Les transferts des Tunisiens à l’étranger : Une manne pas assez exploitée


Par Abou Sarra

Selon des statistiques fournies par l’Office des Tunisiens à
l’étranger, les transferts des Tunisiens à l’étranger ont atteint, durant
les deux dernières décennies, 21,825 milliards de dinars, soit une moyenne
annuelle de 1,1 milliard de dinars. Sur ce total d’économies, 76% sont des
transferts monétaires tandis que le reste est constitué des transferts réels
(équipements et autres). Boostés, depuis 2000, par l’appréciation de l’euro
par rapport au dinar, ces transferts, qui occupent la quatrième place sur le
tableau des sources de revenus en devises après le textile, le tourisme et
les industries électromécaniques, représentent 5% du PIB et 23% de l’épargne
nationale.


Bien que ces transferts augmentent au fort taux de 8,9% par an, leur apport
en matière d’investissement ne cesse de diminuer au fil des années, plus
exactement depuis 1996. Leur âge d’or remonte à la décennie 1987-1996.
Actuellement, le nombre de projets créés par les Tunisiens à l’étranger a
tendance à stagner. Les émigrés préfèrent investir, jusque-là, dans les
services (64%), l’industrie (26%) et l’agriculture (10%).

Les autorités compétentes expliquent, essentiellement, ce recul par trois
facteurs : la lourdeur et la lenteur des procédures administratives dans le
pays, l’absence d’une information économique et financière ciblant la
colonie tunisienne à l’étranger et le non accès au crédit bancaire local.

Au-delà du diagnostic, la Tunisie a tout intérêt à réfléchir sérieusement
sur les moyens de remédier l’ensemble de ces lacunes récurrentes. A leur
tour, les banques tunisiennes implantées à l’étranger (UTB et autres)
doivent se démener pour attirer davantage l’épargne des Tunisiens à
l’étranger.

Il faut reconnaître, ici, que le Maroc (pays comparateur), fait mieux que la
Tunisie dans ce domaine.

D’ailleurs, la banque d’origine marocaine Attijari Bank, propriétaire de
l’ex Banque du Sud, place cette question parmi ses principaux axes d’intérêt
et s’emploie, depuis quelque temps, à courtiser les émigrés tunisiens en
France et en Allemagne, principaux pays d’accueil.

Attijari Bank n’est pas la seule à s’intéresser à cette manne
sous-exploitée. L’Union européenne, par le biais de ses bras financiers -la
Banque européenne d’investissement et sa filiale la FEMIP-, multiplie les
études en vue de montrer l’importance de ces transferts et l’intérêt qu’il y
a à les récupérer.

Pour mémoire, la France s’en est aperçu, depuis le milieu des années
soixante-dix, et a institué à l’époque le regroupement familial rien que
pour dissuader la sortie de ces transferts et encourager les émigrés à
épargner et à dépenser en France.

Pour mémoire, le nombre de Tunisiens résidant à l’étranger est évalué à un
million de personnes dont 83% (780.000) résident en Europe (554.000 en
France, soit 59%). On compte 119.743 Tunisiens dans le monde arabe (85.000
au Maghreb), 1.054 en Afrique, 832 en Asie (hors pays arabes) et 24.655 en
Amérique et Australie.

À titre d’exemple, il y a 448 Tunisiens installés au Japon, 637 en
Australie, 43 à Singapour et 24 au Brésil. En Europe, des statistiques de
l’Office des Tunisiens à l’étranger font état de plus de 130.000 familles
environ avec une concentration en France et en Allemagne. Les jeunes
Tunisiens à l’étranger, qui sont âgés de moins de 16 ans, représentent 24%
de la communauté tunisienne à l’étranger. Il s’agit donc d’un rajeunissement
de l’émigration tunisienne qui en est actuellement à sa 3e génération. Les
femmes représentent à peu près 24,5% de l’ensemble de la communauté. En
France, leur pourcentage est estimé à 38,2%. La part des Tunisiens qui ont
plus de 60 ans y est d’environ 7%.