Les larmes et la colère des actionnaires de Tepco après Fukushima

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ée générale, le 28 juin 2011 à Tokyo (Photo : Toru Yamanaka)

[28/06/2011 13:15:05] TOKYO (AFP) Cris, larmes, appels à la démission, les actionnaires de Tokyo Electric Power (Tepco) ont manifesté mardi leur colère à l’encontre des dirigeants de la compagnie lors d’une assemblée générale rendue houleuse par l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima.

Pendant plus de six heures mardi, le grand hôtel de Tokyo où plus de 9.000 propriétaires de titres Tepco avaient pris place – un record – s’est transformé en arène, la direction de l’entreprise subissant la vindicte des petits porteurs, nombreux parmi les quelque 933.000 actionnaires du groupe.

“Nous vous avons confié notre argent. Fukushima, le Japon et le monde ne pourront redevenir comme avant l’accident. Je ne vous fais pas confiance !”, a lancé l’une d’elle, en larmes, en direction du président honoraire de Tepco, Tsunehisa Katsumata.

“En d’autres temps, vous auriez dû faire hara-kiri”, a jugé un autre actionnaire.

La première compagnie d’électricité du Japon, chargée notamment d’alimenter la région de Tokyo, traverse une crise sans précédent depuis l’accident du 11 mars à la centrale Fukushima Daiichi (220 km au nord-est de Tokyo), le plus grave depuis la catastrophe de Tchernobyl (Ukraine) en 1986.

A cause de ce désastre provoqué par un tsunami, Tepco a subi une perte nette historique équivalente à près de 11 milliards d’euros lors de l’exercice budgétaire 2010-2011 et la valeur de son titre boursier a fondu de quelque 85% en à peine cent jours.

“Je n’aurais jamais cru qu’une entreprise notée +AAA+ finirait ainsi”, a expliqué à l’AFP Torao Ogawa, un actionnaire de 60 ans. Tepco a longtemps été créditée de bonnes notes par les agences de notation, mais Moody’s et Standard & Poor’s ont, depuis l’accident, relégué ses obligations en catégorie spéculative.

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ée générale, le 28 juin 2011 à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno)

Des riverains de la centrale ont manifesté devant l’hôtel gardé par la police. “L’accident a privé nos enfants d’une vie saine, nos jeunes de l’espoir de travailler à Fukushima et nos personnes âgées de ce qu’elles avaient construit”, a dénoncé l’une de ces habitantes, Haruna Takida.

Une résolution de 402 actionnaires a proposé de “cesser immédiatement l’exploitation de l’énergie nucléaire, qui est entourée de mensonges, laisse un mauvais héritage à nos enfants et impose un fardeau aux communautés locales”, mais a été rejetée par la majorité.

La direction du groupe s’est excusée à de nombreuses reprises pendant cette réunion entrecoupée de cris et qui a parfois sombré dans la confusion, lorsqu’un participant a tenté d’interrompre physiquement les débats ou qu’un groupe d’actionnaires a voulu monter à la tribune.

“Notre entreprise va drastiquement rationaliser son fonctionnement et tenter de surmonter cette crise dès que possible”, a promis M. Katsumata.

L’assemblée a acté la passation de pouvoir annoncée au mois de mai entre Masataka Shimizu, PDG sur le départ très critiqué pour sa gestion de la crise, et son remplaçant désigné, Toshio Nishizawa.

Les hauts dirigeants du groupe ont renoncé par ailleurs à toute rémunération et les salaires des cadres et employés vont être réduits. Tepco prévoit en outre d’importantes cessions pour faire face à une situation financière catastrophique.

Outre les dépréciations d’actifs massives consécutives à l’accident et les coûteuses interventions nécessaires pour le gérer, Tepco va devoir indemniser les 85.000 personnes contraintes d’évacuer leur maison près de la centrale, les paysans dont les produits ont été contaminés et les entreprises de la région.

Des investisseurs craignent que la firme ne soit contrainte de déposer le bilan, malgré les assurances contraires du gouvernement qui a préparé un plan de soutien financier, en attente d’approbation parlementaire.