Abou Dhabi remarquable, mais sans âme, sans liberté et sans démocratie


abou_dhabi-25042013-l.jpg«A
Abou Dhabi, évitez de consommer des boissons alcooliques dans la rue et de
parler politique, mais vous pouvez vous se la couler douce et ramasser votre
pactole sans être autrement inquiété», assure un citoyen du monde sis à Abou
Dhabi.


Aux Emirats, parler politique risque de vous faire perdre votre nationalité.
C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à des
Emiratis
qui avaient soutenu, il y a
une année, sur twitter, des Syriens expulsés suite à une manifestation à Abou
Dhabi.

En fait, pour vivre heureux dans cet Emirat prospère du Golfe persique, il faut
être obéissant, discret et travailleur, ne rien voir, ne rien entendre et ne
rien dire. Vous pourriez ainsi gagner beaucoup d’argent et rentrer
tranquillement chez vous. Car dans la capitale des Emirats arabes unis, riche et
très riche, tout est nouveau, tout est beau. Des gratte-ciel abritant aussi bien
habitations et bureaux que centres commerciaux, aux grandes avenues très propres
et grands parcs bien conçus et brillamment dessinés, en passant par de belles
promenades en bord de mer ainsi que des monuments splendides, tels la Mosquée de
Cheikh Zahed Al Nahyane ou des hôtels à 10.000 $ la nuitée, tout est
admirable…

Aux Emirats, tout est tellement parfait, tellement bien ordonné et parfaitement
aménagé que ceux qui viennent de vieux continents, comme l’Afrique ou l’Europe,
ont un sentiment de froid, car Abou Dhabi, la capitale, est superbe mais sans
âme, sans vie, sans cœur…

Pourtant, elle abrite les plus grandes universités comme Cambridge, Oxford,
Harvard ou encore la Sorbonne. Les enfants des Emiratis et les étrangers y
étudient mais les premiers ne font apparemment pas grand-chose de leurs
diplômes: «Ce sont des rentiers, des consommateurs nés. A les voir ainsi, on a
du mal à croire que durant les années 60, la population vivait uniquement du
commerce des perles et de la pêche et que les tribus nomades passaient leur vie
d’un plan d’eau à un autre cherchant des endroits viables, perdant parfois en
route leur propre progéniture… Travailler est trop leur demander. Parfois ils
contractent des prêts pour créer des projets et ce sont des étrangers
-britanniques, américains ou libanais- qui les dirigent. Pour le reste, les
Emiratis sont très polis si vous les comparez à d’autres populations des pays du
Golfe arabe», témoigne un haut cadre occupant un important poste de
responsabilité dans une administration de la place.

Dans les grandes avenues d’Abou Dhabi, vous ne verrez pas les véritables
habitants du pays, que des étrangers, des travailleurs pour la plupart d’origine
asiatique, et ce sont quasiment tous des hommes (pakistanais, indiens,
bengalis), qui déambulent nonchalamment ou attendent dans des stations de
transport public.

«Vous pourriez vous trouver au fin fond du Sahara, il y aurait toujours une
employée ou un travailleur étranger pour s’occuper du nettoyage. Le fait est que
la situation des femmes n’est pas pour autant des plus brillantes, car rares
sont celles qui travaillent après avoir eu leurs diplômes. Nombreuses sont
celles délaissées par leurs maris, enfants compris, et ce sont généralement des
cousins ou des hommes issus de la même tribu qui vont se marier ailleurs avec
des femmes d’origine étrangère. C’est une caisse du gouvernement qui prend
ensuite en charge les familles abandonnées en leur octroyant de modestes
subventions».

Le Cheikh Zayed, «Al Hakim»

En réalité, si les Emirats arabes unis figurent parmi les mieux dotés dans le
Golfe arabe, ce n’est pas uniquement grâce au pétrole, c’est surtout grâce à la
sagesse d’un homme appelé Cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyan, surnommé par ses
concitoyens «Al Hakim».

La légende raconte que lorsque les Britanniques avaient découvert des gisements
de pétrole à Abou Dhabi, ils seraient allés demander protection auprès du Cheikh
Chakhbut, frère ainé de Cheikh Zayed, à l’époque émir, pour que les tribus ne
les attaquent pas lors de leurs prospections. Ils devaient par ailleurs payer un
tribut en espèces sonnantes et trébuchantes à Cheikh Chakhbut qui gouvernait
l’Emirat depuis 1928. Ce dernier, radin, dissimulait l’argent sous son matelas,
refusant de faire profiter les autres des revenus du précieux liquide, maintint
l’émirat dans une certaine pauvreté. Les membres de la tribu Al Nahyen se
sentant lésés et trahis, seraient allés se plaindre auprès du cadet Zayed. Le
deal était simple: «Ou bien vous le convainquez de partager avec nous ou nous ne
le reconnaissons plus comme notre Emir, et c’est à vous que prêtons allégeance
et si vous refusez, c’est la rébellion assurée». Il paraît que suite à cela, on
n’aurait plus entendu parler de Chakhbut : «Il a complètement disparu de la
circulation et personne ne sait où il est parti».

Le Cheikh Zayed, surnommé le Père des Emirats, a pris les rênes du pays et a non
seulement mené Abou Dhabi sur la voie du progrès mais a unifié les différentes
principautés qui constituent aujourd’hui les Emirats arabes unis.

«Vous savez comment on a arbitré le partage des Emirats? En se réunissant dans
un conseil tribal et en posant la question suivante: “Vous prêtez allégeance à
qui? Aux Al Nahyen ou aux Al Maktoum“, et c’est ainsi que les principautés les
plus importantes ont été géographiquement dessinées : Dubaï et Abou Dhabi».

Abou Dhabi est aujourd’hui un centre politique, industriel, culturel et
commercial dans le Golfe persique, mais toute sa richesse n’a pas réussi à lui
donner le plus important: une âme, la liberté et la démocratie.