Tunisie : “Libres mais sans emploi”

«Il nous faudra de trois à cinq ans pour trouver des réponses durables à la
question de l’emploi. Au début, la priorité était d’écouter les demandeurs
d’emploi et de gérer les problèmes instantanés. Maintenant, il s’agit de
réfléchir à la transformation de la bonne gouvernance pour réussir cette période
transitoire», affirme Said Aïdi, ministre de la Formation professionnelle et
l’Emploi, lors d’un séminaire sur “l’employabilité et le développement régional”
organisé en collaboration avec le ministère du Développement régional et la
Fondation européenne pour la formation (ETF).

Il est clair que, pour la question de l’emploi, les solutions ne s’improvisent
pas, bien qu’on ait essayé par divers programmes mis en place par le
gouvernement provisoire. Mais pour trouver des solutions durables, il faudrait
revoir tout un système qui ne se limite pas seulement à la question de l’emploi
mais aussi de l’éduction, de l’enseignement supérieur et de la formation
professionnelle. Des systèmes qui ont montré leurs limites. Il s’agit
actuellement de pallier à leurs lacunes.

Libres mais sans emploi…

Un article paru dans le journal britannique «The Guardian», publié récemment,
soulignait que les jeunes tunisiens sont libres mais sans emploi. C’est évident,
la révolution fut en premier lieu la révolution des chômeurs pour le droit à
l’emploi et à la vie digne. Mais avec la situation actuelle, sur les plans
politique, économique et social, on voit mal comment booster la création
d’emploi qui a tendance à augmenter plus qu’elle ne baisse. «Avec 500 mille
chômeurs au début de la révolution, on savait que le chiffre n’allait pas
s’améliorer mais empirer. D’ailleurs, nous n’avons pas voulu donner de fausses
promesses. Nous ne pouvons pas céder à cette facilité», indique M. Aïdi.

Selon lui, il s’agit plutôt de penser à des solutions au niveau régional qui
permettent d’identifier les besoins spécifiques de chaque région en matière de
formation et de marché de l’emploi. C’est du reste cadre qu’une commission mixte
a été créée visant à élaborer une analyse plus fine de la devise
“emploi-enseignement supérieur”, puisque, selon le ministre, il ne suffit pas
d’avoir une lecture superficielle de l’employabilité. La commission étudiera les
différentes filières enseignées dans les universités tunisiennes et d’identifier
celles qui n’ont aucun intérêt sur le marché de l’emploi.

Un schéma directeur de la formation professionnelle a été aussi établi pour
évaluer le système en question et identifier ses orientations et les besoins en
compétences en concertation avec le secteur privé. Selon Khaled Raouani,
directeur au ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi, ceci
engagera des études par secteur et par région. L’évaluation portera sur le rôle
de l’Etat et sur le rôle des régions.

Découpage régional…

On compte, ainsi, procéder à un nouveau découpage des régions qui facilitera
l’étude du marché de l’emploi et des besoins. Ce découpage engendrera entre cinq
et six régions.

Concernant les critiques qui ont été lancées au programme Amal, le ministre
affirme que l’objectif est de donner confiance aux jeunes tunisiens. «Ils ne
sont pas responsables de leur état. Ce que nous essayons de faire est d’établir
le dialogue avec les différents acteurs. Mais la clé de la solution pour le
chômage passera par une combinaison entre la formation et le développement
régional».

Pour ce qui est de la réforme administrative au sein du ministère, M. Aïdi a
qualifié de suicidaire de penser à cette question au début. Mais il rassure que
ce sujet sera prochaiment débattu. Des séminaires seront organisés avec les
bureaux d’emploi et les différentes administrations concernées.

D’un autre côté, le séminaire a été une occasion pour les Tunisiens de prendre
connaissance de l’expérience européenne, mais pas seulement les bonnes
pratiques. «Nous sommes ici pour vous dire quoi éviter, ce qui n’a pas
fonctionné», lance Madeleine Serban, directrice d’ETF. Pour sa part, Luc Van Den
Brande, président de la commission CIVEX du comité des régions et vice-président
de l’ARLEM (Assemblée des régions et des autorités locales de la région
euro-méditerranéenne), qu’il faut agir sur la simplification et la
rationalisation des services, boostant l’innovation au niveau régional et
favorisant différents modes de financement. Un conseil que M. Brande porte aux
Tunisiens: «Mesurez vos priorités. Vous ne pouvez pas tout faire au même
degré!».