La Tunisie a besoin d’un visionnaire et non d’un discoureur

visionneur-1.jpgA tous ceux qui clament haut et fort «Tant pis pour l’économie, normal que des entreprises soient dévastées ou incendiées, c’est la logique “révolutionnaire“… Les opérateurs privés sont pour la plupart des “profiteurs“ qui ont prospéré grâce à leurs relations privilégiées avec le régime et à leur complicité avec les décideurs, faisons-leur payer leurs relations incestueuses avec le pouvoir. Après tout, ce sont tous des pourris qui ont dépossédé le peuple de ses biens et l’ont asservi à leurs ambitions viles et ignominieuses», un humble appel pour qu’ils préservent la santé de la Tunisie et veillent à son avenir.

Car, qu’on le reconnaisse ou pas, une grande partie des entrepreneurs a participé à la construction du pays, tout comme y ont participé des universitaires ou des fonctionnaires…En un mot toutes les catégories socioprofessionnelles qui ne sont pas toutes malhonnêtes ou voraces.

Ces individus, qui ne se sont pas trop fait prier pour se faire les avocats de la Tunisie et parler au nom du peuple, auraient pu offrir à ce peuple qu’ils «vénèrent» des programmes concrets et entreprendre des propositions constructives au lieu de se mettre à dénigrer, diffamer et critiquer devant les caméras. Trop facile, quoi de plus aisée que de détruire, mais construire, c’est une autre histoire !

Les avocats, étendards de la moralité, ont fait adopter par le gouvernement provisoire un projet de loi portant organisation de la profession à leur avantage et dans une conjoncture où il n’y avait aucune urgence. «Apparemment, c’est une contrepartie à leur participation à la révolution». Si on n’appelle pas cela opportunisme!

Ahmed Rahmouni, président de l’Association des magistrats, et alors que le pays était sens dessus, dessous, en cette journée du 15 janvier, était rétabli à son poste à la tête de l’Association, la priorité! Surprenant! Alors que l’on mourrait dans les rues de Tunis, les représentants de deux corporations importantes de système judiciaire tunisien commençaient déjà à assurer leurs arrières. Après tout, le propre de leurs professions est la prudence, qui sait, peut-être qu’un gouvernement élu ne sera pas aussi réceptif qu’un gouvernement transitoire?

Sans parler de l’Union générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT), laquelle tout au long des 40 jours du règne Ghannouchi, n’a pas cessé d’étendre son pouvoir, mettant en avant sa légitimité “historique” comme si nous étions face à des colons, faisant montre de sa toute puissance corporative et sociale, “s’ingéniant” à exhiber devant un secteur privé, fragilisé par la conjoncture, la portée de sa force et de son autorité. Notre UGTT patriote n’aurait pas eu la capacité d’empêcher des grèves et des sit-in qui ont mis à genoux l’économie nationale. Elle a eu par contre la force de soumettre gouvernement et entrepreneuriat à un racket politique et économique jamais connus auparavant en Tunisie.

Ne croyez surtout pas que c’est de l’opportunisme! Ce vilain mot est l’apanage des opérateurs privés. Il s’agit tout juste pour eux de revendiquer «leurs droits» post-révolutionnaires! Que Dieu ait pitié de la Tunisie !

On est allé jusqu’à justifier le commerce parallèle et la dévastation des entreprises

Dans d’autres secteurs, grandes entreprises publiques ou privées dont nombre a été dévasté, du Sud et remontant vers le nord, nous avons entendu des voix s’élever contre la communauté d’affaires tunisienne, gangrenée par la corruption, les banquiers voleurs, les hauts fonctionnaires avides. Rares sont les figures politiques ou médiatiques qui se sont adressées au peuple ou aux «émeutiers», les appelant à plus de calme, plus de lucidité et surtout à préserver les acquis et les biens du pays.

Une petite anecdote à ce propos. Sur la route Tabarka, Tunis, un conducteur s’arrête devant des individus qui empêchent les camions de passer: «Pourquoi faites-vous cela, pourquoi les empêchez-vous de travailler?», «Nous voulons travailler, et puis en Somalie, ils piratent les bateaux, des camions, c’est quoi par rapport aux bateaux». La réponse du conducteur ne s’est pas fait attendre: «Oui pourquoi ne pas faire de la Tunisie une nouvelle Somalie»…

En l’espace de 7 mois de combats fratricides entre «Kataib El Khaddafi» et les révolutionnaires libyens, il n’y a eu aucun acte de vandalisme, aucune destruction d’établissements publics de la part de la population, mieux encore le taux de criminalité a baissé.

Dans notre pays, assis dans des fauteuils confortables, devant les écrans plasmas, les apprentis révolutionnaires «witaalmou fil hjama fi rouss litama», se montrent compréhensifs… le petit peuple a trop souffert, laissant donc ces individus s’adonner à leur commerce parallèle tranquillement, ils doivent bien subsister non? Que savent-ils du peuple? Que savent-ils des enjeux économiques? Ont-ils seulement une idée sur les risques que court le pays à cause de la contrebande, du commerce parallèle, du manque de confiance de la communauté d’affaires dans le système et le leadership politique et la méfiance des investisseurs? Ou est ce que le meilleur moyen de se débarrasser de leur sentiment de culpabilité entre “gens biens” et “gens du peuple” serait de se montrer généreusement tolérants aux dépends des intérêts de ce peuple devenu tout d’un coup leur grand “AMOUR”?

Dans leurs discours “sales bêtes et méchants“ sur les écrans télévisés et dans les radios, disent-ils que le secteur privé emploie 2 millions de personnes, qu’il participe pour une grande part au budget de l’Etat, et à hauteur de 60% dans la création de richesses, c’est-à-dire au produit national brut (PNB)?

Le commerce parallèle qui, soit dit en passant, nourrit des milliers de familles, ne devrait-il pas intégrer l’économie formelle et commercialiser les produits locaux? Payer des impôts renflouer les caisses de l’Etat?

Ces gens qui défendent les artisans du commerce parallèle ont-ils une idée sur leurs fortunes, leurs circuits, leurs fournisseurs? En fait, qui vole qui ? Sait-on que dans une ville comme Gafsa, ces personnes circulent dans des voitures non immatriculées et ont causent de morts d’hommes, dans l’impunité la plus totale?

Sont-ils seulement conscients qu’en faisant de la communauté d’affaires «régulière» l’ennemi n°1 du peuple, c’est ce peuple qu’ils prétendent pourtant protéger qui y perdra des plumes?

L’argent n’a pas d’odeur et n’a pas non plus de patrie. Un homme d’affaires peut s’installer n’importe où, ne serait-ce qu’en Libye maintenant ou en Mauritanie où tout est à construire.

Ceux qui ont le cœur brisé à l’idée que l’Etat puisse sévir contre le commerce parallèle, devraient peut être mettre la moitié de leurs salaires -qu’ils ne pourraient peut-être plus avoir au train où vont les choses- dans des cagnottes, qu’ils redistribueront ensuite aux marchants ambulants, ou aux mendiants qui pullulent partout dans le pays. Ils peuvent ainsi exercer leurs convictions sur le terrain.

Parce que l’homme du peuple est doté d’un bon sens, sain et qu’il n’est pas aussi tordu que nombre de personnalités publiques, un vieil homme m’a demandé un jour, “mais où étaient tous ces gens avant le 14 janvier ma fille, est-ce qu’ils ne mangeaient pas?».

Loin de nous l’idée de nier l’existence de la pauvreté en Tunisie, ou de catégories sociales qui ont souffert de la marginalisation et de l’exclusion et qui ont vécu pendant des décennies dans le dénuement total. Mais le fait est que ces gens-là n’apparaissent pas aujourd’hui sur l’échiquier politique et médiatique du pays, parce que dans leur pauvreté, ils sont restés dignes. Ce sont ceux qui crient le plus fort, qui se font entendre et il n’est pas sûr que ce soient les plus représentatifs de la misère du peuple ou du pays.

De la vision, c’est de cela qu’a besoin la Tunisie

Pour aider les catégories lésées, il faut des projets concrets et non des discours.

Les médias -dont nombre sont «des enragés» d’après un observateur- sont pour leur part ou bien leurrés ou asservis et obsédés par le sensationnel, ne faisant pas la part des choses et ne discernant pas le vrai du faux, ne s’assurant même pas si leurs analyses sont crédibles ou objectives. Ils sont aussi aveuglés quant aux intérêts du pays que ceux qui se servent d’eux pour régler leurs comptes…

Le peuple a droit à la justice, une vraie, à une juste répartition de richesses, à un équilibre régional conséquent. Il a le droit de savoir la vérité, sur ceux qui l’ont berné, ceux qui l’ont subtilisé de ses biens et l’ont leurré. Cela doit se faire mais au détriment de sa propre survie et celle de l’équilibre socioéconomique du pays.

La Tunisie a aujourd’hui besoin de vision et d’un leadership politique qui a de la vision. Ce n’est pas le cas pour l’instant. La communauté d’affaire doute de tout, du pouvoir, de la justice, des médias, en un mot du présent et de l’avenir. Pour elle, ce flou ne peut aider à prendre des décisions pour ce qui est de l’investissement. Et qui dit investissements dit création d’emplois.

Les beaux discours sur l’égalité sont à la portée de tous les beaux parleurs, mais un management économique efficient, une gestion décente et intègre des affaires du pays, une vision à long terme des orientations que doive prendre la Tunisie aux échelles autant politique qu’économique et sociale, n’est pas donnée à tous.

Aujourd’hui, la Tunisie a besoin d’un homme ou d’une femme d’Etat, visionnaire, charismatique, crédible, rassurant(e), sécurisant(e), et influent(e). En-voyez vous autour de vous? Pour ma part, je n’en vois pas beaucoup et c’est ce qui est le plus désespérant pour tous les Tunisiens et surtout la classe moyenne. Celle qui paye ses impôts et s’acquitte de ses obligations, cette épine dorsale du pays n’est pas consultée, elle ne sait même pas qui élire, elle a un seul «droit»: payer des impôts. Cette majorité silencieuse doit aujourd’hui sortir de son silence et assumer ses responsabilités, car elle ne pourra plus dire, un autre jour, «ghaltouni…» (on m’a induit en erreur…).