Tunisie : Nous sommes là, nous sommes las aussi!

trois-presidents-220.jpgL’atmosphère était déjà lourde et elle s’alourdit tous les jours. Le manque de visibilité qui caractérise déjà le travail de la Troïka est endémique. Nous ne savons rien et même ceux parmi nous qui savent s’avèrent ne savoir que peu de choses finalement!

Le remaniement ministériel est dans le black out total. On se demande d’ailleurs, comme beaucoup d’observateurs le font, pourquoi Ennahdha s’est-elle fourguée dans cette histoire sachant que c’est un coup d’épée dans l’eau! Qu’est-ce des nouveaux ministres peuvent-ils faire devant les énormes besoins du pays et devant le peu de temps qui reste avant les élections qui, au plus tard, ne dépasseront pas l’automne?

Là il y a d’autres questions! Ce n’est que cette semaine que la composition de la commission qui doit statuer sur les candidatures à la nouvelle ISIE va être connue. On ne sait pas encore quel code électoral nous aurons, à moins de conserver celui des élections du 23 octobre -et nous ne savons pas si la présidentielle précédera les législatives ou le contraire comme certains l’ont avancé.

Les partis démocratiques ne sont pas encore arrivés à convaincre Ennahdha sur les contours des pouvoirs du président de la République dans un régime qu’elle a fini par accepter comme parlementaire aménagé! Dans ces conditions et dans une perspective pas claire sur la date de l’adoption de la dernière version de la Constitution, comment peut-on retenir la date de fin juin pour les élections? Personne ne le sait! Même pas Rached Ghannouchi himself !

Nous approchons du deuxième anniversaire du 14 janvier. Dans le flou le plus total! Certes des signaux d’apaisements sont apparus par-ci par-là, surtout avec l’amorce d’une détente dans la guerre Nidaa Tounes-Ennahdha et avec l’initiative du président Marzouki pour réanimer le défunt «dialogue national». Mais est-ce que ces signaux suffisent?

Visiblement, le pays est tendu! Le Kef, Kasserine, Kébili, Ben Guerdane, Kerkennah… sont traversés d’un mouvement de protestation et de violence notoire. Les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles et l’inflation et la hausse des prix faussent même le plus petit résultat positif de l’économie, s’il y en a un!

En même temps, les spécialistes pointent du doigt une nouvelle tendance qui serait à l’œuvre dans la société et qui oriente vers les gains faciles, le refus du travail à moins que ce soit dans la fonction publique, l’inexistence de suffisamment de main-d’œuvre pour les travaux agricoles, la croissance des réclamations de développement mais sans aucune force de proposition locale qui prenne en compte les atouts et les faiblesses de chaque secteur ou de chaque région!

Ceci s’exprime, d’autre part, par la recrudescence de la contrebande à grande échelle, par la floraison des «kiosques» sur les trottoirs et par les vendeurs ambulants de tout acabit qui envahissent nos villes! Ceci s’exprime aussi par la hausse vertigineuse du coup de la main-d’œuvre dans le bâtiment et même son inexistence!

De quel développement veut-on parler quand personne dans la classe politique n’est capable aujourd’hui de parler clairement aux gens et de leur dire leurs quatre vérités? Tous les paris cherchent surtout de l’audience même en allant dans le sens du poil de la rue, et il y a peu ou pas du tout de leader capable de dire les mauvaises nouvelles, capable de raisonner les revendications, capables d’avouer au peuple qu’il lui faut du temps et de la patience et que le pays est à bord de la récession … Même si notre gouverneur de la BCT -professeur d’économie de son état- a récemment affirmé le contraire!

Le gouvernement de la Troïka a déjà échoué dans sa communication, les partis de l’opposition, dans leur urgence de batailler contre le projet islamiste n’arrivent pas, eux non plus, à inventer un discours nouveau et courageux, la gauche du Front Populaire recycle ses vieilles lanternes révolutionnaires dans un monde qui a depuis plus de 20 ans enterré le socialisme partout même en Chine!

Tous ça pour dire que nous sommes là ! Nous sommes las aussi!