Tunis, place financière régionale ?

En marge de la 2ème édition du Salon nternational des
services bancaires et de la monétique, la Banque centrale de Tunisie et
l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements
financiers ont organisé, le 31 octobre 2008, à l’Hôtel Sheraton-Tunis, un
séminaire sur «Tunis, place financière régionale», invitant ainsi des experts
locaux et internationaux à réfléchir, à cette occasion, sur les atouts, les
opportunités, les préalables et les outils susceptibles de crédibiliser une
ambition chère à la communauté des entrepreneurs et des créateurs de richesses
du pays. D’ailleurs, dans son allocution de bienvenue, M. Férid Ben Tanfous,
président de l’APTBEF, a rendu hommage à l’arsenal juridique des débuts des
années 1970, permettant l’implantation des sociétés étrangères exportatrices, à
la loi pionnière de 1976 relative à l’établissement, pour la première en
Tunisie, d’Institutions bancaires off shore, à la libéralisation du dinar en
1992 et à l’intégration, grâce à l’accord de partenariat signé avec l’Union
européenne en 1995, du tissu industriel local dans le circuit mondial des
échanges, ce qui autorise, dit-il, le milieu entrepreneurial, surtout après les
satisfécit du Forum de Davos et de Doing Business, à envisager la capitale
tunisienne comme une zone franchisée, drainant les IDE, les fonds souverains et
les opérations financières de haute facture.

Ambitions et atouts

Dans son discours d’ouverture, M. Taoufiq Baccar, gouverneur de la BCT, a mis
en exergue l’environnement économique du pays dont les perspectives de
croissance à moyen terme sont avérées, le cantonnement du taux d’endettement
interne et externe à des niveaux acceptables (54,6 du PIB actuellement et 40% à
la fin de l’année 2008), la gestion rigoureuse des équilibres financiers de l’Etat,
durant les dernières années, avec un déficit budgétaire au-dessous de 3% et
l’essor vertigineux du secteur des services qui a représenté, le long de l’année
2007, 57% du PIB.

«Les pouvoirs publics ont renforcé, depuis une décennie, à travers la loi
2001 relative à la modernisation du fonctionnement des établissements
financiers, la communauté des investisseurs, des intermédiaires, des émetteurs,
des fiscalistes, des juristes et des banquiers», assure en guise de conclusion
l’invité d’honneur du séminaire, qui insiste sur les différentes réformes dans
le domaine procédural au niveau du marché boursier, l’accélération de la
restructuration des entreprises grâce à une politique de mise à niveau ciblée et
l’existence d’un cadre légal favorable à l’instauration, dit-il, d’un climat de
confiance chez des opérateurs en quête d’infrastructures performantes, capables
de garantir la transparence, la lisibilité et les règles prudentielles requises,
conformément aux standards internationaux et aux récentes recommandations de
Bâle II.

De son côté, M. Jean-François Pons, directeur des Affaires européennes et
internationales au sein de la Fédération bancaire française, a souligné, dans
son intervention, l’importance de la conjugaison des efforts des acteurs privés
avec ceux de l’Etat, au niveau d’un pays émergent, pour créer une dynamique à
même de hisser une capitale au rang d’une place financière dotée des attributs
permettant le décollage du marché boursier, l’abondance de la liquidité,
l’afflux des offreurs de capitaux, la concentration des intermédiaires
superviseurs et le réseautage des externalités positives.

«Le développement des places de l’Europe centrale ou de la Méditerranée peut,
en principe, contenir des éléments intéressants pour Tunis qui peut ainsi
s’inspirer des meilleures pratiques étrangères pour créer une dynamique du
succès à l’instar de la République Tchèque dont l’ouverture au monde occidental
des affaires date de seulement deux décennies», explique notre vis-à-vis, pour
qui, l’étude du fonctionnement de pays comparables peut aider la Tunisie dans la
mise en œuvre de cette action concertée des différents acteurs pour le
développement d’une place financière régionale, s’appuyant, dit-il, sur de
bonnes perspectives économiques, des structures de formation pour l’injection de
futurs intermédiaires qualifiés et des mesures d’accompagnement incitatives à
l’intention du capital nomade.

Les préalables à respecter

«Pour favoriser l’émergence d’une plateforme financière en Tunisie, il faut,
tout d’abord, une volonté clairement affichée de faire du secteur la locomotive
économique du pays, un planning précis de mise en œuvre des produits
susceptibles de capitalisation, des spécificités justifiant une telle ambition
et un cadre réglementaire alliant rigueur et souplesse», clame M. Azzedine
Saidane, tête pensante de la BIAT durant des années, actuellement directeur
général d’un bureau de consulting, qui rappelle la persistance dans le pays
d’une culture entrepreneuriale familiale adepte du secret de peur de la
concurrence déloyale, méfiante vis-à-vis de la Bourse et de ses risques et
réticente encore de devoir déléguer, avec la montée irrésistible des bonnes
pratiques managériales dans le monde, ses prérogatives et son pouvoir de
contrôle à des gestionnaires professionnels, indépendants.

Finalement, pour donner une consistance originale, précise et opportune au
projet de place financière régionale, notre interlocuteur insiste, dans son
exposé, sur les préalables à respecter, notamment des lignes aériennes assidues
avec les principales niches de prospérité de la planète, des aéroports
fonctionnant au même rythme que ceux du Nord, des télécommunications et des
techniques sophistiquées à même de répondre aux exigences d’une clientèle
habituée à la dextérité et à la performance, des compétences humaines à la
hauteur de la tâche attendue et des services accessoires divers pour assurer à
un marché en gestation toutes les conditions de la pérennité face à un
environnement bancaire et financier international où seuls la profitabilité, la
rentabilité et la mobilité ont droit de cité.

A la fin des travaux, l’ensemble des participants a salué les efforts de la
Tunisie dans son entreprise de modernisation, de mobilisation de ses sources de
financement tout en essayant de créer, avec prudence et pragmatisme, une place
crédible, alignée sur les meilleures pratiques internationales.