Maître Mohamed Ali Masmoudi : pas de dispositions spéciales pour les sociétés cotées, c’est l’une des limites du CSC

Quelles sont les limites de la nouvelle loi promulguée sur le
Code des Sociétés commerciales. Répondrait-elle aux voeux de l’entrepreneuriat
et des actionnaires ? Les pouvoirs publics réussiront-ils par le biais de cette
loi à assurer plus de transparence au niveau de la gestion financière des
entreprises privées? Dans l’entretien ci-après, M’Mohamed Ali Masmoudi,
consultant au cabinet PricewaterhouseCoopers nous explique la loi 2009/16 du 16
mars dernier.


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: Que dit la loi sur le plan réglementaire en matière de publication des
salaires des dirigeants des entreprises?

Maître Mohamed Ali Masmoudi : La loi, en l’occurrence le Code des sociétés
commerciales, n’a rien prévu en matière de publication des salaires des
dirigeants des entreprises. En effet, aucune disposition du code n’impose la
publication des rémunérations au journal officiel de la République
tunisienne ni dans des journaux quotidiens.

La nouveauté de la loi de 2009 réside dans le fait que les éléments de
rémunérations des dirigeants (PDG, DG, administrateur délégué, DGA,
Administrateur) ainsi que les indemnités et avantages qui leur sont
attribués ou auxquels ils pourraient avoir droit au titre de la cessation ou
de la modification de leur fonction sont désormais soumis à la procédure de
l’article 200, à savoir l’autorisation du conseil d’administration, l’audit
par le CAC et l’approbation par l’AGO.

De plus, dorénavant, ces rémunérations pourraient être annulées si elles ont
été attribuées en violation de la procédure susvisée et qu’elles portent
préjudice à la société. La responsabilité du conseil ou du dirigeant
intéressé peut également être engagée.

Il y a lieu de rappeler que la détermination de la rémunération des PDG, DG
et DGA étaient jusque-là, du ressort du Conseil d’administration, sans
qu’aucun contrôle ne soit effectué par le CAC ni aucune approbation par l’AG.

La rémunération des administrateurs consiste quant à elle en des jetons de
présence et une rémunération exceptionnelle. Les jetons de présence sont
fixés annuellement par l’AG. En pratique, ce montant est réparti par le
conseil entre ses membres. Le CAC ne se prononce pas sur les jetons de
présence.

Les rémunérations exceptionnelles quant à elles sont accordées aux
administrateurs pour des mandats ou missions dont ils sont chargés par le
CA. Elles sont décidées par le conseil d’administration et doivent être
contrôlées par le CAC et approuvées par les actionnaires.

Ainsi, la nouveauté consiste à étendre la procédure d’autorisation, de
contrôle et d’approbation qui n’était prévue que pour les rémunérations
exceptionnelles, à toutes les rémunérations, indemnités et autres accordées
à tous les dirigeants.

Y a-t-il des dispositions particulières par rapport aux sociétés cotées?

Il n’existe pas de dispositions spéciales pour les sociétés cotées, ni
d’ailleurs pour les sociétés faisant appel public à l’épargne. D’ailleurs,
c’est là une des limites de la loi de 2009.

Les commissaires aux comptes sont-ils tenus de par la loi d’informer les
actionnaires à propos des rémunérations des dirigeants des entreprises et
tous les avantages dont ils bénéficient? Et y a-t-il obligation de par la
loi par rapport à cela?

L’apport de la loi de 2009, c’est d’avoir étendu le régime des conventions
réglementées (autorisation du conseil d’administration, contrôle du
commissaire aux comptes et approbation par l’assemblée générale) à toutes
les rémunérations perçues par les dirigeants (PDG, DG, Administrateur
délégué, DGA et membres du conseil). Ainsi, dorénavant, le commissaire aux
comptes doit faire état des rémunérations accordées aux dirigeants dans son
rapport spécial à l’attention des actionnaires.

S’il y a obligation de par la loi, a-t-on prévu des sanctions aux
défaillants, ou y aurait-il un flou juridique par rapport à cela?

Comme indiqué ci-dessus, le dirigeant en question ainsi que le conseil
d’administration pourront être tenus responsables du non respect de la
procédure relative à la rémunération des dirigeants (autorisation, contrôle,
approbation). De plus, la rémunération accordée sans respect des procédures
peut faire l’objet d’annulation si elle porte préjudice à la société.

Quels sont les risques pour les commissaires aux comptes qui n’appliquent
pas la nouvelle loi du code des sociétés commerciales?

L’article 272 CSC a posé le principe de la responsabilité civile du CAC. Cet
article dispose que le CAC est responsable tant à l’égard de la société qu’à
l’égard des tiers des conséquences dommageables des négligences et fautes
qu’il commet dans l’exercice de ses fonctions. Il est plus particulièrement
responsable des infractions commises par les membres du conseil
d’administration et dont il a eu connaissance mais qu’il n’a pas révélées
dans ses rapports à l’AG.

Quel serait, selon vous, l’impact d’une telle loi sur les rapports entre les
commissaires aux comptes et leurs clients qu’ils soient des banques, des
sociétés cotées en Bourse ou autres?

Le commissaire aux comptes est, par définition, une personne
professionnellement indépendante de la société dont il audite les comptes.
C’est pour cette raison d’ailleurs que la rémunération du CAC est fixée par
un texte règlementaire et n’est pas laissée à la libre discrétion des
parties (la société et le CAC). Je ne pense pas que la nouvelle obligation
qui pèse sur le CAC, à savoir de contrôler les rémunérations des dirigeants,
puisse influencer la relation du CAC avec les dirigeants de la société dont
il audite les comptes.

Faut-il le rappeler à ce sujet, le CAC risque de voir sa responsabilité
civile mise en cause en cas de négligence de sa part dans le cadre de
l’exécution de son mandat.

Bio-Express

Mohamed Ali Masmoudi, juriste, a été entre 1994 et 1999, responsable du
département des enquêtes au Conseil du Marché Financier. En 1999, il rejoint
PricewaterhouseCoopers Tunis, il y reste 7 ans. En 2006, Il s’établit à son
propre compte en tant qu’avocat. Il est à ce jour consultant à
PricewaterhouseCoopers.