Tunisie – Femmes : La parité, un combat qui n’est pas encore gagné

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Plus de 6000 femmes ont défilé samedi 9 mars sur l’Avenue Habib Bourguiba, non seulement pour célébrer la Journée internationale de la femme mais aussi pour affirmer leur volonté de préserver leurs acquis, appeler à une participation plus effective de la gent féminine dans le processus de transition démocratique et rappeler aux Tunisiens que l’assassinat de Chokri Belaïd doit être élucidé et que la vérité doit éclater.

En Tunisie, les femmes n’oublient pas, ne se soumettent pas et, surtout, ne se prêtent pas aux manœuvres de diversion…

Certes, les Tunisiennes ont parcouru pas mal de chemin depuis 1959, date de la promulgation du CSP, mais beaucoup reste encore à faire. Car non seulement et, au vu de leurs compétences et qualifications, elles n’occupent pas autant de postes de responsabilité que leurs pairs hommes mais elles restent les parents pauvres en matière d’accès à l’emploi, qu’elles soient diplômées ou non.

A fin décembre 2012, le taux de chômage a atteint 13,9% pour les hommes et 24,2% pour les femmes, d’autres prétendent que le taux réel est de l’ordre de 28,2%; quant à celui des diplômés, il serait de l’ordre de 20,6% pour les hommes et 47,5% pour les femmes.

Pourtant, elles sont partout ces femmes, dans les champs, dans les usines, dans les universités, dans les entreprises, dans les médias et dans les départements d’Etat. Elles représentent 30% des magistrats, 40% des avocats, elles sont 30% de créatrices d’entreprises, 72% de pharmaciennes et plus de 44% de médecins…

En ont-elles pour ce qu’elles méritent en termes de représentativité gouvernementale et politique? Le nouveau chef du gouvernement, Ali Laarayedh a reconnu lui-même mercredi 13 mars la faible présence féminine dans sa formation ministérielle (une ministre qui n’a pas l’unanimité et deux secrétaires d’Etat).

La parité défendue depuis des décennies en Tunisie relève de la simple rhétorique. Malgré une histoire jalonnée d’exploits féminins, la société tunisienne reste culturellement conservatrice. Bien que des pratiques courantes dans d’autres pays musulmans ne soient pas pratiquées aussi naturellement en Tunisie et ce indépendamment du CSP. En 1956, 4% seulement des Tunisiens étaient polygames, c’est dire que ce ne sont pas des mœurs ancrées dans la culture du pays.

Malgré une émancipation de fait, beaucoup reste à faire, et à ce jour il n’existe pas de loi sur la parité. 27,57% seulement sont des femmes dans le Parlement post-révolutionnaire.

Aujourd’hui, la société tunisienne, hommes et femmes, craint un islam rétrograde rampant et basé sur une lecture simpliste et superficielle du texte coranique et de la Sunna. Les démonstrations de force des salafistes après le 14 janvier, les discours surannés prononcés par des imams ignares et limités dans les mosquées ainsi que les campagnes d’endoctrinement extrémiste lancées à coups de millions de dinars dans tous les milieux socioprofessionnels et dans les universités, suscitent de sérieuses inquiétudes chez les Tunisiens ouverts et modernistes.

Les femmes, elles, ne lâchent pas prise, elles sont décidées à défendre leurs acquis et à en payer le prix s’il le faut. Lors de la marche du 9 mars dernier, elles ont clamé «Les femmes libres de Tunisie contre la Violence» (hrayer Tounes dhidi il Onf) et aussi (Al Mara rao3ua), la femme est magnifique… ce qui revient à dire qu’elle ne doit pas être considérée comme une infamie…

Oui, les Tunisiennes le sont. Elle l’ont prouvé depuis Elyssa, passant par la Kahena, Ouroua El Kaiwrawania, Lella Manoubia, Aziza Othmana et arrivant jusqu’à Khaoula Rachidi –l’étudiante qui a rehaussé le drapeau national lorsqu’un salafiste l’a rabaissé pour le remplacer par l’étendard noir.

Quatre entretiens dans ce dossier consacré aux femmes dans notre pays, une petite esquisse de femmes actives dans l’espace public et qui participent à faire et défaire l’opinion à propos d’un thème d’importance majeure, celui de la place de la femme dans la société et son rôle dans l’évolution et le développement du pays.