Tunisie – 15e forum des hommes d’affaires et investisseurs arabes : Ezzedine Saïdane, «Les échanges économiques entre pays arabes ont de l’avenir…»

ezzedine-saidane-150512.jpgAzzedine Saïdane, expert financier et économiste, est l’un des panelistes invités à s’exprimer sur l’investissement en Tunisie lors du 15ème forum des hommes d’affaires et investisseurs arabes, qui se tient les 14 et 15 mai à Tunis, et organisé sous le thème «L’investissement face aux mutations actuelles du monde arabe». L’incertitude est le plus grand ennemi de l’investissement, et pour encourager les échanges entre pays arabes, il faut mettre en place une stratégie qui s’étendrait sur des années, assure M. Saïdane.

Entretien

WMC : Croyez-vous à la réussite du développement des relations économiques interarabes?

Azzedine Saïdane: Jusque-là, les échanges entre les pays arabes sont restés extrêmement timides, ce qui explique la faiblesse des investissements interarabes. Généralement, on commence toujours par les échanges économiques qui servent de test et les investissements suivent, ce qui n’a pas été le cas à ce jour. L’acte d’investir est toujours plus structurel que l’acte de l’échange en lui-même. Il y a eu très peu de réussites en matière d’échanges entre les pays arabes et nous espérons aujourd’hui que cela évoluera dans le bon sens.

Pour cela, il faut mettre en place des mécanismes efficients. La Tunisie a enlevé le visa aux ressortissants arabes du Golfe, cela changera-t-il le fait qu’ils n’investissent pas dans notre pays?

Il ne s’agit pas principalement de visa, c’était un obstacle parmi tant d’autres se rapportant aux réglementations, aux normes et aux standards suivis par des pays et non respectés par d’autres, à l’uniformisation des procédures douanières et autres difficultés.

Ce pas tunisien vers l’élimination du visa, ne devrait-il pas été suivi d’un acte similaire de la part des pays du Golfe également ?

Peut-être oui, mais avec l’Europe, c’est pareil, n’est-ce pas?

Oui mais en Europe, on ne parle pas de la Oumma arabe, toute la nuance est là, la question est aussi culturelle. Ne le pensez-vous pas? Ou est-ce qu’on ferait du marketing politique aux dépens de l’économie? Nos hommes d’affaires n’ont-ils pas le droit de se déplacer sans se soucier de visa?

La réalité est que 80% des échanges de la Tunisie se font avec l’Europe dans les deux sens, la structure de nos touristes est européenne, celle de nos IDE, pareil. La diversification de nos échanges avec d’autres groupes et d’autres pays est tout à fait légitime et nous le revendiquions depuis des années. L’intérêt de la Tunisie est d’être connectée aux régions qui connaissent un dynamisme économique et ne pas se limiter à l’Europe pour ne pas dépendre uniquement d’elle. Nous voyons aujourd’hui se répercuter sur notre pays les effets de la crise économique que vit l’Europe.

Diversifier nos partenaires est important, mais soyons réalistes, cela ne se fera pas du jour au lendemain, c’est une décision stratégique dont sa concrétisation exige des années de travail et de terrain. Entre temps, il faut capitaliser sur un nouveau relationnel.

Le destin de la Tunisie est-il d’être amarré à l’Europe ou aux pays arabes? Les pays de l’Amérique latine sont des potentiels partenaires économiques qui peuvent être très intéressants pour nous. Qu’en pensez-vous?

Le destin de la Tunisie doit être décidé par les Tunisiens. Que notre pays œuvre à développer ses échanges avec les pays qui connaissent une dynamique économique comme l’Amérique Latine ou d’Asie, c’est important pour nous car c’est là où nous trouverons des sources substantielles d’IDE et des opportunités d’échanges intéressantes. Ajoutons à cela, le continent africain, nous ne pouvons pas en tant que Tunisiens ne pas établir une stratégie claire et nette pour la conquête du marché africain. C’est aujourd’hui un réservoir de croissance qui intéresse autant les pays développés que les pays émergeants qui ont mis en place des politiques spécifiques pour la conquête économique de l’Afrique.

D’après vous les pays arabes habitués à traiter avec des Britanniques, des Américains et d’autres nationalités non arabes seront-ils aussi intéressés par les profils des Tunisiens et de la Tunisie d’autant plus que leurs investissements ne nous apporteront pas beaucoup de valeur ajoutée?

Toute forme d’investissement étranger est la bienvenue pourvu qu’elle soit conforme à la réglementation tunisienne. La Tunisie doit encourager tout IDE de nature à créer de l’emploi, nous éviter d’alourdir notre fourchette d’endettement extérieur et nous ouvrir de nouveaux marchés, que cela vienne des pays arabes ou du reste du monde. Mais en tout état de cause, il faut que l’investissement domestique démarre et donne l’exemple.

Qu’est-ce qui bloque au niveau des nationaux? Le chef du gouvernement vient d’affirmer que le climat d’investissement s’est nettement amélioré depuis le 23 octobre…

Il n’y a rien qui bloque, c’est tout l’environnement global qui est confus. On ne fait pas d’affaires dans l’incertitude. Le 23 octobre est une date importante dans le sens où nous avions vécu des élections pour une transition démocratique et un changement politique. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est veiller à ce que l’économie ne s’effondre pas, sinon, c’est tout le processus qui tombera en ruine et la transition sera en danger.