Tunisie-Réalisations économiques : 2,2% de taux de croissance au troisième trimestre, fictif ou concret?

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-1,8% de croissance en Tunisie pour l’année 2011, c’est le FMI qui l’a décrété. Le gouvernement tunisien, lui, ne cesse de clamer que le taux de croissance de l’année précédente était de -2,2%.

Dans sa note de conjoncture, la BCT affirme, pour sa part, que le taux de croissance économique pour l’année 2011 a été révisé à la baisse, soit -2,2% contre -1,8% selon des estimations précédentes, justifié par la baisse de l’activité dans les secteurs des industries manufacturières (-3,9%) et des services (-4,7%).

Qui devrions-nous croire? Le FMI ou nos officiels? Nous pourrions peut-être pousser le vice jusqu’à prétendre que les gouvernants en place, aujourd’hui, veulent enfoncer leurs prédécesseurs pour nous faire croire que redresser la situation socio-économique catastrophique qu’ils ont héritée relèverait du miracle. Mais quoi de plus important que la vérité, à condition qu’on la laisse éclater?

Car ce ne sont pas les seuls chiffres qui nous enfoncent dans un «flou économique», il y a celui du taux de croissance de 2,2 % affiché pour le premier trimestre et annoncé avec tambour et trompette par nos officiels. Alors que la plupart des indicateurs économiques, y compris les rapports de la Banque centrale et les notes de conjoncture de l’INS invitent à la prudence et à la perte des illusions. «Le temps des illusions est maintenant révolu, vient celui des conséquences et surtout de l’action. Pertes de richesses, montée de l’aversion au risque, dégradation des solvabilités, résurgences des faillites et du chômage, la récession et ses conséquences se sont propagées à tous les compartiments de l’économie», déplore l’Institut nationale de la statistique (INS) dans sa Note de conjoncture de février 2012.

Il affirme un peu plus loin: «les facteurs de risque à la baisse sont bien plus nombreux que les éléments qui favoriseraient un scénario de reprise vigoureuse de l’activité. Face à l’argument d’un probable rebond technique en 2012 qui traduirait une remontée de l’activité après son recul excessif en 2011, on recense malheureusement plusieurs indices préoccupants quant à la situation économique en 2012».

La BCT signe et persiste: «… les résultats préliminaires enregistrés au cours du premier trimestre et au début du mois d’avril ont affiché, récemment, des signes de ralentissement de l’activité économique, dont en particulier la baisse du rythme de la consommation de l’électricité haute et moyenne tensions -qui reflète le niveau de l’activité industrielle-, ainsi que la décélération du rythme de croissance des exportations au cours du premier trimestre de l’année en cours (augmentation de 9,1% en comparaison avec 10,3% pour le premier trimestre 2011). Cette évolution risque de persister eu égard à la contraction, au début du mois d’avril, du niveau des exportations du secteur des industries mécaniques et électriques (-11,9%) ainsi que des industries du textile-habillement, cuirs et chaussures (-29,6%), en liaison avec la baisse de la demande extérieure». Quant aux réserves de change, elles ont atteint la côte d’alerte qui est de l’ordre de 90 jours…

Une stratégie économique qui alimente l’inflation…

Sur quoi s’est-on basé pour affirmer un taux de croissance de 2,2%? Pourquoi les responsables gouvernementaux ne fournissent-ils pas autant d’efforts à expliquer au commun des Tunisiens les raisons de la croissance qu’à mettre à genoux la presse et les médias?

Un taux de croissance de 2,2% qui se confirmerait au mois de juin lorsque toutes les informations seront disponibles pour l’affirmer ou l’infirmer et qui ne s’est pas traduit sur le terrain par la création de postes d’emplois qui devraient atteindre les 40.000! L’INS n’a pas confirmé alors que d’habitude, c’est la source la plus fiable en la matière.

Un déficit budgétaire de 6,9%, prévu par la loi des finances complémentaire, et qui devrait profiter à la relance économique si les capitaux dégagés servent plus à des investissements dans des secteurs créateurs de richesses qui assureront des revenus, et permettre à l’Etat de combler le déficit plutôt que dans le social. Ce qui a d’ailleurs fait dire à un économiste réputé de la place que cette politique n’est pour le gouvernement qu’une «stratégie populiste pour s’assurer des voix lors des prochaines élections et conforter son image pour faire de la propagande électorale avec l’argent du contribuable, car il n’y a pas de relance économique, tout au contraire, l’économie est maintenue dans une situation de récession…»… C’est ainsi que l’inflation est alimentée.

Dans son dernier conseil d’administration, la BCT a reconnu le ralentissement de certains indicateurs relatifs à la production et à l’exportation des industries manufacturières et des services, en particulier le transport, alors que d’autres indicateurs, à l’instar de l’activité touristique et les importations de biens d’équipement continuent à progresser. Sauf qu’avec le glissement du dinar, nos importations coûtent de plus en plus cher, l’euro est aujourd’hui à 2.30 dinars et le dollar à 1.540. Conséquences directe, nous devenons plus compétitifs au niveau des produits exportés, mais la contrevaleur de la dette extérieure devient plus importante, ce qui exige un plus grand effort budgétaire de l’Etat et pèse sur encore plus sur le déficit potentiel.

Quant aux exportations, en l’occurrence les industries manufacturières et en particulier les industries mécaniques et électriques et du textile/habillement, elles ont sensiblement régressé, conjuguées à une aggravation du déficit des paiements courants, une baisse des dépôts à terme et une augmentation des crédits non performants.

En fait, les 2,2% de croissance cités plus haut et que nos planificateurs ne cessent de vendre ces derniers temps représentent le taux de croissance prévu par le FMI pour la Tunisie sur l’année 2012. Réalisation qui augmente de 1,3% selon les prévisions tuniso-tunisiennes qui prévoient, pour leur part, un taux de croissance de 3,5% au terme de cette année.

En fait, ce va-et-vient des chiffres entre instances économiques internationales et autorités nationales n’est pas pour rassurer le marché, les investisseurs tunisiens et encore moins les étrangers surtout, devant le mutisme des membres du gouvernement qui ignorent ou feignent d’ignorer la réalité du terrain.

1.000 MDT au développement régional, 750 MDT aux prisonniers politiques…

A ce jour, les indices pour cette croissance positive restent aléatoires, même si on annonce une année agricole réussie et une augmentation des réservations touristiques pour la prochaine saison. Sur d’autres plans, nous nous retrouvons face à un bassin minier toujours en difficulté, à une situation sociale assez hasardeuse et à un appareil productif toujours en difficultés.

Quelle est la stratégie de relance de l’économie tunisienne pour qu’elle sorte de son marasme? C’est une question à laquelle a essayé d’apporter quelques éléments de réponse Ridha Saïdi, ministre conseiller auprès du chef de l’Etat chargé de l’Economique et du Social lors du Forum organisé récemment par l’Economiste Maghrébin et intitulé «Plus d’Etat, mieux d’Etat».

Dans son intervention, M. Saïdi a déclaré que le gouvernement focalisera ses actions sur trois axes principaux. Le premier, par l’accroissement des dépenses de développement au moyen de l’augmentation sans précédent des investissements qui lui sont affectés; investissements qui s’élèvent à plus de 34% par rapport au budget de 2011 et de 23% par rapport à la loi de finances initiale pour l’année 2012.

Le deuxième axe touche au renforcement du développement régional par l’augmentation des ressources qui lui sont consacrées à hauteur de 1.000 MDT en comparaison avec la loi des finances initiale pour l’année 2012.

Le troisième axe concerne le volet emploi par un effort supplémentaire de recruter 25.000 fonctionnaires dans le secteur public et de remplacer le programme «Amal» par un programme d’encouragement au travail qui consiste à octroyer une subvention mensuelle sur une durée de 2 ans à condition de participer à un programme spécifique destiné à parfaire les aptitudes techniques des chercheurs de travail.

Pour y arriver, le gouvernement dispose-t-il des ressources financières adéquates? Tout porte à le croire lorsque nous voyons que 750 MDT pourraient être consacrés au dédommagement des anciens prisonniers politiques, ce qui ne représente pas pour l’instant la première des priorités d’un pays en détresse.

Wait and see!