stockage et de son mélange -contact avec d’autres produits-, mais c’était surtout pour dissuader toute utilisation de cet engrais à des fins terroristes.

L’Histoire leur a donné raison. Contrairement à l’ammonitre, l’’urée et l’ANS sont des produits dits «stables» et ne font encourir aucun risque à leur utilisateur.

Finalité: au regard de l’utilisation à des fins terroristes de l’ammonitre, il est du devoir du Groupe chimique tunisien (CGT) de dépoussiérer ce dossier et de s’y engager à fond. Il y va de la sécurité du pays.