La crise italienne réveille les doutes sur la solidité de l’Espagne

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un euro devant le drapeau espagnol (Photo : Philippe Huguen)

[10/12/2012 14:12:15] MADRID (AFP) L’annonce de la prochaine démission du président du Conseil italien, Mario Monti, a suffi à réveiller les doutes sur la solidité financière de l’Espagne, rappelant que l’éventualité d’un sauvetage global n’est pas écartée pour assainir son économie en récession.

Au delà du regain d’incertitude lié à la crise italienne, “le problème de fond de l’Espagne n’est pas réglé, le niveau actuel des taux d’intérêt n’est pas viable à long terme”, estime Jesus Castillo, économiste chez Natixis, qui juge inévitable le recours à l’aide de l’Union européenne.

La quatrième économie de la zone euro, confrontée à la fois à une récession et à un déficit public élevé, est depuis plusieurs mois sous surveillance des marchés, qui jugent probable un recours au “sauvetage européen”, un mécanisme qui permettrait de déclencher un programme d’achat de dette de la Banque centrale européenne (BCE) sur le marché secondaire.

L’annonce samedi de la démission de M. Monti, perçue par les marchés comme un gage de stabilité pour l’Italie, a entraîné lundi un regain de défiance sur la dette de l’ensemble des pays européens en difficulté.

La prime de risque de l’Espagne (la différence entre le taux à dix ans de l’Espagne et celui de l’Allemagne) a ainsi atteint 430 points de base, contre 412 avant le week-end.

La Bourse de Madrid reculait elle de 1,75% à 13H25 (12H25 GMT).

Le ministre espagnol de l’Economie, Luis de Guindos, s’est inquiété de cet effet domino. “Quand des doutes surgissent sur la stabilité politique d’un pays proche de nous, comme l’est l’Italie, cela provoque immédiatement une contagion”, a-t-il constaté.

“Tout ce qui est considéré comme un élément d’incertitude sur les marchés a forcément des conséquences sur la prime de risque espagnole, car la situation est extrêmement fragile”, analyse Jesus Castillo.

Mais, pour l’économiste, cette hausse ne fait que mettre l’accent sur une situation de toute façon intenable à long terme.

Après avoir atteint fin juillet des niveaux historiques de plus de 600 points, la prime de risque espagnole avait connu une relative détente, pour se stabiliser autour de 400 points.

“Cela reste extrêmement élevé”, commente M. Castillo, rappelant que si les taux à 10 ans fixent le niveau auquel se finance le gouvernement, ils déterminent aussi en grande partie celui des ménages et des entreprises.

“Si l’économie espagnole est aujourd’hui étranglée, c’est parce qu’un niveau de taux d’intérêt élevé tue dans l’oeuf tout projet d’investissement”, poursuit-il.

Une analyse partagée par le quotidien espagnol El Pais, estimant lundi dans son éditorial que “la stabilité de la prime de risque au cours des dernières semaines n’est qu’un mirage: les entreprises ne peuvent déjà plus supporter un coût de financement aussi élevé”.

Conséquence, selon le journal: l’Espagne devrait faire appel “sans attendre” à l’aide financière européenne.

Si M. Guindos rejoint l’idée qu'”avec une prime de risque entre 400 et 450 points de base (…) il est très difficile pour l’Espagne de se financer correctement”, il reste très évasif sur un éventuel appel à l’aide européenne.

“Le gouvernement espagnol l’étudie”, a-t-il déclaré, sans plus de précisions, estimant, par ailleurs, que “la moitié” de cette prime de risque est liée non pas à la situation de l’Espagne, mais aux “doutes sur l’avenir de l’euro”.

“Cela fait sens de dire qu’une partie de ce qui arrive à l’Espagne est dû à la contagion”, approuve José Carlos Diez, économiste chez Intermoney.

Selon lui, le pays pourrait même tirer parti des turbulences en Italie pour retarder encore sa demande.

“Ce qui serait normal, c’est que l’Espagne attende jusqu’aux élections en Italie. A ce moment là, la récession en Europe se sera aggravée, notamment en Allemagne, et les exigences envers l’Espagne en matière de rigueur budgétaire seraient moindres”, estime-t-il.