Tunisie – La problématique de développement : Développement humain et inclusion sociale (1)

Par : Tallel

dev-tunisie-1.jpgLa Tunisie a réalisé des avancées importantes, notamment au niveau du développement humain et de la performance économique. Mais en dépit de ces avancées, un nombre de problèmes structurels persistent notamment au niveau de la répartition des richesses nationales et de la justice sociale.

Plus précisément, les problématiques de développement que la Tunisie doit résoudre à court et à moyen terme concernent les domaines suivants:

– Développement humain et inclusion sociale et régionale;

– Gouvernance, responsabilité sociale et participation citoyenne;

– Employabilité, création d’emplois et sophistication de l’économie;

– Intégration mondiale;

– Financement des projets, de l’entreprise et de l’économie;

– Environnement et gestion des ressources naturelles

Développement humain et inclusion sociale

La Tunisie a atteint des niveaux relativement avancés dans les domaines de la promotion du capital humain, notamment l’émancipation de la femme, l’éducation, la santé et la réduction de la pauvreté, grâce à l’effort national pour la promotion du capital humain et le fondement d’une économie compétitive et performante. Avec près de 60% du budget de l’Etat affecté aux secteurs sociaux, l’investissement public, notamment dans le capital humain et l’infrastructure, a été un facteur déterminant.

Ainsi, le taux de scolarisation général est de 77,2%; il est de 98,7% dans l’enseignement primaire, 78,5% dans l’enseignement intermédiaire et secondaire et 38,4% dans l’enseignement supérieur. L’espérance de vie à la naissance est de 74,6 ans. Le revenu par tête d’habitant 6287 dinars ou 9457 dollars américains en parité de pouvoir d’achat (PPA).

Par ailleurs, l’intervention de l’Etat a permis de limiter les retombées négatives de la libéralisation économique sur les catégories sociales vulnérables moyennant une panoplie d’instruments de protection sociale dont, particulièrement, les dépenses et transferts sociaux qui représentent près de 19% du PIB et une politique de soutien des salaires et des prix avec la réévaluation continue des salaires et l’affectation d’une enveloppe atteignant parfois 3000 millions de dinars à la subvention des produits alimentaires, des produits pétroliers et du coût de transport public.

Cependant, malgré les progrès enregistrés en matière de lutte contre la pauvreté, d’amélioration des conditions de vie et de promotion des ressources humaines, des écarts régionaux et des inégalités sociales persistent. Ils sont dus à un partage inéquitable des richesses, à des formes d’injustice sociales touchant notamment les couches vulnérables, mais aussi à la faible performance du système de formation, au niveau bas de l’investissement privé national et à la faible exploitation des potentialités régionales existantes.

Ces écarts et ces inégalités concernent aussi bien l’emploi et le revenu que les indicateurs relatifs au bien-être social, aux conditions de vie et à la situation de la femme. Ils se présentent comme suit sur la base des données disponibles à fin 2010 :

– Le taux de chômage a atteint des seuils supérieurs à 18% dans les régions de l’intérieur contre un taux national de 13% et un taux moyen de 9% dans les régions côtières.

– Le taux de chômage des diplômés du supérieur varie de 31.3% à 47.7% dans 10 gouvernorats concentrés dans le Sud, le Nord Ouest et le Centre Ouest du pays, contre un taux national de chômage des diplômés du supérieur de 23.3%.

– Le taux de pauvreté est de 12.8% dans la région du Centre Ouest contre une moyenne nationale de 3.8%. Ce taux diffère également entre les milieux ; il est de 7.1% en milieu rural contre 1.9% en milieu urbain.

– L’adéquation formation-emploi est faible ; 35% seulement des créations d’emplois concernent les diplômés du supérieur, alors que ceux-ci forment 55% de la demande additionnelle d’emploi.

– Le taux d’analphabétisme chez les femmes est de 30%, contre 15% chez les hommes, de même qu’il est en milieu rural le double de ce qu’il est en milieu urbain, soit 30% contre 15%

– Le taux d’activité de la femme est de 24,8%, relativement bas par rapport à celui de l’homme qui est de 69,5%. La population active est composée de seulement: 27% de femme contre 73% d’hommes.

– La densité médicale est très hétérogène allant de 1420 habitants pour un médecin dans le Sud Ouest, à 2204 habitants pour un médecin dans la région du Centre Ouest, en passant par 1554 habitants pour 1 médecin dans le Sud Est, alors que la moyenne nationale est de 800 habitants pour 1 médecin.

En somme, en dépit du fait que la Tunisie est classée selon l’indice de développement humain du Programme des Nations Unis pour le Développement parmi les pays à développement humain avancé, le déficit de l’indice de développement humain ajusté aux inégalités demeure élevé. En 2010, ce déficit est de 25,2% contre des niveaux variant entre 6% et 15% pour les pays développés. En revanche, malgré les désavantages que subissent encore les femmes, la Tunisie est relativement bien située selon l’indice d’inégalité de genre, occupant la 56e place sur 189 pays. Cependant, la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes demeure un défi majeur pour la société tunisienne. Il en est de même pour la réduction pauvreté et l’amélioration des conditions de vie dans les régions de l’intérieur du pays, pour les couches défavorisées et en milieu rural qui devront figurer au premier plan de l’élaboration de la politique nationale de développement.

Face à ces contraintes et ces constats, l’Etat se doit d’initier d’un côté une politique de développement régional faisant intervenir à la fois les acteurs publics, privés et la société civile et de s’orienter vers une véritable décentralisation régionale. Il se doit également de jouer son rôle de développement à travers l’investissement dans le capital humain et en infrastructure, tout en incitant les intervenants à investir dans tous les secteurs économiques avec une préférence régionale pour les secteurs qui s’apparentent le plus aux spécificités et aux potentialités de chacune des régions.

En outre des réformes majeures s’imposent pour développer le système de formation et d’enseignement supérieur et le système de santé, pour améliorer le climat des affaires et promouvoir l’initiative privée et pour réduire la précarité, renforcer la protection sociale et consacrer la justice fiscale.