Tunisie – Entreprises : les nouveaux modèles économiques

C’est un atelier de «bonne fortune», on va dire, car les panélistes,
dirigeants d’entreprise de standing, ont tous tiré leur épingle du jeu.
Qu’il s’agisse de Hichem Elloumi, PDG de COFICAB, cables électriques autos,
avec quatre sites entre le Maroc, la Tunisie, l’Egypte et la Roumanie, 2ème
au niveau méditerranéen avec 24% de part de marché; de Maher Kallel,
représentant du Groupe Poulina, agrolalimentaire, leader sur le marché
national (1000 milliards de dinars de chiffre d’affaires), avec une forte
présence diversifiée en Libye, en Algérie et depuis peu en Chine pour le
conditionnement de l’huile d’olive; de Kais Sellami, PDG de Discovery, IT,
solutions ERP et global banking, avec une bonne présence internationale,
notamment en Algérie; et de Aziz M’barek, DG de Tunisie Finance Group,Fonds
d’investissement qui opère en Afrique et récemment en Algérie, ou encore de
Slim Zeghal, Altea packaging, emballage, présent au Maghreb et dans le sud
de la France… tous sont sortis plus forts qu’ils ne sont entrés dans la
crise.

Leurs témoignages valaient donc thérapie. Mais d’abord comment ont-ils
ressenti la crise eux qui opèrent dans des secteurs qui ont été touchés.
Quelles parades ont-ils imaginés pour faire face? Et quelles ripostes de
sortie de crise ont-ils mises en place? Et, dans le même temps, quels sont,
selon eux, les clés de succès qui aideraient à la réussite?

Etant en situation de leadership, leurs expériences sont édifiantes et leur
sensibilité des évènements autant que des changements de modèle économique
pourraient inspirer des PME aux prises avec la dépression.

La contraction brutale des cours mondiaux

Ils sont unanimes à soutenir que le recul de la croissance a été provoqué
par la bourrasque des prix des matières premières. La flambée des cours
avait ceci d’ennuyeux, que les opérateurs avaient tendance à surstocker pour
se protèger des hausses futures, ce faisant ils amplifiaient inutilement la
demande car ils nourrissaient encore la spirale haussière. Au moment où la
décrue est intervenue, soudaine et elle aussi de forte amplitude, ils se
sont retrouvés avec des prix de revient supérieurs aux prix du marché.
Beaucoup ont dû vendre à perte. Et Aziz M’barek disait que l’on retrouvait
cela dans les comptes des entreprises avec une dégradation des comptes
clients et des résultats.

Dans d’autres secteurs, l’éthique a prévalu. Dans l’industrie auto, disait
Hichem Elloumi, les constructeurs ont accepté de partager les pertes avec
les équipementiers.

Les méfaits de la crise financières

Là dessus arrive la crise financière, et a contaminé la sphère réelle
précipitant la récession et par conséquent la baisse des ventes. Hichem
Elloumi cite une baisse de 20% pour le secteur auto. Mais selon lui, la
crise a culminé sur le T4 de 2008 et T1 de 2009.

Fait remarquable, la baisse des ventes n’a pas entraîné une contraction des
programmes de production à due concurrence. Les sites maghrébins des
équipementiers ont mieux résisté du fait de leur productivité restée
positive. Les baisses de commandes ont été moindres que les chutes des
ventes. Et l’explication est toute de raison; les coûts salariaux ont
progressé de 5% environ au Maroc et en Tunisie et entre 30 à 40% en
Roumanie, à titre d’exemple. Donc, au plan macroéconomique, les Etats ont su
se prémunir.

Le scénario est similaire pour les IT. On a enregistré un reflux de l’Inde
et en général du nearshoring européen.

Les réajustements sur terrain de la crise

Tous reconnaissent qu’il a fallu revoir les business plan. On a bien différé
les programmes d’investissement y compris ceux en cours, a reconnu Aziz M’barek.
Pareil pour l’auto, rappelait Hichem Elloumi et Slim Zeghal, pour
l’emballage. Il a bien fllu rationaliser les cadences et les équipes. A
côté, il y avait des tensions financières. Les banquiers devenant adverses
au risque, circonstance oblige, ont serré les vannes du crédit. Mais ils ont
été cléments sur les marges, a notamment rappelé Hichem Elloumi. Ils n’ont
aps augmenté les spreads comme cela s’est vu sur les marchés européen et
américain notamment.

Quelles parades ? les réflexes intelligents

Majoritairement, ils se félicitent de la survenue de la crise. Elle leur a
ouvert les yeux pour les amener à produire plus intelligemment, selon Slim
Zeghal et pour détécter les repères de la réussite. Des fonds propres
solides et une expertise.

Kais Sellami soutient haut et fort que le principal enseignement de la crise
est qu’il faut proposer de l’expertise et non des capacités à bas salaires
pour ne pas s’enfermer dans uns schéma d’éternels sous-traitants. Les
comportements immédiats ont été de faire zen et de se mettre au lean
manufacturing, et d’être anti gaspi. Partout il y a donc eu un réflexe
d’optimisation.

Les ripostes de sortie de crise. Les nouveaux modèles économiques

Tous se sont fait une religion à se concentrer sur leur cœur de métier. Il
est nécessaire d’être en tête de liste. Hichem Elloumi référait à Jacques
Welch qui disait que si on n’est ni premier ni second sur un métier, autant
céder la ligne. Elaguer, élaguer, mais grandir. Tous ont su se donner les
moyens de leur croissance.

Selon les cas, ça s’est fait par croissance externe, c’est-à-dire par des
rachats. Mais là, il y a des risques. Kais Sellami dira qu’il ne faut pas se
tromper de cible. Si on rachète une entreprise en difficultés dans un pays
d’accueil, ne pas s’étonner que le banquier qui vous soutient dans votre
marché d’origine se désolidarise de vous. Ouvrir grand les yeux.

La logique de fusion est également citée par Aziz M’barek dont le groupe a
aidé à la naissance d’un groupe constitué par la fusion entre Prokim et CPM
pour donner un champion régional en chimie (peinture).

Slim Zeghal a plaidé pour la délocalisation. Sur certains marchés, il est
impératif d’avoir une présence physique par nécessité de proximité et de
qualité de prestation. Cela peut ne peut se justifier économiquement. La
fragmentation n’aide pas à la rationalisation mais qu’importe, des fois
nécessité fait loi et sous la pression de la concurrence, il faut se
délocaliser. Il est rejoint par Hichem Elloumi qui cite qu’avec
l’exportation, il réalisait 2 millions d’euros.

Les clés de la réussite

Aziz M’barek dira que plus de souplesse dans le cadre réglementaire est
souhaitable et que c’est un important catalyseur de succès. L’administration
objecte que tous les dossiers correctement présentés ont tous été autorisés
mais lui rétorque que les délais doivent être compactés car la réactivité à
l’international a son importance.

Tous admettent qu’il faut savoir attirer les compétences et les garder en
sachant faire du team building. Les schémas d’expansion, toutefois,
diffèrent.

Certains plaisent pour un recentrage sur le cœur de métier, d’autres comme
Poulina continuent à faire dans la diversification et l’intégration et cela
leur sourit pour le moment.

Mais sur quelles zones atterrir? L’Algérie et le La Libye font l’unanimité.
Le Maroc reste une zone offensive et elle-même en dynamique d’expansion à
l’international. Mais également l’Europe, avec une prédilection pour les
circuits de distribution.

A bon entendeur ! .