Tunisie – Nominations – Ministère des Affaires étrangères : «Vents d’ouest, vents du Golfe»

tunisie-nominations-2013.jpg«Dès que quelqu’un comprend qu’il est contraire à sa dignité d’homme d’obéir à des lois injustes, aucune tyrannie ne peut l’asservir», disait le Mahatma Gandhi. Il disait aussi «Nul homme qui aime son pays ne peut l’aider à progresser s’il ose négliger le moindre de ses compatriotes»…

Peut-être que si Ben Ali avait lu Gandhi, au lieu de taper tout le temps sur un ordinateur, il aurait eu assez de sagesse pour diriger la Tunisie en homme d’Etat et défendre ses acquis ainsi que les réalisations de celui qui l’a précédé et de tous ceux qui ont devancé la colonisation de la Tunisie….

Ben Ali aurait pu surtout préserver les institutions du pays et les renforcer pour que personne, aucun gouvernant, aucune personne dotée d’un pouvoir même «légitime» n’abuse de ses prérogatives et gère le pays comme si c’était un legs personnel.

Conséquence, nous assistons, impuissants, à l’effondrement des règles élémentaires de bonne gouvernance. Dans nos ministères, ceux qui se plaignaient il y a deux ans d’être compétents et pourtant mis au frigo pour «incompatibilité politique» sont les mêmes qui se trouvent relégués aux postes insignifiants et qui se sentent aussi exclus et toujours pour les mêmes raisons…

Qu’est-ce qui a changé? Rien, ou si, les personnes, mais le système est toujours là aussi puissant, et même beaucoup plus puissant car l’exercice du pouvoir en Tunisie n’est même pas partisan, il est sectaire.

Un exemple éloquent en la matière, celui du ministère des Affaires étrangères où on a sacrifié les références et fondamentaux d’une école diplomatique ouverte au monde entier et surtout à celui développé et basé sur les échanges du Know how, au bon vouloir du président du parti Ennahdha auquel on doit allégeance et obéissance, et qui opte pour une diplomatie plutôt dictée par des alliances stratégiques avec les pays du Golfe.

Les vents de notre diplomatie, orientés traditionnellement vers nos voisins immédiats ainsi que vers l’Ouest, seraient-ils en train de tourner vers le Golfe?

Au MAE, le syndicat qui criait très fort et faisait un bruit assourdissant au début du mandat Rafik Abdesslem défendant bec et ongles la nécessité de mise en place de «critères objectifs pour la nomination des chefs de mission diplomatique et consulaire» s’est tout d’un coup tu, laissant place à une docilité surprenante…

Une source proche du MAE parle même «d’une cooptation et de récompenses pour services rendus»… Car après une première liste qu’on avait jugée «inique», une seconde voit le jour pour pourvoir à des postes majeurs. Celle-ci concerne Washington, Addis Abeba (un ambassadeur sur le départ), Pékin et Ankara.

«Des postes majeurs d’observation et d’analyse diplomatique restés vacants plus d’un semestre durant et voici qu’il devient urgent de “placer“ des diplomates “chevronnés“ pour les combler. Qu’en est-il des diplomates en exercice dans le département et qui ont été lésés toute leur carrière durant par des avancements tardifs et des choix discriminatoires et qui n’ont pas souhaité “jouer“ des cartes partisane»?

A cette question que pose notre source, la réponse est bien entendu évidente: les opportunistes et les mercenaires trouvent toujours place dans les régimes en mal de compétences et à la recherche d’une véritable légitimité. Des régimes dont la volonté de s’approprier le pouvoir supplante celle de privilégier le mérite, de respecter les pratiques de bonne gouvernance et surtout de mettre les hauts intérêts de la nation au dessus de tous les autres…

Est-ce le cas du MAE? Récemment, une deuxième liste de nominés aurait succédé à l’élection du nouveau syndicat professionnel du ministère. Un syndicat toujours aussi docile, paraît-il, puisque peu ou presque pas réactif. Les nouveaux élus aux postes à pourvoir seraient des personnes que rien ne prédisposait au stade de «leurs carrières respectives à aspirer à occuper les fonctions d’ambassadeurs et de consuls généraux…».

«Ce mouvement diplomatique brade les compétences affirmées et confirmées. La Tunisie post révolution présente les mêmes stigmates que celles vécus lors d’un passé honni», déplore notre source qui dénonce: «Cette situation vécue au sein du ministère des Affaires étrangères est à l’image de la léthargie générale qui sévit au sein de la nouvelle classe politique issue des dernières élections et corrobore à plus d’un titre le fait que les nominations obéissent fort probablement à un agenda politique électoraliste… Ces nominations que d’aucuns pourraient juger gratifiantes se résument en une seule formule, à savoir la distribution de bonbons dans un hôpital de diabétiques».

Les derniers nommés seraient-ils des personnes qui ont sacrifié leur morale, leur âme et leur foi sur l’autel de l’opportunisme? Les compétences du MAE auraient-elles déjà cédé au confort momentané oubliant que Ben Ali a été “dégagé“ au bout de 23 ans?

Les seules réponses convaincantes aux Tunisiens, préoccupés qu’ils sont par la confusion dans laquelle baignent les départements les plus importants de l’Etat, seraient peut-être la publication des CV des élus. Les raisons qui ont mené à leurs choix pourraient aussi bien être leurs compétences, quoiqu’en disent “les mauvaises langues“. Elles pourraient tout autant être leurs convictions plutôt proches des centres du pouvoir dans notre pays…

Alors, monsieur le ministre des Affaires étrangères, pourriez-vous nous expliquer les raisons qui vous ont incité à choisir MM respectivement en tant qu’ambassadeurs, consul général et consul: Sabri Bastobgi (ambassadeur au Brésil), Tarek Amri (ambassadeur à Pékin, ex-conseiller à Washington), Hatem Boujemaa (ambassadeur en Turquie), Chaffik Hajji (ambassadeur au Maroc), Mokhtar Chaouachi (ambassadeur aux USA), Ghazi Ben Salah (ambassadeur au Nigéria), Afifa Mallah (ambassadrice en Jordanie) et Hafedh Ben Romdhane (consul général à Nice en France), plutôt que d’autres?

Pour la petite histoire, Radhouane Masmoudi, président du Centre d’études sur l’Islam et la démocratie, n’a pas cessé de clamer qu’il était qualifié pour le poste d’ambassadeur à Washington. Il a même déclaré à Soufiane Ben Farhat lors d’une interview accordée à la chaîne Attounissia, être prêt à sacrifier sa nationalité américaine «pour servir son pays» qu’il n’a d’ailleurs pas cessé de servir depuis 20 ans…

Le malheur est que certaines sources prétendent que l’administration américaine aurait signifié au gouvernement tunisien qu’elle n’acceptera pas de nominations politiques. Le fait que ce soit Mokhtar Chaouachi qui soit désigné aux Etats-Unis, plutôt que Radhouan Masmoudi est-il une reconnaissance du rôle politique de ce dernier?

Les mêmes sources soulignent également que M. Masmoudi présiderait un think tank qui recevrait 1 million de dollars par an du département d’Etat US. Alors, intox ou vérité?