Tunisie – Textile – Daniel Harari, DG de Lectra : «L’essentiel est de créer de la valeur»

Un séminaire sur la relance du partenariat tuniso-français dans le secteur
textile-habillement a été organisé, récemment, à Tunis, par la Chambre tuniso-française
de commerce et d’industrie (CTFCI).

Point d’orgue de cette manifestation, la communication faite par M. Daniel
Harari, directeur général du groupe français Lectra, fournisseur de technologies
sur «le rôle de la technologie dans l’amélioration de la compétitivité des
entreprises tunisiennes».

M. Daniel Harari estime que l’essentiel consiste certes à adopter, au bon
moment, la bonne technologie pour ne pas être distancé, mais surtout à se poser
avant tout de bonnes questions, à créer de la valeur, à être créatif, à engager
une chasse sans merci contre des erreurs et défauts et à valoriser ses propres
atouts (réactivité, proximité pour le cas de la Tunisie …).

M.Harari pense que 70% des coûts se jouent dès la création et le design du
produit.

Pour en savoir plus sur cette approche, Webmangercenter a interviewé M. Daniel
Harari. Entretien.

Dans votre communication, vous avez dit que les entreprises tunisiennes sont à
la fois bien équipées et peu équipées…


daniel-harrari.jpgDaniel Harari :
Les entreprises tunisiennes sont bien équipées en outils
correspondant aux besoins historiques de la Tunisie qui était dans sa grande
majorité, la sous-traitance. Globalement, les petites et grandes sociétés sont
équipées de machines de découpe et de logiciels standards de production. La
tendance, depuis quelques années, c’est une évolution vers des logiciels à
valeur ajoutée mais qui reste dans le domaine de la production.

En même temps, les entreprises tunisiennes sont très peu équipées en logiciels,
notamment, en ce qui concerne la partie créative. Parce qu’au départ, tout le
monde s’est concentré sur la meilleure façon de fabriquer et de livrer des
produits pas chers.

Il y a toute une partie de la production pure, c’est-à-dire des outils de coupe
essentiellement, qui est très fortement développée en Tunisie et toute la partie
chaîne de création et le travail collaboratif qui est très faible.

Que recommandez-vous ?

Tout simplement, l’accent doit être mis sur la partie logiciel à forte valeur
ajoutée. Aujourd’hui, c’est dans les logiciels qu’il y a de la valeur plus que
dans les machines de coupe. Les plus grosses évolutions ont été réalisées, ces
dernières années, dans les logiciels de pilotage. Conséquence, les plans de
technologie à adopter devront prévoir, en amont, beaucoup d’investissements dans
les logiciels et la disponibilité au sein des entreprises textiles, d’ingénieurs
capables de comprendre la technologie pour l’implémenter.

Il s’agit aussi de chercher une collaboration au niveau des meilleures pratiques
en louant les services de stylistes free lance, de bureaux de style français et
italiens.

Il est également vivement recommandé de gagner en compétence en établissant des
relations de partenariat avec des entreprises européennes.

Je crois que ce sont là des éléments essentiels pour immuniser la filière.

Lectra, en sa qualité de fournisseur de technologies, répond-elle à ce besoin ?

J’en suis persuadé. C’est pour cela que nous sommes devenus le numéro un
mondial. La qualité de notre savoir nous donne assez d’avance par rapport à nos
concurrents. Faut-il le rappeler, notre budget de recherche est cinq fois plus
élevé que celui de notre concurrent principal. La différence, nous l’avons fait
par nos logiciels et par le fait qu’on s’est concentré sur la création de
valeurs autour du design et du processus de développement de produits
collaboratifs.

Voudriez- vous nous présenter une de vos technologies ?

Je vous citerai la toute dernière version de solution de gestion du cycle de vie
de produit Product Lifecycle Management (PLM). Cette solution, PLM de Lectra,
présente l’avantage d’associer des outils de design et de développement, conçus
spécialement pour la mode, à des fonctions qui permettent de gérer l’intégralité
du cycle de vie des collections.

Lectra Fashion PLM a été spécialement pensée pour soutenir les marques et
distributeurs qui veulent proposer à leurs clients des collections de qualité au
bon moment et au plus près des tendances. Cette solution logiciel, puissante,
modulaire et évolutive, repose sur des applications intégrées et des services
associés et développés. Elle permet d’optimiser la rentabilité des collections,
saison après saison, et de fiabiliser la production.

Et pour ne rien oublier, le PLM Lectra fédère l’ensemble des contributeurs
autour de la dernière version à jour du produit en cours d’élaboration et les
utilisateurs accèdent de façon sécurisée à un référentiel de données centralisé.
Ainsi, les palettes de saison, les données de patronage et les tableaux de
mesures sont ainsi mutualisés, ce qui facilite la communication, réduit
considérablement le risque d’erreur et contribue à maintenir la qualité.

Votre technologie est universelle. Elle est vendable partout. Les concurrents
chinois peuvent l’acquérir autant que les tunisiens. Selon vous où réside
l’avantage compétitif pour les textiliens tunisiens ?

Les Chinois ont les avantages d’une société chinoise et les Tunisiens ont les
avantages d’une société tunisienne. En d’autres termes, chaque pays a ses atouts
intrinsèques.

Par exemple, les Chinois n’ont pas l’avantage de la proximité du plus riche
marché du monde, l’Union européenne.

Globalement, je voudrais dire que sans la technologie, tout le monde est
distancé. Le métier de Lectra, c’est de développer des technologies qui sont
d’une utilisation mondiale. Après, c’est à l’utilisateur de cette technologie de
se positionner.

Pour établir un parallèle entre Tunisiens et Chinois, je pense qu’une des
caractéristiques de nos clients chinois, c’est qu’ils sont soit très bien
équipés soit pas du tout. En fait, on a un petit nombre de sociétés en Chine qui
sont très bien équipées et un grand nombre qui ne l’est pas.

En Tunisie, un grand nombre de textiliens locaux est moyennement équipé. Ils
sont mieux dotés que la plupart des entreprises chinoises en termes de
technologie.

Quelle est la recette idéale pour exploiter au mieux le facteur de proximité ?

La distribution a toujours tendance à exiger de ses fournisseurs du Sud des prix
bas. Je pense que c’est une erreur de raisonnement. Le risque est de voir le
textilien du Sud de la Méditerranée se dire «si je ne réponds pas à cette
exigence, je suis en dehors du marché». C’est une erreur.

Personnellement, j’estime qu’en acceptant de travailler avec des marchés très
bas et des prix très bas, les fournisseurs se mettent justement en dehors du
marché. Ils choisissent, dans ce cas, une mort lente plutôt qu’une mort rapide.

La solution consiste à réagir, et pour réagir il ne faut pas pleurer et se
plaindre des distributeurs qui font leur métier en exigeant des prix bas.
Il faut simplement réagir en proposant de la valeur de façon à pouvoir justifier
la qualité du produit proposé. A un certain moment, les gens de la distribution
doivent être amenés à comprendre tout l’intérêt qu’ils peuvent tirer d’une
commande à quinze jours qui n’a pas la même valeur qu’une commande à six mois.

Le fait de pouvoir réagir vite et de répondre vite ça vaut de l’argent. Il faut
simplement pouvoir le valoriser. D’une manière générale, à un moment il y a un
prix de marché et ce prix de marché n’est pas le même selon la valeur qu’on
apporte.

Pour le cas de la Tunisie, les atouts sont nombreux. Une entreprise tunisienne
doit se battre avec les atouts d’une entreprise tunisienne. S’agissant de
l’atout de la proximité, la Tunisie n’est pas en concurrence ni avec la Chine ni
avec un autre pays du Sud asiatique. C’est une erreur que de le penser. Elle est
en concurrence plus avec une entreprise turque, polonaise ou roumaine qu’avec
une entreprise chinoise.

Dans votre communication, vous avez dit tout va changer mais vous n’avez pas dit
comment ça va changer ?

Parce que, justement, je pense qu’en apportant des réponses, personne ne les
écoute. A mon avis, il faut commencer par se poser les bonnes questions. A ce
moment, tout le monde cherche des réponses et les choses changent. Par exemple,
une des questions qu’il faudrait se poser c’est de voir dans quelle mesure un
textilien peut accroître sa marge de 20% à 40%. Pour atteindre cet objectif, il
faut impérativement créer de la valeur, faire preuve de créativité et engager la
chasse aux défauts et erreurs.

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A propos de Lectra

Lectra est le numéro un mondial des solutions technologiques intégrées
(logiciels et équipements de CFAO, services associés) dédiées aux industries
utilisatrices de matériaux souples : textiles, cuir, tissus industriels et
matériaux composites. Ses solutions couvrent un ensemble de processus métiers et
permettent d’automatiser, de rationaliser et d’accélérer la création, le
développement des produits et la production.

Avec un effectif de 1.500 personnes, Lectra accompagne 23.000 clients dans plus
de 100 pays. Ils évoluent dans de grands marchés sectoriels mondiaux, aussi
vastes que la mode (habillement, accessoires, chaussure), l’automobile (sièges
et intérieurs de véhicules, airbags), l’ameublement, ainsi qu’une grande variété
d’autres industries (l’aéronautique, l’industrie nautique, les éoliennes ou les
équipements de protection des personnes).

Grâce à sa passion pour l’innovation et aux relations de long terme, créatrices
de valeur, qu’elle entretient avec ses clients, Lectra leur permet de faire face
à la demande de renouvellement de plus en plus rapide de leurs modèles, de
redoubler de créativité et de flexibilité, et de produire plus vite, mieux et à
moindre coût, pour être plus compétitifs.

Pour le marché de la mode, son domaine de compétences couvre toute la chaîne de
valeur et intègre l’optimisation des processus et la gestion du cycle de vie des
collections. Lectra bénéficie ainsi d’un positionnement unique sur le marché du
PLM (Product Lifecycle Management), grâce à sa solution spécifiquement conçue
pour cette industrie, s’appuyant sur son expertise issue de plusieurs décennies
d’expérience partagée avec ses clients.

Créée en 1973 et basée en France, Lectra a réalisé un chiffre d’affaires de 198
millions d’euros en 2008. Lectra est cotée sur Euronext Paris.