à Buenos Aires le 20 décembre 2001, où les manifestants réclamaient la démission du président Fernando De la Rua (Photo : Fabian Gredillas) |
[16/12/2011 07:26:25] BUENOS AIRES (AFP) Une situation sociale explosive, cinq présidents de la République en une semaine, 33 morts, des milliers de gens face à la Présidence, des magasins vandalisés, le plus grand défaut de paiement de l’histoire: il y a 10 ans, l’abîme s’ouvrait sous les pieds des Argentins.
“Tout ce que les Argentins avaient construit pendant des générations était soudain parti en fumée”, explique à l’AFP la psychologue Monica Arredondo, spécialisée dans le traitement des personnes traumatisés par cette crise. “Il n’y avait plus de repères, plus moyen de prendre des décisions”, résume-t-elle.
Le 20 décembre 2001 à la tombée de la nuit, alors que le siège de la présidence est cerné de milliers de manifestants, le président Fernando De La Rua (1999-2001) signe sa démission et prend la fuite en hélicoptère, laissant derrière lui un chaos qui a coûté la vie ce jour-là à cinq personnes.
Vingt jours auparavant, le ministre de l’Economie Domingo Cavallo gelait tous les dépôts bancaires, près de 70 milliards de dollars, afin de stopper les retraits et empêcher la chute des établissements financiers, déclenchant la plus grave crise économique et sociale de l’histoire du pays.
C’est le début de la fin pour la parité peso/dollar instaurée par le président Carlos Menem (1989-1999). Le peso sera dévalué, à terme, de 70%.
Les Argentins descendent dans la rue et expriment leur colère en tapant sur des casseroles: ce sont les fameux “cacerolazos”. Le bruit incessant monte et passe d’un quartier à l’autre. Ils crient leur ras-le-bol des hommes politiques: “Que se vayan todos !” (Qu’ils s’en aillent tous !).
Le quatrième président en 12 jours, Adolfo Rodriguez Saa, qui restera au pouvoir une semaine, déclare le défaut de paiement le plus important de l’histoire: 100 milliards de dollars (75 mds d’euros), avant d’être remplacé par Eduardo Duhalde.
ée à Buenos Aires le 21 décembre 2001 (Photo : Daniel Garcia) |
Dans ce pays de 40 millions d’habitants, capable de nourrir 100 millions de personnes, on a faim: des enfants cherchent par centaines à se nourrir dans les poubelles.
Les associations de troc et les assemblées de quartier sont prises d’assaut: les six premiers mois de 2002, le pays s’enfonce dans le chaos.
“Sans le troc, la situation sociale aurait été bien pire”, assure Ruben Ravena, l’un de ses responsables. “Quelque 6,6 millions de personnes ont eu recours à l’un des 1.050 centres de troc créés dans tout le pays”, raconte-t-il.
Cristina Mirabelli, 62 ans, coordinatrice du Centre de troc de La Boca, quartier populaire du sud de Buenos Aires, se rappelle d'”un fabricant de meubles en faillite, venu échanger des meubles contre de la nourriture”. “C’était l’une des rares manières de survivre”.
Il y a la faim, le désespoir, et, comme à New York après le 11 septembre, la nécessité de parler.
“Beaucoup ont survécu à la dépression en allant à la rencontre d’initiatives novatrices comme le troc ou les assemblées de quartier”, relève Monica Arredondo.
ès le début des émeutes anti-gouvernementales le 21 décembre 2001 (Photo : Daniel Garcia) |
Seule une centaine de centres de troc est encore en fonctionnement, mais des épargnants se battent encore pour récupérer leurs avoirs gelés en 2001.
“En 2008, j’ai obtenu un jugement favorable, mais la banque a fait appel !”, raconte à l’AFP Luis Tellechea, 63 ans, lors d’une réunion hebdomadaire d’épargnants.
“J’ai perdu ma maison, mes obligations, la confiance dans les banques, mais je n’ai pas perdu la mémoire”, dit Ana Maiorana, 60 ans. Seule la persévérance permet de tenir.
L’impact psychologique et physique a fait l’objet de nombreuses études, dont celle d’un cardiologue de la Fondation Favaloro, Enrique Gurfinkel, qui a révélé qu’entre 1999 et 2002 le pays a enregistré “20.000 morts de plus par infarctus”.
“Les responsables sauront à l’avenir les conséquences de leurs décisions”, a conclu ce cardiologue dans son étude.