Ain Draham est un beau village. Les étrangers s’y plaisent et s’y rendent à la quête d’une villégiature sereine et d’une communion avec la nature. Paradoxalement, les habitants de Ain Draham ne rêvent que de le quitter au plus vite, et à la première occasion qui se présente. C’est que la vie y est très précaire et très dure, et par endroits presque impossible. Dans cette contrée, les gens ne vivent pas, ils survivent.
La vague de froid exceptionnelle qui a sévi l’année dernière dans ce village a levé le voile sur l’extrême misère qui y prévaut. Pis, cette vague de froid a eu des effets calamiteux et fragilisé l’infrastructure routière par l’effet des glissements de terrains (routes endommagées partout …).
De passage, le week-end dernier, dans ce beau village, le spectacle est, hélas, toujours désolant. Aux entrées du village, que ce soit du côté de Tabarka au nord, de celui de Fernana au sud ou encore de celui d’Amdoun (Zahrat Médine), à l’est, les conducteurs doivent faire preuve d’une très grande vigilance en raison des glissements de terrain qui ont grignoté une grande partie de la chaussée et compromis de manière sérieuse la circulation sur ces routes sinueuses.
Ces glissements de terrain sont spectaculaires. Ils s’agit de brèches qui ont emporté une bonne partie des routes et exigent, à première vue, des fonds conséquents pour financer la réfection des routes.
Au regard du rythme des travaux engagés et au regard du nombre impressionnant des glissements sur les routes nationales précitées et surtout sur les routes montagneuses desservant au moins une vingtaine de villages et de douars noyés dans la verdure des forêts de chênes lièges et de chênes zen (Dar Fatma, Babouch, Col des ruines, Col des vents, Tebainia, Hammam Bourguiba, Sidi Abdallah, kraimia, H’ssainia, Athamnia…), tout observateur doté d’un minimum de bon sens ne peut que craindre le pire pour ces communautés laissées pour compte, et ce pour peu que le froid sévisse, l’hiver prochain, avec la même rigueur que l’année écoulée.
Conséquence : une catastrophe humaine est perceptible à l’horizon si rien n’est fait d’ici là, c’est-à-dire au cas où le ministère de l’Equipement ne parvient pas à reconstruire, dans les temps, les routes endommagées.
En prévision de cette catastrophe annoncée, la société civile, notamment le Croissant rouge tunisien, doit mieux se préparer que l’année dernière, et se mobiliser à l’échelle nationale et internationale afin d’atténuer les effets d’un éventuel isolement de plusieurs agglomérations en raison de probables coupures de routes par l’effet des glissements de terrain.
La situation est grave. Néanmoins, on ne peut s’interdire de s’interroger sur les responsables de cette détérioration de la situation dans ce village ex nihilo certes (création coloniale) mais rodé à la gestion du froid, depuis plus d’un siècle.
Quand on a posé la question aux habitants de Ain Draham, ils n’ont pas hésité une seconde pour désigner trois parties: le ministère de l’Equipement -qui n’a pas entretenu les routes pendant de longues années (les canalisations d’évacuation des eaux pluviales ne sont pas curées chaque année)-, la direction des forêts -qui n’entretient pas les versants, ne boise pas assez et ne lutte pas, ainsi, avec l’efficité requise contre l’érosion- et enfin, les ouvriers des chantiers -qui ont cette tendance fâcheuse à bâcler leur travail (boisement sans aucun taux de réussite, curage et débouchage des canalisations jouxtant les chaussées…).
Résultats: d’importants fonds ont été dilapidés, des décennies durant sans aucun suivi et sans aucun contrôle.
A méditer.