Printemps arabe : «Les Arabes sont passés directement à la compétition sans passer par la phase consensuelle»

printemps-arabe_2013.jpgLes Arabes ayant renversés, en 2011, des régimes dictatoriaux, ne seraient pas partis du bon pied. En effet, d’après l’universitaire Darem Al Bassam, présent à la vingtième université d’été de l’Association Club Mohamed Ali de la Culture Ouvrière (ACMACO), présidée par Habib Guiza, que «les Arabes sont passés directement à la compétition (politique, ndlr) sans passer par la phase de consensus». Cet expert irakien cite en particulier l’exemple du Chili où «la phase de transition s’est faite avec les forces anciennes».

tourisme-19082013-l.jpg

En passant directement à la compétition politique, les Arabes «ont pénétré un terrain difficile» initiant un processus qu’il juge destructeur «au détriment de l’intérêt national».

En Europe de l’Est, après la chute des régimes communistes, la situation a été quelque peu différente. «Très prudente et soucieuse que le processus ne lui échappe, l’Europe occidentale a mis l’accent sur la continuité de la loi. Il n’y avait pas quelque chose s’appelant “justice transitionnelle“».

Attaché à l’approche comparative, Darem Al Bassam insiste pour que «nous Arabes nous nous dotions de nouveaux outils d’analyse». Selon lui, l’intellectuel doit «conceptualiser et dépasser l’approche expressive pour la transformative» et réfléchir à des questions essentielles comme ce qu’il appelle «l’atterrissage soft» des processus en cours dans le monde arabe –via des compromis-, l’enracinement de la démocratie, la participation politique, la question religieuse et le «facteur externe», c’est-à-dire l’implication des puissances étrangères dans le Printemps arabe.

Concernant l’atterrissage ou la «transition sécurisée», l’universitaire rappelle qu’en Europe de l’Est et en Amérique latine cela s’est fait dans un cadre «national» sans que se pose la question des «appartenances secondaires, comme l’identité».

A l’opposé, les deux régions n’ont pas réussi, selon Darem Al Bassam, à enraciner la démocratie puisque leurs démocraties ont été qualifiées de «dormantes», avec l’émergence de facteurs négatifs: «discours populiste, personnalisation du pouvoir, prise de décision non soumise au questionnement, persistance du népotisme et de la corruption et, dans plus d’un cas, retour à l’autoritarisme».

Quid des «ordres régionaux»

Poursuivant son analyse comparative, l’universitaire constate que «tous les partis arrivés au pouvoir directement après le changement ont perdu leur crédibilité en raison du plafond très haut des revendications et de la faiblesse des ressources de l’Etat» et qu’après le reflux de ces formations «des partis de gauche ont pris le relais qui ont abandonné les politiques néolibérales».

Pour ce qui de l’implication des puissances dans les pays connaissant des processus de transition, Darem Al Bassam explique les «ordres régionaux ont des constantes auxquelles il ne faut pas toucher». Pour illustrer son propos, il donne l’exemple de l’Egypte «où les grandes puissances –les Etats-Unis en l’occurrence- ont essayé de changer la donne à travers les Frères musulmans, mais les pays du Golfe et l’Arabie Saoudite en particulier ne veulent pas que l’ordre régional change».

Et d’une façon générale, à chaque fois qu’il y a une expérience démocratique quelque part dans le monde, «l’Occident l’appréhende sous l’angle de ce qu’elle peut lui faire gagner ou perdre. Chez nous, le facteur international constitue un effet de levier et non une carotte, et on ne peut s’y opposer que si nous avons un modèle de transition intégral».