Tunisie -Constitution : Top chrono!

C’est parti. Le compte à rebours pour l’élaboration du texte de cette ‘’sacrée’’ loi organique est enclenché. Deux conceptions sont en compétition et l’état de droit est en ballotage.

constituante-130212.jpgC’est aujourd’hui, lundi 13 février 2012 que l’Assemblée Natinale Constituante se met sur la dernière ligne droite de sa mission fondamentale, qu’elle a pourtant laissé pour la fin. Deux mois et vingt jours après le scrutin du 23 octobre, ce n’est pas tôt. Mais le tout n’est pas d’aller vite en besogne. Il faut garder les yeux grands ouverts, l’enjeu est de taille. L’Etat de droit, notre espoir à tous finira-t-il par émerger? Soixante-dix ans après sons indépendance et après une première tentative décevante en 1959, le peuple remet l’ouvrage sur le métier. La démocratie va-t-elle pouvoir élire domicile en Tunisie ou sera-t-elle court-circuitée pour la deuxième fois?

La bataille du destin, la mère des batailles pour l’Etat de droit

A priori rien ne justifie le sentiment d’angoisse qui s’empare du pays et je vous avouerai que, votre serviteur y a, hélas, cédé. Mais, comme le recommande la sagesse populaire «quand on se met en chemin, c’est bien de réciter la Sourate Yassine sans négliger de garder son arme au poing. A priori, les partis de la Troïka se sont engagés devant la Haute instance de ne pas retoucher l’Article premier et de ne rien ajouter qui soit de nature à altérer le caractère civil du futur Etat de droit que nous appelons de nos vœux.

Seulement voilà, il y a les sensibilités, les non dits et les chuchotements, les fuites, et les démentis et puis ces textes furtifs qui surgissent par des mains invisibles et qui donnent à penser que… Alors dans ce cas, allons droit au but et envisageons le pire. Si le parti dominant, devenu en réalité prépondérant, c’est-à-dire le seul qui compte car le seul à donner de la voix et qui, de toute façon, possède la seule voix qui porte, décide sans «tripatouiller» l’article premier d’en ajouter un article supplémentaire pour faire référence à la chariaâ, comme l’une des sources de droit. Quel sera l’impact d’une telle infiltration? Eh bien, l’article intrus sera tout simplement l’article suprême. Il faut bien se dire qu’il n’y a pas de chariaâ à petite dose. La chariaâ est entière et totale. Elle ne sera pas une source parmi d’autres, elle sera la source, exclusive. C’est le principe du cheval de Troie. Une fois dedans, il régente l’ensemble du corps. Il ne faut pas rêver, la chariaâ ne s’accommodera pas du jeu démocratique, elle le rejette. Pire que tout si dans le régime à choisir on nous impose également le régime parlementaire, c’est-à-dire celui qui favorise les partis dominants, nous serons pris en étau entre une loi organique qui réprime et un régime parlementaire qui ne lâchera jamais la bride. Ne nous voilons pas la face. On aura abattu une dictature pour en renouer avec une autre. De quoi demain sera fait.

Un agenda d’abord national

La gestion des crises est le grand révélateur du champ d’intérêt des pouvoirs publics. Face à un conflit social, la référence ne serait plus la justice prud’homale mais la potence ou le supplice corporel et autres châtiments physiques.

Nos compatriotes résidents en Syrie sont abandonnés à la protection divine. Nos concitoyens ensevelis sous un mètre de neige, coupés du reste du monde, auront droit à l’élan de solidarité populaire ou à la charité qatarie. On ne peut descendre plus bas, dépendre de l’aumône du Qatar! Quelle douche écossaise pour la révolution de la Karama (dignité)!

L’Etat est absent ou plutôt occupé à refaire le monde et le Maghreb. Voilà, les priorités chimériques prennent le dessus sur l’agenda national. Il sert à quoi de s’employer à chercher deux hypothétiques points de croissance non encore prouvés quand la machine est grippée et qu’une partie de la population agonise sous nos yeux? Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. La raison veut que l’on mette d’abord de l’ordre chez soi avant de se lancer dans un agenda international mille fois contrarié.

Par ailleurs, que ferons-nous demain face aux crises internationales? Dans celle de Syrie on s’est aligné sur le Qatar. Qu’en sera-t-il du conflit palestinien? On renoncera à la légalité internationale et on s’engage dans une guerre sainte? Prenons garde, c’est ce qui se profile devant nous.

Le consensus ou à défaut un renversement de majorité?

Il ne faut pas être naïf en politique. Il faut avoir les moyens de ses ambitions. Nous voulons un Etat de droit mais hélas on ne peut le garantir. La majorité actuelle peut manœuvrer à son aise. Son projet est clair et il ne sert à rien de se voiler la face. Elle réalisera ce qu’elle a promis à sa base électorale car c’est d’elle qu’elle tient sa légitimité. Donc, elle appliquera la chariaâ et imposera le parlementarisme.

Béji Caïd Essebsi a proposé un mode consensuel de sorte à noyer le parti récalcitrant. C’est une belle vision de l’esprit. Aux grands maux, les grands remèdes. A moins d’un renversement de majorité on ne voit pas comment on pourrait desserrer l’étau qui nous guette.