Tunisie – Constituante : L’ANC n’a pas respecté le «deal»

anc-bardo-1.jpgIl ne sert à rien de remettre de l’huile sur le feu pour revenir sur la question de l’impératif de pallier la légitimité électorale par une légitimité concertée. Le peuple a le sentiment d’avoir été floué. Il y a faute grave!

De tous les avis qui se sont exprimés sur l’expiration de la légitimité électorale à la date du 23 octobre, il y en a une qui a été particulièrement clairvoyante. Ghazi Ghrairi, éminent spécialiste du droit constitutionnel, a dit que le respect de la date butoir du 23 par les constituants aurait été un signal fort pour rebâtir une relation de confiance entre le peuple et les responsables politiques, quand ils sont «aux affaires».

Hélas, on a gaspillé cette chance, en passant outre. Quelle lecture peut-on en faire, à l’heure actuelle?

Bafouer le principe de la parole donnée

Le 15 septembre 2011, onze partis dont deux partenaires de la Troïka, à savoir Ennahdha et Ettakatol, avaient signé un accord pour s’engager à finaliser la Constitution en un délai d’un an. Le CPR, pour sa part, ayant réclamé un délai de trois ans, ce qui n’a pas été convenu. Or, ce qu’on voit, c’est qu’en arrivant, les constituants, en finalisant la mini-Constitution, on a aboli tous les textes qui l’ont précédé.

La mini-Constitution a la primauté sur les textes légaux, c’est connu, admis et respecté. L’ennui est qu’en balayant un accord moral, on bafoue le principe de la parole donnée. En langage courant, on parle d’une duperie. En droit, on parle d’un doll. L’argutie juridique n’y fera rien. L’opinion, c’est-à-dire le bon peuple, enfin les gens comme vous et moi, qui pensait qu’à temps nouveaux, éthique nouvelle, a déchanté!.

L’ANC est souveraine

Pour beaucoup d’entre nous, l’argument massue de la souveraineté de la Constituante est un faux fuyant. C’est une attitude légitimiste. L’ANC, investie d’un mandat populaire, semble en faire à sa guise en rompant le contrat moral. Ce qui est blessant dans cette histoire c’est que l’on agite le motif de proroger le délai, pour ne pas avoir à bâcler le texte de la «LOI FONDAMENTALE» du pays! Pensez donc. On prend le peuple pour ce qu’il n’est pas. Que n’a-t-on réfléchi à la question en début de législature? Connaissant la date butoir, les constituants, dans leur ensemble, pouvaient très bien avant de se mettre à l’ouvrage, arrêter un planning.

Nous avons tous en mémoire l’engagement du président Kennedy, en 1960, pour que la NASA envoie un cosmonaute sur la Lune en dix ans. Le programme APPOLO n’a eu qu’un mois de retard, sur les dix années de labeur.

Et qu’est-ce qu’on voit chez nous? En plein milieu de l’été, nos constituants ont débrayé pour trois semaines!!? Un repos de guerrier en plein chantier national pour la rédaction de la Constitution! Qu’est-ce que vous dites de çà?

L’affaire fait encore plus mal quand on met en perspective les salaires mirobolants servis à nos honorables représentants. Par pudeur, je passerais sous silence les montants servis! En tout cas, un simple rappel pour dire que l’ANC nous a coûté environ 30 millions de dinars, par excès!

Faut-il continuer à servir la paie au-delà du 23?

Tout le monde vous dira que les grands engagements publics ou privés se traitent par gentleman’s agreement. Les gens qui respectent leurs mandants n’ont pas besoin de passer par la légalisation de la signature, mais simplement par le code d’honneur. Alors, nous sommes en face de constituants qui sont en dépassement de délai. En pratique, dans la vie de tous les jours, un dépassement de délai occasionne des intérêts de retard.

On ne va pas leur facturer des dédommagements, mais comprenez que l’on puisse évoquer la question de savoir s’il faut continuer à servir la paie aux constituants pour avoir outrepassé, en connaissance de cause, le délai qui leur était imparti. Les constituants ont eu droit à un congé payé, avant même d’avoir une année ouvrée pleine, comme le stipule le Code du travail! La facture est trop élevée pour le pays. Elle risque d’être encore plus élevée quand on voit les risques sur la rédaction du texte qui pourrait nous réserver la surprise d’un Etat, pas tout à fait conforme à nos vœux!