Libye : Un Eldorado difficile à aborder mais qu’on ne peut ignorer


Par Moncef MAHROUG

Si dans des pays comme la Tunisie ou le
Maroc l’environnement des affaires n’est pas encore idéal, il ne peut en
être autrement en Libye où le processus d’ouverture de l’économie en est
encore à ses premiers pas. Aussi, tout en reconnaissant l’existence de
difficultés, participants libyens et français à un colloque sur le climat
des affaires au pays du colonel Gueddafi, organisé récemment à Paris à
l’initiative d’Ubifrance, se sont accordés pour estimer inévitable pour les
entreprises d’y prendre pied.

Tout en refusant que l’on parle d’aventure –le mot est de M. Michel Casals,
président de la Chambre de commerce franco-libyenne (CCFL)- à propos de
l’approche de leur marché par une entreprise étrangère, les Libyens
admettent l’existence de difficultés. «Nous ne nions pas l’existence de
difficultés et d’un peu de confusion», constate l’homme d’affaires Ali
Gaddah. Qui explique cette situation par le fait que «nous sommes un pays
qui veut rattraper le temps perdu» et peut, ce faisant, commettre des
erreurs.

Face à ces difficultés, il faut s’armer de patience, conseille M. Casals.
Cette patience est, selon le premier responsable de la CCFL, surtout
nécessaire «pour les grands contrats» qui passent par un «processus de
longue haleine». En effet, «entre la définition des besoins et la commande»,
il peut s’écouler jusqu’à dix-huit mois. Car, «la Libye a mis en place des
comités qui doivent décider à l’unanimité». Toutefois, «pour le privé, la
réactivité est plus normale».

Recruter du personnel local n’est pas également chose facile. En outre, les
négociations sont souvent longues et difficiles car posant des problèmes de
traduction, donc de compréhension.

Plus que de la patience –et de la prudence-, des expressions qui, selon lui,
«expriment une vision négative du marché», faire des affaires dans son pays
nécessite, selon un responsable libyen, «de la volonté et de la capacité à
concurrencer» les autres. Quoiqu’il en soit, même le président de la CCFL
conseille «d’y aller de toute façon». Tout en ayant présent à l’esprit que
la Libye «est un pays où les contacts personnels sont essentiels». Tout
comme le choix du partenaire local.
Français Gouyette, ambassadeur de France à Tripoli, conseille quant à lui de
ne pas oublier que «la Libye est en phase de transition. De nombreux signes
indiquent que l’ouverture est en cours, mais le cadre juridique n’est pas
encore en place». «L’environnement des affaires n’est pas encore stable,
mais il est de plus en plus précis», confirme Patrick Lebrun, chef de la
Mission économique française dans la capitale libyenne.

Il faut, de ce fait, conseille le responsable français, venir dans ce pays
«en acceptant la règle du jeu local». Car «la Libye n’est pas un pays où
l’on fait ce qu’on veut mais ce que l’on peut».

Mais parmi ceux qui y sont allés, certains ont été agréablement surpris.
C’est le cas par exemple de M. Roger Decot, vice-président de BNP Paribas et
de Saharabank, dont la banque française a racheté 19% du capital en octobre
2007.

Arrivé en Libye en se disant que ce pays «c’est loin, c’est fermé et c’est
étatique», M. Decot a été surpris par «des gens qui nous ont montré que nous
avions tort. Nous avions des interlocuteurs qui voulaient changer les
choses». La preuve en est qu’après le lancement du dossier de la
privatisation partielle de Saharabank en avril 2007, «il y a eu deux tours
d’enchères et le closing a eu lieu en septembre. On n’est donc pas loin d’un
record du monde en matière de privatisation», se félicite le banquier
français. D’autant plus ravi que «nous avons seulement 19% mais nous
contrôlons la banque, dont nous sommes un partenaire industriel».