Tunisie : La perturbation du système sécuritaire fera-t-elle exploser la criminalité?

criminalite-1.jpgD’après le plus récent (mai 2011) rapport du bureau de la sécurité diplomatique du Département d’Etat américain, le taux de criminalité est jugé moyen (sur une échelle de quatre niveaux: critique, élevé, moyen et bas en Tunisie. D’après cette source, «le départ de Ben Ali a changé le paysage sécuritaire de façons qui restent à déterminer, alors que citoyens et employés du secteur public testent de nouvelles frontières. (…) Avec la liberté nouvelle acquise pour exprimer leurs griefs, des groupes aussi divers que les enseignants, étudiants, travailleurs d’usines, manœuvres, employés des télécoms, personnel d’hôtels et aéroports, et employés d’épiceries ont manifesté durant la période janvier-février».

Le rapport estime que malgré les manifestations et «incidents isolés de pillage», les principales activités criminelles sont «le vol à la tire, vol à l’arraché, et autres délits mineurs dans les régions touristiques à fort trafic comme Tunis Medina et la zone du Marché central, ainsi que les médinas et d’autres grandes villes tunisiennes».

A priori rassurantes, ces données le paraissent moins quand elles sont confrontées et complétées avec d’autres. Ainsi, cela est le cas lorsqu’on prend en considération les informations et le classement de la Tunisie en matière de population carcérale –nombre et pourcentage rapportés à la population.

En effet, au classement du nombre de prisonniers, la Tunisie figure dans le top 10, avec 31.000 personnes, derrière le «leader» incontesté, en l’occurrence l’Afrique du Sud (160.026), l’Ethiopie (80.487), l’Egypte (64.378), le Rwanda (55.000), l’Algérie (54.000), le Kenya (46.662), le Nigeria (46.000) et la Tanzanie (40.111).

Mais la Tunisie est encore plus mal lotie (elle arrive en quatrième position) lorsqu’on rapporte la population carcérale à la population du pays. Chez nous, on compte 297 prisonniers pour 100.000 habitants, soit moins que le Rwanda (545), les Seychelles (381), et l’Afrique du Sud (319), et devant le Botswana (267), le Swaziland (219), la Libye (200), le Gabon (196) et la Namibie (194).

Une consolation toutefois: les Tunisiennes sont absentes du classement de la population carcérale féminine africaine, car leur nombre est si faible qu’il n’atteint pas le taux de 1% relevé au Liberia, dernier de cette liste. Une liste en tête de laquelle se trouvent l’Ile Maurice (6,5%), le Cap Vert (5%), le Kenya (4,5%), la Sierra Leone (4,3%), l’Ouganda (4,2%), le Botswana (4,1%), Madagascar (3,9%), l’Egypte (3,7%), etc.

Mais qu’en sera-t-il à l’avenir? La criminalité ne va-t-elle pas exploser et, avec elle, la population carcérale –fortement réduite par les évasions enregistrées depuis janvier 2011? Ne couvrant que les quatre mois ayant suivi la chute du régime de Ben Ali, le rapport du bureau de la sécurité diplomatique du Département d’Etat américain ne répond pas à cette question. Toutefois, il laisse la porte ouverte à toutes les éventualités, en constatant que «les forts contrôles internes et les réseaux d’intelligence humaine qui ont tenu en échec la criminalité et d’autres éléments ont été affectés (par le changement intervenu en Tunisie, ndlr)» de manière qui reste à déterminer.

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