Tunisie – Finance : Gouvernance bancaire, pas de solution miracle !

gouvernance-bancaire-320.jpgLa prophétie Bâle s’est concrétisée puisque la crise financière internationale a
suivi en 2008 ; les raisons en sont comme tout le monde le sait, l’opacité du
système bancaire, le «shadow banking», le manque de régulation, la défaillance
des instruments de contrôle et des agences de rating, et on en passe…

Pour Dhafer Saïdane, professeur à l’Université Lille 3, intervenant à l’occasion
du séminaire organisé en marge du dernier Salon de la Monétique et des Services
financiers, à propos de la gouvernance bancaire dans les pays du Maghreb et les
opportunités de l’après crise : «Il n’existe pas de solution miracle en matière
de gouvernance ; une bonne gouvernance passe par l’examen socioéconomique
détaillé de chaque situation qui est, par définition, complexe».

Il est temps de recourir à des économistes «hétérodoxes» en économie des
organisations, «car nos modèles réglementaires ont failli», propose-t-il. Car la
situation dramatique à laquelle a été réduit le monde suite à la crise serait
certainement, entre autres, due à une mauvaise gouvernance. Puisque la
gouvernance bancaire tant décriée depuis des années n’a pas réussi à instaurer
un climat stable (réglementation prudentielle) et confiant des deux côtés de son
bilan : prêteurs (épargnants) et emprunteurs (demandeurs de crédits) (gestion
interne).

Dhafer Saidane appelle à revenir à des pratiques plus classiques pour une
meilleure traçabilité des risques (prise de risque et gestion des risques), ce
qui implique une réintermédiation du financement de l’économie.

5% du PIB mondial constitués du blanchiment des capitaux

Un contrôle plus sévère et une régulation plus effective constitueraient,
éventuellement, les moyens de contenir certains débordement et de limiter
certains laisser aller tout en permettant de mettre fin à l’opacité entretenue
par certaines banques pour camoufler des pratiques peu recommandables telles le
blanchiment des capitaux qui s’élève de par le monde à 5% du PIB mondial selon
le
FMI.

Les faiblesses de la gouvernance bancaire, affirme Amor Tahari, directeur
adjoint Département Moyen-Orient et Asie Centrale au FMI, se traduisent
particulièrement par un moindre degré de conformité aux Principes fondamentaux
pour un contrôle bancaire efficace du Comité de Bâle.

Citant l’exemple des systèmes financiers maghrébins, M. Tahari a relevé la
prépondérance du secteur bancaire public accablé par des prêts improductifs,
l’existence d’un système financier non bancaire encore sous-développé et une
faible ouverture du secteur financier à l’international dans certains pays.

Mais plus important encore, des insuffisances persistent au sein des pays
maghrébins dans les cadres légaux, réglementaires et de contrôle de gouvernance
et conformité aux standards internationaux.

La gouvernance dans les pays du Maghreb, comme partout dans le monde, est en
premier lieu affaire de bonne gestion, de transparence, de bonnes pratiques,
elle doit aussi assurer la protection des droits des actionnaires, et des
déposants. Points sur lesquels s’est attardé
Taoufik Baccar, gouverneur de la
Banque centrale à l’ouverture du séminaire.

Protéger le déposant

gouvernance-bancaire-2-320.jpgEn Tunisie, la gouvernance bancaire doit s’adapter aux nouveaux «Business
Model»… ceux inspirés de la banque universelle, explique Mohamed Rekik,
Directeur de la Supervision des Banques de Dépôts à la Banque Centrale de
Tunisie.

Consolider les principes de bonne gouvernance se traduit par la transparence et,
entre autres, pour les banques, d’une politique écrite en matière de
communication financière, approuvée par le Conseil d’Administration. Il s’agit
de communiquer les indicateurs financiers trimestriels et de soumettre des
comptes annuels des banques à la certification de deux commissaires aux comptes
désignés pour deux mandats au maximum et tenus de signaler à la BCT tout fait de
nature à mettre en péril les intérêts de la banque ou des déposants.

D’autre part, et dans le cas d’une gestion défaillante, le Conseil
d’Administration doit arrêter, sur la base d’une injonction de la BCT, un plan
de redressement comportant les mesures envisagées et un calendrier pour sa mise
en œuvre. La BCT pourrait désigner un administrateur provisoire au cas où le
Conseil d’Administration n’est plus en mesure d’assurer convenablement ses
fonctions. Pour éviter les difficultés systémiques, la Banque centrale de
Tunisie peut organiser le concours de l’ensemble des banques en vue de prendre
les mesures nécessaires à la protection des déposants, des épargnants et des
tiers, au bon fonctionnement du système bancaire ainsi qu’à la préservation du
renom de la place.

En veillant en permanence au respect des exigences légales et réglementaires
liées aux principes de bonne gouvernance, le régulateur apporte sa contribution
pour favoriser son instauration et le secteur bancaire peut y trouver de
l’intérêt d’autant plus que d’autres secteurs économiques ne sont pas soumis à
une régulation aussi rapprochée, affirme Mohamed Rekik.

De l’avis du FMI, le renforcement du cadre légal et réglementaire régissant le
système financier a progressé de façon tangible dans les cinq pays maghrébins,
les Banques centrales se sont dotées de nouveaux statuts et la réglementation a
été révisée dans la plupart des pays de la région pour l’aligner davantage sur
les normes et bonnes pratiques internationales. Mais une bonne gouvernance ne
serait pas qu’une affaire de réglementation, elle est aussi une affaire de
culture. La crise financière a prouvé, selon Pierre-Henri Cassou, senior advisor
au Cabiner Deloitte, que les dirigeants des banques n’ont pas réellement la
culture du risque, qu’ils manquent de clarté dans la répartition des
responsabilités respectives du conseil et de la direction, qu’ils ont une
mauvaise appréciation de la situation de leurs établissements et qu’ils
n’accordent pas suffisamment d’attention aux risques et aux résultats des
contrôles internes.

Toutes les recommandations pour améliorer la gouvernance au sein des banques ne
peuvent par réussir si elles ne sont pas suivies d’efforts conséquents en
matière de communication, de diffusion, de sensibilisation et formation en
bonnes pratiques de gouvernance.