Tunisie – Les nantis après le 14 janvier : Entre la peur, la stupeur et l’espoir!

Longtemps dorlotée, dandinée, bercée, sécurisée, rassurée et prise en charge par
les pouvoirs publics depuis les années fastes de Hédi Nouira, auteur du fameux
slogan «enrichissez-vous», qui est apparu en guise de clôture et de droit
d’inventaire de la période collectiviste d’Ahmed Ben Salah, la classe possédante
tunisienne, drapée dans son orgueil, vautrée dans l’opulence, déshabituée à la
brutalité compulsive, encline à l’ordre policier, au rituel hiérarchique, à la
sanctuarisation sociale, au rejet des gueux, découvre, à son corps défendant, au
lendemain du 14 janvier 2011
, la force de la meute. L’incantation de la foule.
La colère des citoyens sinistrés. L’indignation plébéienne. La fronde des
va-nu-pieds. La tension au quotidien. La ferveur de la rue. Le zèle des
syndicats. Des partis politiques. Des régions intérieures. Des mass-médias. Des
leaders d’opinion. Des activistes. Et de tous les reconvertis. De la 25ème
heure.

Eh oui! Les bouches s’ouvrent. Les appétits s’aiguisent. Il y a des jours comme
ça, qui ressemblent à des lendemains de cuite. C’est que l’histoire est faite de
cycles au balancement sans fin. La révolution n’est pas une simple parenthèse,
il s’agit d’une mutation profonde des liens sociaux. Jamais autant de gueux
n’auront salivé sur les banquets des riches dans le pays. La bourgeoisie
tunisienne, à l’instar des autres de par le monde, n’a jamais accepté les
nouveaux venus, a tenté, par tous les moyens, de cadenasser le système, fermé
les écoutilles qui permettent l’afflux de sang neuf, bloqué l’ascenseur au
dernier étage. Afin de garantir la maximisation du profit. Pour un nombre réduit
de privilégiés. Ce qui a provoqué le courroux des classes moyennes.
L’ensauvagement des liens sociaux.

En Tunisie, depuis des décennies, face à l’oligarchie financière, qui dansait
sur un volcan, s’enfonçait dans le consumérisme et s’étourdissait de plaisirs,
jurait la misère la plus noire. Alors, haro sur les patrons? Sur la propriété?
Sur le capitalisme? Sur l’initiative privée? Sur le profit? Sur l’argent? Par
nature peccamineux… Un diable qui n’a de cesse, disait Marx, de crier son désir!

Au fait, l’histoire a cruellement montré, à travers l’expérience du goulag, la
chute du
Mur de Berlin et la déconfiture politique et économique des pays du
Pacte de Varsovie, l’échec d’un système communiste, aussi stérile en biens qu’en
libertés. La dictature du prolétariat, qui fit rêver puis végéter le tiers de la
planète, n’est plus de saison. Finalement, pour prospérer à l’aune de la
révolution de la dignité, les baronnies tunisiennes sont dans l’obligation de
revoir leur copie. De faire leur mea culpa. D’être plus partageuses. De
construire de nouvelles alliances. De dépasser la dictature du court terme. De
recréer des solidarités. D’épouser les temps nouveaux. De refonder leur mode de
vie. De rompre avec les postures oppositionnelles de principe. D’acquérir une
lucidité panoramique sur la société. Car chaque citoyen tunisien est détenteur
d’une parcelle de l’intérêt national.