La Grèce attend sans illusions la visite d’Angela Merkel

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à Athènes contre la visite de la chancelière allemande Angela Merkel, le 8 octobre 2012 (Photo : Louisa Gouliamaki)

[09/10/2012 09:03:49] ATHENES (AFP) Athènes attendait mardi sous haute sécurité et dans le calme la première visite de la chancelière allemande Angela Merkel depuis le début de la crise de la dette, qui sera marquée par des manifestations contre l’austérité prônée par l’Allemagne, premier bailleur de fonds européen.

Le centre-ville était presque désert mardi matin, toute une zone comprenant l’ambassade d’Allemagne et les palais gouvernementaux ayant été sécurisée par la police, face aux manifestations prévues par la gauche, les syndicats et les partis de la droite nationaliste contre les mesures qui étranglent les Grecs depuis trois ans, dont Mme Merkel est rendue responsable.

Mardi matin, près du ministère des Finances, lieu de rendez-vous donné par les syndicats, une banderole signée des deux grandes centrales GSEE-Adedy, affichait “tous ensemble, nous pouvons annuler les mesures”.

Les rassemblements doivent débuter peu avant la rencontre prévue à 11H15 GMT de Mme Merkel avec son homologue conservateur, Antonis Samaras.

La chancelière, dont la dernière venue remonte à juillet 2007, à l’époque en soutien au conservateur Costas Caramanlis, sera ensuite reçue par le chef de l’Etat, Carolos Papoulias, avant une rencontre en compagnie de M. Samaras avec des entrepreneurs grecs et allemands.

Par sécurité, les cafés et fast food du bas de la place Syntagma, où les rassemblements seront confinés, n’avaient pas sorti de tables.

Elisabeth, 30 ans, salariée du McDonald’s ne se fait aucune illusion: “Merkel travaille pour ses intérêts et elle veut nous les imposer. Je ne comprends pas ce qu’elle vient faire ici. Sa venue peut aider un peu mais la situation est tellement mauvaise que ca n’a pas grand intérêt”, dit-elle.

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à Athènes contre la visite de la chancelière allemande Angela Merkel, le 8 octobre 2012 (Photo : Louisa Gouliamaki)

“Cette visite jette de l’huile sur le feu, les gens sont très remontés, si elle voulait aider la Grèce il fallait le faire plus tôt”, estime pour sa part Vana Koroneou, 58 ans, propriétaire d’un magasin de sacs de marque allemande situé non loin du point de ralliement du principal parti d’opposition, le Syriza de gauche radicale.

Dès lundi soir, une grande banderole aux couleurs allemandes déployée face au parlement traduisait l’état de desespérance grecque, avec une citation empruntée à Bertold Brecht: “Angela ne pleure pas, il n’y a plus une miette de pain dans le placard”.

“Nous n’attendons rien de cette visite”, disait Tassos, enseignant, participant à une première manifestation qui a réuni quelque 3.000 personnes à Syntagma. “Notre pays vit une catastrophe à cause de l’Union européenne, donc ce n’est pas de ce côté que viendra le sauvetage”, estimait-il.

Eleni Ninakaki, psychologue, était plus incisive à l’encontre du “capital allemand” dont le but, selon elle est “d’exploiter toutes les ressources productives du pays, comme par exemple l’énergie photovoltaïque”.

“Et nous on va travailler comme les esclaves de l’Europe pour les intérêts du capital allemand, et du capital européen”, ajoutait-elle.

Les créanciers de la Grèce -UE, FMI et BCE- ont maintenu la pression pour qu’elle applique l’austérité en lui donnant, dans la nuit à Luxembourg, jusqu’au 18 octobre au plus tard pour “montrer sa détermination à mettre en place les réformes promises”.

Mardi encore, le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi a estimé devant des eurodéputés au sujet de la Grèce qu'”il est clair que les progrès en matière des réformes nécessaires sont perceptibles et significatifs”, mais ajouté “et il est clair aussi qu’il faut en faire plus”.

A l’occasion de sa visite, Mme Merkel devrait, elle, apporter un message de soutien au gouvernement grec.

Adoucissant son ton envers le pays, la chancelière avait récemment affiché sa sollicitude envers les Grecs: “Mon coeur saigne” face aux sacrifices imposés, avait-elle dit.

Mais les commentateurs se demandaient mardi matin si au delà des mots, un soutien sonnant et trébuchant pourrait être apporté dans un pays asphyxié par la récession et le manque de liquidités, où le chômage est à 24% .

Vendredi, le Premier ministre grec a indiqué que son pays ne pourrait tenir que “jusqu’à la fin novembre” car “après, les caisses sont vides”. Mardi matin une caricature en une du quotidien de centre-gauche Ta Nea le montrait en train de cacher les manifestants sous un tapis rouge, déroulé pour Mme Merkel.

Dans la nuit de lundi à mardi les sites internet du gouvernement et de la présidence grecs ont subi une attaque des “hackers” Anonymous -un collectif d’internautes- qui ont laissé un message déplorant “l’indifférence” officielle face aux suicidés, chômeurs et sans abris laissés par trois ans d’austérité et cinq de récession.