Tunisie : Dépréciation du dinar par rapport à l’euro… “préoccupante!“

 

dinars-euros-2013.jpgConviés, vendredi 19 avril 2013, par le Centre tunisien de veille et d’intelligence économique (CTVIE) de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), de nombreux experts ont attiré l’attention sur les dangers encourus par la Tunisie de la dépréciation du dinar par rapport à l’euro : 4% au cours des quatre dernières années et 6,2% au cours des deux dernières années. Comme ils ont présenté des recommandations.

Compte-rendu.

Le dinar tunisien s’est déprécié au cours des quatre dernières années de 4%  et de 6,2% au cours des deux ans par rapport à la monnaie unique européenne. Président du CTVIE, Walid Bel Hadj Amor ne pouvait faire, sans doute, vendredi 19 avril 2013, meilleure introduction au débat initié, au siège de l’Institut, à Tunis, par son centre sur «la gouvernance du taux de change».

Walid Bel Hadj Amor ne pouvait ne pas faire accompagner ces indications du commentaire suivant: «C’est bien préoccupant». Mais aussi de ces deux autres commentaires: «Cette dépréciation n’est pas de nature à arrêter la spirale inflationniste et il y a à craindre une baisse de valeur de l’investissement».

Mais ce ne serait pas tout. Car la dépréciation serait encore plus importante si l’on croit Sami Moulay, universitaire, qui estime que «le dinar est, lorsqu’on le rapporte aux données objectives du marché, surévalué de… 5,1%». Et commentaire de ce spécialiste du marché monétaire: «C’est dire qu’on pourrait aller vers une dépréciation encore plus importante que celle qui a cours aujourd’hui».

Mais Sami Moulay se ressaisit vite, pour ainsi dire, pour préciser que cette dépréciation est «par rapport à l’euro». Elle est moins importante donc par rapport au dollar américain. Pour lui, l’explication est simple. Il présente deux types d’arguments: les premiers liés à la zone euro et les seconds liés au comportement de l’économie tunisienne.

Déficit commercial et courant tunisien

La dépréciation est due, en premier lieu, à l’appréciation de la dette souveraine de l’euro et aux différents plans mis en place par les dirigeants de l’Union européenne pour assurer le sauvetage de certains pays de cette union en leur fournissant les liquidités nécessaires.

La dépréciation du dinar par rapport à l’euro est due, en second lieu, à l’importance du déficit commercial et courant tunisien: «les blocages de l’économie tunisienne ne sont un secret pour personne», auxquels il faudrait ajouter ceux des pays de la zone euro «qui vivent une récession» : leur taux de croissance est de 0,3% selon le Fonds monétaire international (FMI).

Maintenant que faire? Une partie du débat de la table-ronde du CTVIE a tourné au tour des actions à entreprendre pour arrêter le «glissement» du dinar. Un consensus semble, à ce propos, avoir été trouvé entre tous les intervenants: il importe d’apporter au plus vite des réformes à notre tissu économique et financier.

Remarque qui sonne, dans ce cadre, comme un avertissement de la part de Houssein Mouelhi, directeur général de la Banque tuniso-koweïtienne: «Il est urgent de réformer, car nous avons trop attendu. Si nous ne le faisons pas, nous risquons de le payer cher en serrant un jour ou l’autre la ceinture. Nous serons sans doute obligés, par exemple, de baisser les salaires. Le Tunisien ne le supporterait pas!», avertit-il.

Dans le même ordre d’idées, Mondher Ben Salem, directeur à l’APII (Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation), plaide pour débarrasser le Code d’incitation aux investissements des multiples restrictions qu’il comporte.

Le même interlocuteur se demande pourquoi cette «dualité» en Tunisie: des entreprises off-shore et des entreprises on-shore. Pourquoi, par ailleurs, cet «ancrage implicite» du taux de change du dinar à l’euro alors que les importations sont exprimées «en dollar»?

Sami Hammami, universitaire, estime que l’ancrage du taux de change du dinar à l’euro se situe entre 63 et 65%. Cet ancrage n’est que de 33 à 37% pour le dollar. En faisant remarquer que  «73,3% des exportations tunisiennes prennent la direction de l’Union européenne et que nous importons de cette partie du monde 61% de nos biens et services».

Autre son de cloche, celui de Sami Moulay: «il est nécessaire que l’on enlève les restrictions sur les capitaux non créateurs de dettes». L’essentiel est que la compétitivité de l’économie ne se construise pas, diront de nombreux intervenants, sur le prix qu’encourage la dépréciation du dinar mais sur la productivité du tissu économique.

Car, comme l’a formulé en usant d’une formule on ne peut plus simple Béchir Trabelsi, directeur adjoint à la BCT (Banque centrale de Tunisie), «si le dinar va mal aujourd’hui, c’est parce que l’économie va mal». Et commentaire d’un participant à la fin des travaux de la table-ronde du CTVIE: «les Tunisiens savent ce qu’il leur reste à faire. Il faut retrousser les manches. Sinon…».