Procès Kerviel : les financiers craignent le lynchage de la profession

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érôme Kerviel à Paris le 20 mai 2010 (Photo : Thomas Coex)

[07/06/2010 13:30:11] PARIS (AFP) “Quand je dis travailler dans la finance, on me répond tout de suite que je suis un trader cupide. Malheureusement, cette image ne va pas s’améliorer avec le procès Kerviel”, se désole Jean-Charles, gestionnaire de patrimoine dans une société d’investissement à Paris.

Comme ce trentenaire qui a requis l’anonymat, les financiers interrogés par l’AFP, qu’ils soient banquier, courtier ou gérant, redoutent que le procès de l’ancien trader de la Société générale, jugé pour une perte de près de 5 milliards d’euros début 2008, ne tourne au lynchage des marchés et institutions financiers et de leurs pratiques.

Pendant les mois conduisant à son procès, qui s’ouvre mardi à Paris, l’ex-golden boy en a fait sa principale ligne de défense: pointer la folie de tout un système.

En ligne de mire, les instruments financiers sophistiqués tels les produits dérivés, qui sont souvent désignés par des anglicismes et des acronymes barbares, compréhensibles par les seuls initiés.

Certains de ces produits ont fait la gloire des traders, ces opérateurs qui vendent et achètent des actions, obligations ou produits financiers pour leur employeur, et leur ont rapporté des bonus colossaux. D’autres ont en revanche provoqué la crise financière et amplifié celle des finances publiques en Europe.

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à la bourse de New York le 4 juin 2010 (Photo : Spencer Platt)

“Ca va être le procès de la finance, disons de la finance spéculative”, observe Jacques-Antoine Bretteil, président de la société de gestion financière ICG International, car “il y a eu trop de débordements en raison de l’absence de contrôle ces dernières années. C’est le retour de bâton”, ajoute-t-il.

Jérôme Kerviel a reconnu avoir eu eu recours à des opérations fictives, une pratique, dit-il, courante au sein de la banque. Il a aussi admis avoir perdu le sens des réalités.

“Ca n’encense pas la finance. Ca donne l’image que nous (financiers) sommes tous des manipulateurs”, déplore Alice Lhabouz, directrice de la société de gestion MW à Paris.

Jean-Charles redoute également ces amalgames et la dénonciation du “tous cupides”, confie-t-il: “Il y a plusieurs métiers dans la finance. Moi Je gère et investis les fortunes de personnes. J’investis celles-ci en Bourse et les couvre (via des produits financiers, ndlr) pour que mes clients ne se retrouvent pas sans un sou. Je ne spécule pas”, fait-il valoir.

Jean-Charles, comme Anne, s’attendent à ce que le secteur financier (banques, maisons de courtage, fonds spéculatifs, sociétés de capital-investissement, marchés…) soit réduit, pendant les trois semaines du procès Kerviel, à “des folies et aux paris fous d’apprentis-sorciers grisés par l’argent”.

Cette image a déjà été véhiculée par les traders de la prestigieuse banque d’affaires Goldman Sachs, montrée du doigt dans la crise grecque, lors de leurs auditions devant le Sénat américain sur leur rôle présumé dans la crise financière.

Pourtant, les traders représentent à peine quelques milliers de personnes dans un secteur qui en emploie des centaines de milliers, fait-on remarquer dans les milieux financiers.

Antoine Halm du hedge-fund Louis Capital Markets ne se fait pas, lui, d’illusion sur les conséquences du procès Kerviel sur la réputation d’une corporation déjà tenue en partie responsable de la récession.

Mais il tient à souligner que Jérôme Kerviel est une “imposture”. “On ne peut pas généraliser”, plaide-t-il. Selon ce gérant de fonds spéculatifs, l’ancien trader “est quelqu’un qui a fait du n’importe-quoi! Il a agi de manière irraisonnée”. Son procès devrait par conséquent être le sien et non celui de tout un système, qui a connu des secousses comme d’autres, souligne-t-il.