Les temps de l’inquisition s’achèveraient-ils un jour dans un pays où la marche vers la transition démocratique se fait à reculons? Laisseraient-ils place à la sérénité et la quiétude pour rassurer, sécuriser et rendre foi?
A observer de près les réalisations du gouvernement en place, on ne peut s’empêcher de voir que le seul exercice légitime dont il peut se prévaloir est celui des arrestations systématiques des anciens hauts responsables, des détentions préventives qui s’étalent sur des mois et des libérations abusives des prisonniers de droit commun tous azimuts y compris des délinquants menaçant notre progéniture. N’oublions pas dans l’intervalle, la clémence outrancière envers les terroristes potentiels et les barbouzes des prétendues milices de protection de la révolution dont l’agenda est autre que celui de la révolution!
On s’attendait à mieux de la part d’un gouvernement qui prétend être la quintessence de la légitimité électorale et le porteur de la parole de Dieu en Tunisie. On espérait une efficience égale aussi bien en matière de développement économique et de réalisations politiques que de campagnes de vengeance aveugle à l’encontre de nombre de personnalités qui ont servi leur pays par leurs compétences et lesquelles, quoiqu’ayant pêché par un excès de passivité ou même de pusillanimité, ne méritent pas d’être, à chaque fois, trainées dans la boue et passées au crible pour faciliter leur condamnation par l’opinion publique avant même que la justice ne les condamne, preuves à l’appui.
Sur le terrain, le bras de fer Cour de Cassation/chambres d’accusation 9 et 10 a poussé à la création de la chambre d’accusation n°13, laquelle serait chargée, d’après certaines sources, de sévir en systématisant les arrestations et les mandats de dépôts.
Nos juges, espérons-le, se placeront au dessus des petits calculs politiques mesquins car l’histoire toute récente nous a appris que l’on ne pardonne pas aux complices actifs ou mêmes passifs d’actes immoraux, illégaux ou licencieux. «Les grands hommes sont soucieux d’éthique, les petits d’étiquette» disait l’écrivain luxembourgeois Claude Frisoni.
Aujourd’hui, en Tunisie, les hommes politiques sont plus soucieux du nombre de voix qu’ils récolteraient à n’importe quel prix et à coup de populisme politique pervers et cynique que de l’intérêt d’un pays qui mérite plus d’amour et d’attention des personnes bien intentionnées. Nombre de ceux qui gouvernent aujourd’hui prouvent par leurs actes au quotidien qu’ils ne portent dans leur cœur que de la haine et de la vengeance et qu’ils n’ont pour programme socio-économique que des projets de représailles et de châtiments.
Les autorités publiques affirment aujourd’hui vouloir assainir la Tunisie des acteurs de l’ancien régime et de leurs complices, feignant d’oublier dans l’intervalle que mis à part quelques exaltés dogmatiques et intransigeants militants du CPR ou du parti Al Wafa, expression de la haine dans ses degrés les plus élevés, le peuple s’est révolté contre la pauvreté, la marginalisation, les déséquilibres régionaux et les inégalités sociales. Ce qui nous pousse à nous poser des questions sur des partis dont la vision se limite à l’idée de la vengeance et dont les seuls projets sont l’établissement des listes telles celles de Schindler. Avec la différence qu’Oscar Schindler sauvait des vies et que nos Schindler à nous préfèrent les emprisonner et encore plus à tort qu’à raison.
Nous pouvons comprendre que l’on s’acharne contre des tortionnaires, des violeurs, des tueurs. Rien de plus normal car il s’agit de souffrances, de l’intégrité physique et morale de victimes de l’oppression, mais comment comprendre que l’on tienne une logique vindicative et systématique en direction des hauts commis de l’Etat sous prétexte qu’ils ont fait du zèle et ont été complices de Ben Ali et très souvent sans preuves conséquentes ?
Sous Ben Ali, il y avait de hautes compétences qui dirigeaient l’administration publique de mains de maîtres, qui préservaient l’autonomie des décisions nationales et préservaient la souveraineté du pays, celles-ci ont été pratiquement presque toutes écartées, une grande partie d’entre elles passeraient, selon nos prévisions, devant la chambre d’accusation n° 13. Il y en avait aussi des corrompus, zélés et des opportunistes et dont une grande partie serait toujours à sa place fidèle au rôle qu’ils avaient joué auparavant auprès de l’ancien dictateur.
Aujourd’hui sommes-nous sûrs d’être toujours souverains en matière de décisions engageant notre Tunisie, car certaines sources prétendent que la Tunisie a perdu sa place sur l’échiquier international et son positionnement aussi ?
Aujourd’hui, les hauts responsables administratifs, ceux qui ont tenu le coup et qui espéraient que la révolution amélioreraient la situation de l’Administration sont désenchantés et il y en a qui démissionnent parce qu’ils n’espèrent plus.
Aujourd’hui, les décisions de la Cour de Cassation, la plus haute instance judiciaire, sont cassées et renvoyées par le seul vouloir des pouvoirs publics, et les jugements de libération des prisonniers sont suspendus sur la base d’instructions reçues par le ministère de la Justice.
Aujourd’hui, les piliers sur lesquels sont construites les démocraties sont menacés dans leur existence même, et justice et médias se retrouvent ensemble dans un navire menacé de naufrage à n’importe quel moment.
Aujourd’hui, le ministre de la Justice renforce sa mainmise sur la justice par la création toute «légale» d’une chambre d’accusation n°13.
Comment, après cela, veut-on que le Tunisien ne perde pas foi en sa patrie?