Le Maghreb avec ou sans l’Europe?

Par : Tallel

upm-040912.jpgLe Maghreb avec ou sans l’Europe? Les soulèvements maghrébins de 2011 ont souligné, s’il en était besoin, les différentes facettes de cette question, qui relève à la fois du vrai et du faux dilemme.

D’une part, ils semblent consacrer l’échec des politiques euro-méditerranéennes depuis le processus de Barcelone jusqu’à l’Union pour la Méditerranée : leur déroulement a souligné les atermoiements de pouvoirs publics européens face aux mobilisations tous azimuts des sociétés maghrébines, de ces «sociétés civiles» qui furent les parents pauvres des politiques euro-méditerranéennes.

Mais d’autre part, la persistance de dynamiques d’échanges, de projets migratoires, de circulations d’idées, etc. attestent de la profondeur des liens tissés entre le Maghreb et l’Europe. Bien que les relations euromaghrébines aient déjà fait l’objet de nombreuses publications, il nous est apparu opportun de formuler cette interrogation et de poser ce dilemme.

Annonce : Appel à contributions pour la revue L’Année du Maghreb – dossier à paraître en novembre 2013

Argumentaire

Le Maghreb avec ou sans l’Europe? Les soulèvements maghrébins de 2011 ont souligné, s’il en était besoin, les différentes facettes de cette question, qui relève à la fois du vrai et du faux dilemme. D’une part, ils semblent consacrer l’échec des politiques euro-méditerranéennes depuis le processus de Barcelone jusqu’à l’Union pour la Méditerranée : leur déroulement a souligné les atermoiements de pouvoirs publics européens face aux mobilisations tous azimuts des sociétés maghrébines, de ces «sociétés civiles» qui furent les parents pauvres des politiques euro-méditerranéennes. Mais d’autre part, la persistance de dynamiques d’échanges, de projets migratoires, de circulations d’idées, etc. attestent de la profondeur des liens tissés entre le Maghreb et l’Europe. Bien que les relations euromaghrébines aient déjà fait l’objet de nombreuses publications, il nous est apparu opportun de formuler cette interrogation et de poser ce dilemme.

Certes, il est difficile d’imaginer le Maghreb sans l’Europe, et se poser cette question apparaît, à bien des égards, comme une interrogation quelque peu provocatrice. En réalité, il ne s’agit nullement de souhaiter ni même de sous-entendre l’éventualité d’une rupture entre les deux ensembles, car cela est tout simplement irréaliste tant les multiples liens tissés entre eux depuis longtemps – pour le meilleur (périodes d’échanges pacifiques et de coopération) ou pour le pire (période de conflits ou de tensions) – sont solides et aussi parce que la proximité géographique impose des contraintes que l’on ne peut pas ignorer.

Le détroit de Gibraltar (14 kms) et le détroit de Messine (plus large, environ 100 kms) relient plus qu’ils ne séparent les deux espaces comme le montrent les différents échanges entre les deux rives, surtout les mouvements humains, légaux ou clandestins, qui les traversent et préoccupent sérieusement l’Europe comme le Maghreb. Mais, si le Maghreb avec l’Europe apparaît comme une évidence, celle-ci n’en appelle pas moins à une nouvelle réflexion sur ces relations.

Il n’est pas inutile de rappeler une autre évidence souvent oubliée : ces mouvements humains ont toujours été dans le passé d’une grande ampleur, avec les multiples invasions respectives venant du nord ou du sud et la mémoire toujours à vif des exclusions mutuelles.

Dans le contexte aujourd’hui préoccupant des barrières européennes posées à l’immigration, des expulsions de clandestins qui tendent à devenir massives, la comparaison historique avec l’expulsion des juifs d’Espagne puis celle des musulmans et, enfin, celle des morisque musulmans convertis au christianisme) a-t-elle une pertinence scientifique? Peut-on aussi, en sens inverse et dans un contexte différent – puisqu’il n’y a pas eu de décret d’expulsion – établir un parallèle avec les migrations post-coloniales au cours desquelles plus d’un million et demi d’Européens (mais aussi des centaines de milliers de musulmans et de juifs) ont quitté le Maghreb ?

Ces mouvements humains ont souvent pris une forme militaire aussi bien dans le passé que plus récemment, comme le montrent les événements de Libye qui révèlent un autre aspect préoccupant des rapports entre le Maghreb et l’Europe. Celle-ci n’a pas réellement renoncé à l’utilisation de la force, quand bien même l’intervention de l’aviation et de la marine de l’OTAN ont eu lieu avec quelque apparence de légalité internationale.

Aujourd’hui, l’ambition affichée des différents projets euromaghrébins ou euro-méditerranéens, des accords d’association avec l’Union européenne et des multiples accords bilatéraux de coopération entre chacun des pays du Maghreb et chacun des pays européens, semble aller dans le sens de la recherche de nouveaux types de relations. Ce tissu d’accords a remplacé les liens de domination coloniale par de nouvelles relations d’une grande densité prenant souvent l’allure d’un partenariat privilégié. Toutefois, on peut s’interroger sur la nature, la finalité et les effets de ce partenariat non seulement sur chacun des pays maghrébins mais aussi et surtout sur le Maghreb comme ensemble régional encore en construction.

Il suffit de se référer à quelques simples données chiffrées concernant les échanges économiques des pays maghrébins pour avoir un tableau aussi intéressant que préoccupant. En matière d’échanges économiques, la part de l’Union européenne représente entre 60 et 75% des importations de l’Union du Maghreb arabe (UMA) et les exportations maghrébines vers l’Union européenne représentent entre 50 et 70% de leurs exportations totales.

Par comparaison, la part de l’UMA dans les échanges extérieurs mondiaux, déjà faible, ne cesse de décliner depuis deux décennies, pour passer d’environ 2% au début des années 1980 à environ 0,60% aujourd’hui. Quant aux échanges intermaghrébins, ils se situent dans une fourchette fluctuant, selon les États, entre 1 et 5% de leurs échanges globaux.

De la simple juxtaposition de ces chiffres, on serait tenté de conclure que les relations privilégiées avec l’Europe restent un handicap pour le Maghreb qui serait trop dépendant d’elle, compromettant ainsi son intégration régionale et une meilleure insertion dans les échanges économiques internationaux. En effet, pourquoi construire un espace régional maghrébin limité ou s’engager dans un marché international incertain alors que la majeure partie des échanges est déjà orientée vers l’Union européenne qui constitue la première puissance économique mondiale? C’est dire, par conséquent, l’intérêt d’une réflexion sur le degré de dépendance du Maghreb vis-à-vis de l’Europe et sur la dynamique des relations avec d’autres pays ou régions.

C’est dans ce contexte qu’il nous apparaît pertinent de procéder à l’examen de ce qui s’apparente pour le moment à un simple scénario, celui où le Maghreb s’affranchirait partiellement de l’Europe pour chercher et développer d’autres partenariats, en privilégiant ici le niveau des relations interétatiques mais en accordant également une important aux niveaux infra-étatiques, échanges humains, commerciaux, politiques, culturels, etc.

Le Maghreb serait-il à la croisée des chemins au moment où l’UMA est bloquée et empêchée de définir une position commune sur les multiples échiquiers internationaux où les enjeux régionaux, continentaux et mondiaux s’interpénètrent de plus en plus ? C’est donc en ayant en arrière plan tout cet écheveau de réseaux ou de cercles qui se juxtaposent ou s’interpénètrent au point que l’on doit se demander s’il s’agit de cercles vertueux ou vicieux au regard de la construction maghrébine. C’est en quelque sorte sous cet angle qu’il convient de réexaminer et de resituer les relations entre les deux ensembles que constituent l’Union européenne et l’UMA, en ouvrant les autres voies susceptibles de se présenter pour chacun des pays du Maghreb et pour leur projet d’un ensemble régional intégré.

L’approche du sujet pourrait s’ordonner autour de bilans et de perspectives concernant respectivement:

– les relations euromaghrébines dans les domaines les plus importants pour en évaluer les forces et les faiblesses : échanges économiques, techniques, humains, culturels, etc.; cela permettrait de voir les perspectives pouvant s’ouvrir pour les pays du Maghreb individuellement ou collectivement;

– les relations du Maghreb en dehors de l’Europe, notamment avec le Monde arabe, l’Afrique, les États-Unis, les pays dits émergeants (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud);

– les domaines où l’intégration maghrébine pourrait progresser malgré les crises ou blocages politiques qu’elle connaît actuellement.

Conditions de soumission

La réponse à cet appel à contributions s’effectuera en deux temps

Une proposition d’article, appuyé sur un corpus original de sources, sous la forme d’un titre et d’un résumé, devra être envoyée avant le 15 octobre 2012.

Le formulaire en ligne est à renseigner à l’adresse suivante : https://docs.google.com/spreadsheet/viewform?formkey=dDBINHY0d285dG1lbkM2bXBKRHJUa1E6MQ#gid=0

Une réponse sera donnée sur l’acceptation ou non du projet d’article avant le 15 novembre 2012.

Un article, à renvoyer à l’adresse: lannee.dumaghreb@gmail.com avant le 31 janvier 2013.

Responsables scientifiques

Ahmed Mahiou (directeur de recherche émérite, Iremam, CNRS), Rafaa Ben Achour (universitaire tunisien) et Khadidja Elmadmad (universitaire Maroc).

Source : http://calenda.revues.org/nouvelle25021.html