Tunisie : “Nous ne formons pas pour la formation, nous formons pour l’emploi”, déclare Mohamed Agrebi, ministre de l’Emploi

Le ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi (ou MFPE), l’un des
principaux opérateurs dans le domaine de la formation en Tunisie, pourvoit à lui
seul prés de 80% de l’offre publique nationale en la matière à travers ses 135
centres répartis sur tout le territoire et couvrant les principaux secteurs
économiques.

Les centres assurent la formation professionnelle dans plus de 450 spécialités,
tous niveaux compris, allant du CC (certificat de compétences) jusqu’au BTS
(Brevet de technicien supérieur). Ils répondent aux besoins du marché dans le
domaine du bâtiment, du tourisme, de l’hôtellerie, du textile/habillement, de
mécanique générale, de la construction métallique, de l’électricité, de
l’électronique, du transport, des industries aéronautiques et de
l’agroalimentaire.

Le ministère, qui vient d’avoir à nouveau la charge de la formation
professionnelle, se trouve aujourd’hui face à deux priorités : répondre aux
besoins du marché et être réactif par rapport à son évolution en s’adaptant
aussi rapidement que possible à ses demandes sans cesse renouvelées.

Il accorde aussi beaucoup d’importance à la formation continue qui a bénéficié,
à ce jour, à 10.000 entreprises pour un investissement de près de 40 MDT et
soutient les efforts des opérateurs privés dans les programmes de mise à niveau.

Le ministère de l’Emploi a également un défi de taille à relever, celui
d’assurer l’emploi pour près de 415.000 jeunes d’ici 2014. C’est très ambitieux
comme objectif, mais pour le ministre en charge de ce portefeuille, c’est
réalisable.

Round up avec Mohamed Agrebi, ministre de la Formation professionnelle et de
l’Emploi, et autour de la stratégie mise en place par son département pour
réaliser ces objectifs, considérés par certains comme «utopiques»…

Webmanagercenter : 85.000 emplois par an, c’est réalisable d’après vous ?


mohamed-agrebi-art.jpgMohamed Agrebi :
Tout à fait, c’est l’objectif fixé par le programme
présidentiel (2009-2014). Nous œuvrons pour le réaliser et nous sommes capables
de le faire. Il est à signaler que ces 85.000 se caractérisent par la qualité.
En effet, 60% des demandeurs sont des diplômés de l’enseignement supérieur, ce
qui constitue en lui-même un atout important.

De même, l’adoption d’une réforme de la politique active de l’emploi, mise en
application depuis l’année dernière (2009, NDLR)), vise à conférer aux
mécanismes et programmes y afférents davantage d’efficacité.

Notre stratégie ne vise pas seulement de créer de l’emploi direct, mais surtout
d’encourager les jeunes à explorer d’autres créneaux dont notamment la création
d’entreprises qui devient un axe fondamental dans notre politique de l’emploi.
Nombre d’opportunités et de niches existent au niveau des régions et des
localités que nos jeunes sont capables d’en saisir.

C’est dans ce cadre d’ailleurs que s’intègre la campagne nationale menée
actuellement par le ministère pour promouvoir l’initiative privée et encourager
les jeunes à s’installer pour leurs propres comptes en bénéficiant des
différents programmes et mécanismes d’accompagnement et de conseil mis à leur
disposition.

Quelles sont les niches les plus intéressantes?

Tout ce qui est métier de proximité ; on peut citer comme exemples l’assistance
à domicile des personnes âgées, la garde des enfants, l’assistance scolaire,
l’aide des handicapés…et plusieurs autres nouveaux métiers développés suite à la
modernisation de la société.

D’un autre côté, la Tunisie est un site qui attire beaucoup d’investisseurs
étrangers et de groupes internationaux. Ces investisseurs ont besoin des
sous-traitants et des fournisseurs de proximité de services en amont et en aval
dans plusieurs activités telles que l’informatique, la comptabilité,
l’administration … Pour répondre à leurs besoins, il faut créer des plateformes
d’activités complémentaires dans chaque région selon les besoins de son tissu
économique. Cette dynamique permet d’absorber beaucoup de demandeurs d’emploi,
notamment les diplômés de l’enseignement supérieur.

Un autre créneau que je pense très porteur est celui du placement à l’étranger.
Il y a des potentialités et des opportunités énormes qui s’offrent à
l’international, et il y a une forte demande pour les compétences tunisiennes.
Nous les étudions et nous sommes prêts même à assurer des formations
complémentaires spécifiques pour ceux qui nous semblent porteurs pour nos
compétences.

Dans quelles spécialités ?

Toutes spécialités confondues, de la santé à l’informatique en passant par les
finances. Au niveau de la formation professionnelle, la demande existe
également. Il n’y a pas longtemps, nous avons reçu des demandes de l’étranger
pour recruter des jeunes formateurs.

Quels sont les pays demandeurs ?

Beaucoup de pays ont des besoins qui vont devenir de plus en plus pressants.
C’est à nous de voir et de cibler les marchés. Des opportunités en Australie, au
Canada ainsi qu’aux pays du Golfe. Ce que nous devons faire, c’est être plus
agressifs, d’aller sur place, de prospecter ces marchés et de renforcer nos
offres.

Nous travaillons en concertation avec nos ambassades à l’étranger mais également
avec les compétences tunisiennes résidantes à l’étranger surtout celles qui
occupent des postes de décision.

Nous avons entamé déjà des partenariats avec les représentations des bureaux
spécialisés de renommée internationale crédibles pour le placement de nos
compétences à l’étranger. Il faut suivre de près l’évolution de ces marchés.

Qu’en est-il du chômage que nous appelons structurel, c’est-à-dire des jeunes
diplômés en chômage depuis 5 à 10 ans ?

Le plus important à ce niveau, c’est que le programme présidentiel 2009-2014 a
prévu des mesures concrètes pour traiter le chômage longue durée. Notre objectif
est de réduire l’attente d’un emploi à deux ans maximum. Pour les diplômés
depuis un certain nombre d’années et dont la formation n’est plus valable sur le
marché, nous veillons à leur dispenser des formations complémentaires ou de
reconversion pour qu’ils puissent s’intégrer dans le marché du travail.

Quels types de formation complémentaire ?

La maîtrise des langues devient impérative. Il faut que le Tunisien maîtrise la
langue arabe mais aussi le français et l’anglais, très sollicitées tant à
l’échelle nationale qu’internationale. Nous avons démarré un programme de
formation pour les langues qui touche quinze mille diplômés de l’enseignement
supérieur. Nous visons en premier lieu l’anglais et le français, et en second
lieu l’italien et l’allemand. Ce que nous essayons de faire est d’anticiper les
besoins du marché.

Le programme de formation en langues est réalisé au niveau de toutes les
régions. La formation est sanctionnée par une certification délivrée par des
organismes spécialisés. Les jeunes passent un examen et leurs certifications
sont internationalement reconnues.

En parallèle, nous avons entamé avec le ministère de la Technologie un programme
de formation de 5 mille jeunes en informatique. Une formation également
sanctionnée par une certification internationale. Ces jeunes sont diplômés de
spécialités scientifiques comme les mathématiques, la physique, la chimie, etc.
Cette formation pré-qualifiante en informatique est suivie d’une autre en
informatique plus spécialisée et sanctionnée par un certificat international
reconnu par les plus grandes entreprises du secteur telles que Microsoft,
Oracle, Cisco et autres.

Cette formation faciliterait-elle aux diplômés de physique, chimie et
mathématiques l’accès à l’emploi à l’international ?

Tout à fait. Ce sont des jeunes issus de branches scientifiques et qui ont des
prédispositions pour l’informatique. Leur formation se déroule sur deux étapes,
la formation pré-qualifiante en informatique pour avoir le minimum et passent
rapidement à la formation qualifiante. Ils répondent aux besoins du marché et
des entreprises même en dehors de nos frontières. La formation pré-qualifiante
comprend au moins deux cents heures d’anglais, ce qui conforte les possibilités
d’emploi à l’international.

Cela voudrait-il dire que le ministère offre aux entreprises des services à la
carte ?

Aujourd’hui, nous visons à satisfaire les besoins du marché dans toutes leurs
dimensions et nous assurons la formation additionnelle complémentaire adéquate
pour répondre à ces besoins et réagir vite aux nouvelles exigences afin de ne
pas perdre les opportunités d’emploi en fournissant les profils recherchés parmi
les Tunisiens et éviter à l’entreprise le recours à des employés étrangers.

Est-ce qu’il y a un changement dans l’orientation de l’utilisation des moyens du
Fonds 21-21 ? Concerne-t-il les diplômés du supérieur uniquement ou tous les
demandeurs d’emploi ?

Le Fonds 21-21 finance désormais tous les programmes actifs d’emploi y compris
ceux qui sont gérés par l’Agence nationale de l’emploi et du travail indépendant
(ANETI). Ces programmes sont évalués de manière permanente. Nous avons établi
des contrats-programmes avec toutes les régions avec adaptation aux spécificités
de chacune. Nous mettons à leurs dispositions les fonds et nous évaluons
semestriellement l’avancement de ces programmes et nous réajustons au fur et à
mesure.

Est-ce qu’en matière de décentralisation, vous avez envisagé l’implantation de
centres de formation selon les spécificités et les vocations des régions ?

Nous avons procédé à une révision totale des mécanismes de la formation
professionnelle ; il faut que le centre de formation réponde aux besoins de la
région et à ses spécificités, c’est pour cela qu’à travers le Fond 21-21, nous
allons établir des conventions formations-emplois avec les régions. Il existe
bien entendu des besoins sectoriels à l’échelle nationale pour lesquels des
centres sectoriels nationaux ont été créés. Notre souci est, toutefois, d’être
réactif aux nouveaux besoins qui peuvent apparaître au niveau régional. A titre
d’exemple, nous avons créé au mois de mai un centre de textile à Gafsa et un
autre à Kasserine au mois de juin. C’est pour accompagner l’installation des
entreprises dans ces nouvelles zones du textile. Nous voulons être très proches
des régions et répondre promptement à leurs besoins.

Quelles sont les spécialités les plus sollicitées au niveau de la formation
professionnelle dans notre pays ?

Les secteurs le plus demandeurs sont ceux de l’électromécanique, le froid,
l’agroalimentaire, la plomberie, le bâtiment, l’électricité. Etre un maçon exige
aujourd’hui un certain niveau de formation. La technologie est devenue
omniprésente dans le secteur du bâtiment, il faut pouvoir convaincre le candidat
à une formation de l’intérêt pour lui de certains métiers ; les parents ont un
grand rôle à jouer à ce niveau.

Nous construisons aujourd’hui un centre international pilote des métiers du
bâtiment à Ibnou Sina dans le cadre d’un projet de coopération. Les cursus de
formation comprennent les dimensions de développement durable, telles que
l’économie d’énergie et la dimension environnementale. Tous les niveaux sont
compris, de la main-d’œuvre qualifié à celui de technicien supérieur. D’autres
centres dans le domaine de la construction métallique à Médenine ou
l’agroalimentaire à Bizerte renforceront cette nouvelle orientation.

Ce sont des centres qui répondent aux standards internationaux avec délivrance
de diplômes reconnus à l’échelle internationale grâce à des accords avec des
organismes homologues à l’étranger. Nous avons entamé cette démarche mais il
reste beaucoup à faire. Nous sommes dans une dynamique de marché qui évolue
rapidement, nous devons réagir rapidement, et si nous devons fermer certaines
spécialités qui ne sont plus utiles, nous le ferons ou nous procédons à leur
reconversion pour adapter leur offre aux nouveaux besoins du marché.

D’autre part, nous encourageons la création des centres de formation privés.
Même si les promoteurs privés se concentrent sur des formations peu coûteuses
comme les métiers de secrétariat ou d’infirmerie. Les investissements lourds
relèvent de notre responsabilité, mais nous soutiendrons tous les privés qui
pourront assurer n’importe quelle formation, nous ne les concurrencerons pas.

Et qu’en est-il des bureaux privés de l’emploi ?

Dans notre législation, il n’y a pas de bureaux privés de l’emploi. Le service
de l’emploi est assuré exclusivement par les bureaux de l’Etat. Nous sommes
tenus d’être proches du demandeur de l’emploi, de multiplier les bureaux
d’emploi et d’améliorer nos prestations. Nous avons même créé des bureaux
d’emploi mobiles. Nous recevons au mois d’octobre trois bus aménagés en bureaux
qui pourront accéder à des régions éloignées. Nous avons mis en place des bornes
Internet pour les demandeurs d’emploi et nous avons recruté 150 psychologues
pour les accompagner et les orienter. Nous utilisons les nouvelles technologies,
nous envoyons des SMS pour communiquer les offres d’emploi et informer les
jeunes.

Par contre, l’emploi à l’international pourrait être un bon créneau pour des
bureaux spécialisés.

Mails il y a des bureaux d’emploi qui opèrent sur le terrain…

Ils existent sous d’autres appellations et pour d’autres tâches, mais ils ne
sont pas déclarés comme étant des bureaux d’emploi, ils n’existent pas en droit.
Ils assurent des activités de conseil et d’assistance.

emploi-06092010-2.jpgNous formons aujourd’hui nos cadres à apprendre aux jeunes à se vendre eux-mêmes
en utilisant les nouvelles technologies pour préparer leur CV, présenter leurs
atouts en préparant eux-mêmes des vidéos à soumettre aux chefs d’entreprise.
Nous avons organisé des séminaires dans toutes les régions pour inciter les
entreprises à recruter. Il y en a parmi elles qui se sont engagées dans des
programmes de mise à niveau qui nécessitent forcément l’amélioration du taux
d’encadrement.

Un programme de mise à niveau préconise l’investissement matériel et immatériel,
ce qui nécessite le recrutement des cadres. Ce que nous avons constaté, c’est
que les entreprises ne sont pas informées des incitations dont elles bénéficient
au titre de l’emploi. Pour cela, nous œuvrons aujourd’hui à diffuser
l’information auprès des entreprises installées dans toutes les régions.

Comment est-ce que les 3 ministères les plus concernés par la problématique de
l’emploi (Education, Formation professionnelle et Emploi, Enseignement
supérieur) coordonnent ensemble pour relever ce défi ? Et là nous parlons de
préparation au marché du travail et réactivité quant à ses exigences sans cesse
renouvelées.

Les différents départements intervenant dans la formation des ressources
humaines œuvrent tous pour réaliser le même objectif national qui reste toujours
une meilleure employabilité des sortants des institutions d’enseignement et de
formation à tous les niveaux.

Partant de ce consensus, nous travaillons en étroite collaboration et nous
coordonnons, d’une façon permanente, nos actions afin de bien cibler les
spécialités à forte employabilité et éviter celles qui se caractérisent par des
difficultés d’embauche. Nous essayons ensemble d’apporter les ajustements
nécessaires pour adapter la formation aux exigences du marché de l’emploi en
tenant compte des besoins actuels et futurs ; notre seul mot d’ordre étant de
«former pour l’emploi».

Le travail manuel a été ces dernières années complètement marginalisé dans notre
pays, des spécialités comme la plomberie, le bâtiment ou la menuiserie, nous
pouvions y adhérer selon le profil de l’élève dès la 6ème année primaire selon
l’ancien régime de l’éducation nationale. Ne pensez-vous pas qu’il est temps que
ces métiers reprennent leur lettre de noblesse ?

Nous n’avons pas dévalorisé les branches professionnelles, elles sont plutôt mal
perçues par la société et la famille, ce qui a engendré la réticence des jeunes.
Notre rôle aujourd’hui est de valoriser ces métiers. C’est capital, car une
entreprise moyenne a besoin de cent personnes qualifiées et de quelques
ingénieurs ou cadres. Il faut donc accorder l’importance qui leur est due aux
qualifications professionnelles de base et intermédiaires. Nous avons, à ce
propos, démarré un programme de communication pour valoriser et parler de
success story des jeunes qui ont réussi, grâce à la formation professionnelle, à
monter leur propre entreprise et qui figurent parmi les opérateurs privés qui
ont du succès. Le travail manuel en fait ce n’est pas un constat d’échec, c’est
plutôt une structure mentale ; il y a des gens doués dans nombre de spécialités
et qui ont prouvé leurs capacités créatives. La formation professionnelle peut
constituer une voie pour la réussite.

Quels sont les besoins du marché tunisien au niveau de la formation
professionnelle ?

La demande ne concerne pas uniquement le marché tunisien. Il y a aussi des
demandes très importantes à l’étranger émanant de la part de pays limitrophes.
Nous voulons aujourd’hui travailler sur la qualité de la formation. Nous ne
formons pas pour la formation, nous formons pour l’emploi.

Nous sommes donc engagés dans de grands chantiers de co-diplomation en
partenariat avec des institutions et des centres européens. Nous voulons que les
entreprises européennes qui s’installent en Tunisie retrouvent les mêmes
qualifications que dans leurs pays d’origine, et nous voulons pénétrer ces
marchés à travers la reconnaissance des diplômes tunisiens. Il y a une demande
importante au niveau de l’Europe. En Tunisie, nous formons à la carte dans les
régions où des grandes entreprises s’installent (Yazaki à Gafsa ou Aérolia à
Tunis…). Nous avons créé des antennes au ministère chargées de suivre ces
entreprises une à une. Elles ont un seul vis-à-vis auquel elles s’adressent pour
exprimer leurs besoins en qualification ou en formation. Notre but est de
fournir un service de qualité rapide et personnalisé à ces entreprises qui
emploient des milliers de personnes

On parle beaucoup d’innovation, de métiers innovants, de stratégies innovantes
comment le ministère de l’Emploi définit-il l’innovation ?

L’innovation ne dépend pas uniquement du ministère de l’Emploi. Nous tenons
cette définition des ministères techniques. Nous nous informons sur les secteurs
innovants au niveau de l’industrie, du transport, de la santé, et nous nous
adaptons. D’ailleurs, le Comité national de la veille, situé au sein du
ministère, a pour rôle d’analyser et d’anticiper les besoins du marché pour les
satisfaire dans les 2 ou les 3 ans à venir. L’innovation pour nous, sur le plan
emploi, c’est là où il existe des niches pour les diplômés de l’enseignement
supérieur car là où il y a innovation, il y a un taux d’encadrement élevé.

Ce qui se traduit par… ?

C’est-à-dire qu’il faut innover au niveau du processus de fabrication, de
l’organisation de l’entreprise et du produit pour satisfaire des besoins
immédiats. La création des technopoles, le mixage entre l’industrie et la
recherche et l’enseignement sont une réponse immédiate à cette innovation.

Il y a quelques temps, on parlait de système économique tunisien comme un
système de faible niveau technologique, ce qui a engendré à l’époque des emplois
à faible qualification. Maintenant, nous sommes en train de monter en gamme
d’ailleurs. Le Premier ministre l’a déclaré à maintes reprises dans ses discours
que la Tunisie n’est plus une destination privilégiée pour ceux qui veulent de
la main-d’œuvre à bas coûts, ce que nous voulons est une main-d’œuvre qui
produit de la valeur ajoutée.

Comment comptez-vous vous y prendre pour concrétiser ces nouveaux choix du
gouvernement ?

Nous faisons partie du système. Nous adoptons les choix de notre gouvernement
qui ont été fixés dans le programme présidentiel (2009-2014). La Tunisie est
aujourd’hui en droit de passer à d’autres paliers et des créneaux à forte valeur
ajoutée. Chacun contribue à la réalisation de cet objectif. Notre ministère est
engagé dans ce processus en étroite collaboration avec tous les autres
départements.

Le président de la République a décidé, le 1er mai, de créer des centres de
formation professionnelle d’excellence. Cette décision répond à ce choix
stratégique. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être déphasés, et continuer à
travailler avec des centres traditionnels classiques. Il faut améliorer et
mettre à niveau nos centres, changer de métier et de spécialités quand il le
faut, changer des formateurs et d’approches parce que le monde évolue,
l’entreprise évolue et il faut répondre à ces demandes. Cinq centres pilotes
démarrent cette année et nous faisons recours à d’experts étrangers pour y
enseigner. Nous venons d’ailleurs de signer 2 accords avec deux institutions
internationales.

Dans quelles disciplines ?

L’aéronautique et les arts du feu. Les formateurs vont assurer la formation des
jeunes et des formateurs tunisiens, ce qui est très important pour nous afin de
constituer un noyau d’experts locaux.

A combien se montent vos investissements pour la réalisation des centres pilotes
?

Il ne s’agit pas d’un problème budgétaire mais de choix d’opportunités.
Aujourd’hui, nous avons plus de 40 entreprises spécialisées dans l’aéronautique.
Il y a différentes spécialités, tâches et compétences. Nous avons démarré et
créé un centre pour répondre aux besoins d’un seul groupe. Aujourd’hui, nous
travaillons avec les ministères techniques pour en faire un centre d’excellence
qui forme toutes les qualifications et compétences. Ca sera pareil pour les
autres centres.

Quel est l’objectif de la création de pépinières d’entreprises au sein des
centres de formation ?

Nous considérons que la création d’entreprises est un axe fondamental de notre
stratégie en matière d’emploi. Pour arriver à développer une culture
entrepreneuriale, certains services doivent être fournis tels que le conseil,
l’encadrement, l’assistance et l’orientation. Nous pouvons créer plusieurs
projets au niveau des centres de formation professionnelle. Il y a des jeunes
porteurs d’idées de projets qui sont en train d’être formés. Notre but est de
les encadrer au niveau des centres et ne pas les laisser dans la nature. Nous
allons généraliser l’idée de pépinières d’entreprises. A partir de septembre
2010. La création de l’entreprise sera une matière obligatoire au niveau de tous
les centres pour y développer la culture entrepreneuriale. Si au niveau de
chaque centre, nous réalisons dix projets, avec cent centres, nous aurons mille
projets. Et si chaque projet emploie 2 ou 3 personnes, nous créons 3 à 4 mille
emplois et dans toutes les régions.

Par rapport au programme du SIVP, quel est le bilan et quelle est la stratégie
également quant à la relation du ministère de l’Emploi/entreprise en matière de
formation et de recyclage ?

Pour nous, le stage d’insertion à la vie professionnelle n’est pas un emploi.
C’est un stage qui améliore les compétences des diplômés de l’enseignement
supérieur. Ils complètent ainsi leur formation académique. Le stage leur permet
de connaître la vie de l’entreprise, d’apprendre à communiquer et se conduire en
milieu professionnel. Les jeunes stagiaires doivent être engagés, sérieux et
prouver leurs compétences pour s’imposer et s’intégrer. L’intérêt d’un chef
d’entreprise est de garder les compétences. Nous couvrons, pour notre part, la
prime et la cotisation sociale et nous mettons à la disposition de l’entreprise
et aussi du stagiaire 200 heures de formation complémentaire en fonction du
poste occupé. 18 mois de SIVP représentent une durée suffisante pour s’imposer
dans une entreprise lorsqu’on est sérieux et motivé. Malgré cela, nous sommes en
train d’évaluer cet instrument par l’écoute directe des jeunes et de
l’entreprise.

Comment faites-vous pour inciter les entreprises à recruter les jeunes diplômés
?

Nous travaillons beaucoup avec les entreprises. Nos contacts sont permanents,
nous formons pour satisfaire leurs besoins. Il y a aujourd’hui des formations
co-construites. L’emploi est notre responsabilité à tous, les bonnes pratiques
sont là, nous pouvons œuvrer à les améliorer davantage et nous devons nous
appuyer sur les expériences internationales réussies si nous voulons gagner du
temps et de l’énergie. Pour ce qui est de la formation professionnelle, nous
avons exigé que tous les centres soient présidés au niveau du conseil
d’orientation par des professionnels. Ce n’est pas le directeur du centre qui
préside le conseil d’orientation du centre, c’est un professionnel et c’est
obligatoire. Nous travaillons avec les professionnels à la mise en place de
programmes de stages, du suivi et des examens. Il faut que le professionnel soit
présent au niveau de tout le processus de formation, et c’est lui qui préside,
qui oriente et qui propose les nouvelles spécialités et les nouveaux métiers qui
peuvent répondre à ses besoins ou aux besoins de la formation elle-même.

Les entreprises se plaignent souvent du problème de remboursement des stages de
formation et de recyclage ?

Il s’agit de la formation continue. Il n’existe aucun problème à ce niveau.
Lorsqu’un dossier est complet, il est remboursé dans les délais, il n’y a pas de
retards pour les dossiers qui remplissent toutes les conditions. Il s’agit d’un
fonds public, de l’argent de l’Etat. Nous ne pouvons nous autoriser à le
dépenser sans rigueur. Pour bien communiquer sur ces programmes, évaluer,
dégager les insuffisances du système, et le situer à l’international, nous
avons, cette année, organisé des séminaires dans le tout le pays en plus d’un
séminaire national au mois de juin dernier.

Aujourd’hui, nous sommes en train d’étudier toutes les propositions issues du
séminaire national pour apporter les réajustements nécessaires. Nous n’avons pas
le droit de tarder à rembourser les entreprises ; d’autre part, soyons
rationnels, nous gérons l’argent du contribuable, si certaines entreprises ne
méritent pas le remboursement, elles ne l’auront pas.