Textos, messagerie, tablette numérique : muscles et tendons trinquent

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édige des textos sur deux téléphones en même temps (Photo : Natalia Kolesnikova)

[21/11/2011 08:14:47] LONDRES (AFP) Les Britanniques ont déjà trouvé un nom pour cette nouvelle épidémie: “text neck”, ou douleur du cou liée aux textos, et “text thumb injury”, pour le pouce. L’utilisation intensive des portables et tablettes numériques cause des douleurs qui peuvent devenir invalidantes.

“J’ai eu une patiente qui souffrait d’une inflammation des tendons du pouce, du fait de l’usage des touches du téléphone, au point de ne plus pouvoir utiliser sa main pendant des semaines”, témoigne Tim Hutchful, de l’Association britannique des chiropracteurs, commanditaire d’un sondage sur le sujet.

L’usage des téléphones “intelligents”, permettant de texter, surfer sur le net, twitter etc., est en plein essor: 44% des Britanniques utilisent leur téléphone pour d’autres usages que la parole pendant une demi-heure à deux heures par jour, selon un sondage You Gov (2.034 adultes britanniques interrogés du 19 au 21 septembre).

Or, “notre corps n’est pas fait pour fonctionner comme cela”, constate Sammy Margo, membre de la Fédération britannique des kinésithérapeutes. Elle incrimine notamment “des touches trop petites, qui contraignent nos doigts à des efforts trop soutenus”.

“Un de mes patients a dû arrêter du fait des douleurs, et s’est équipé d’un logiciel de reconnaissance vocale”, témoigne-t-elle.

Outre le problème des touches, l’écran est à l’origine de mauvaises postures. “Le poids moyen de la tête est de 4,5 à 5,5 kg”, remarque Tim Hutchful. Dans la posture idéale, où on peut tracer une ligne droite entre l’oreille, l’épaule, la hanche, le genou et la cheville, ce poids est réparti sur l’ensemble du corps.

Mais lorsque nous regardons un écran, notre tête se désaxe vers l’avant et “nous ressentons son poids jusqu’à quatre fois plus”, souligne M. Hutchful.

Or l’usage des tablettes numériques et des liseuses se répand comme une traînée de poudre. Et 18% des utilisateurs déclarent y passer 2 à 4 heures par jour. Leur usage s’ajoute à celui de l’ordinateur, désormais l’outil de travail le plus répandu.

Emmanuelle Rivoal, ostéopathe à Paris, voit elle aussi de plus en plus de patients paralysés de douleurs “parce qu’ils passent plus de 5 heures par jour devant un écran”.

“Pour moi, l’inconvénient majeur c’est la convergence visuelle”, dit-elle: “le téléphone, la tablette, l’ordinateur impliquent la mobilisation des muscles de la vision”. “Le problème c’est qu’un muscle mobilisé en permanence appelle les autres muscles pour l’aider: muscles de la mâchoire, du cou, des épaules etc…”

De muscle en muscle, le patient peut se retrouver avec des fourmillements dans les doigts, une tendinite, des douleurs de la nuque, du dos etc.

Ces “troubles musculo-squelettiques” (TMS) sont devenus une épidémie: en France, c’est la première cause de maladie professionnelle, avec 9,7 millions de journées de travail perdues en 2010. Au Royaume-Uni, un travailleur sur 50 souffre de ces troubles.

Tim Hutchful, sans “diaboliser les smartphones”, recommande d’en limiter l’usage à moins de 40 minutes, de faire des pauses, d’aligner la tête sur les épaules.

Emmanuelle Rivoal conseille de porter le regard au loin à intervalles réguliers, de bailler, ce qui relâche les muscles, de s’étirer comme un chat. “De cette manière, on fait un ++reset++ des cellules, qui retrouvent leur vigilance”, explique-t-elle. “Sinon les capteurs de vigilance s’endorment et les muscles commencent à se crisper”.

Sammy Margo s’inquiète particulièrement pour les enfants et adolescents, grands utilisateurs de messageries. “Je connais des familles où on communique par texto d’une pièce à l’autre”, déplore-t-elle: “Parlons-nous!”.