Logiciels libres : un partenariat tuniso-français en gestation ?

Sous les auspices du ministère
des Technologies de la communication, le pôle technologique d’Elghazala a
abrité, le 22 juillet 2008, un workshop ayant pour thème «Pôle de
compétitivité et clustering autour du logiciel libre». Y ont pris part Mme
Lamia Chafia Sghaier, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Technologies
de la communication, chargée de l’Informatique, de l’Internet et des
Logiciels libres, ainsi que des experts français et tunisiens.

 

Le but de cette rencontre entre experts est de
présenter l’expérience française dans le domaine et de nouer des
partenariats novateurs entre entreprises françaises et tunisiennes. La
Tunisie était déjà l’invité d’honneur au premier salon des logiciels
libres qui s’est tenu en France en octobre dernier. Une participation qui
a ouvert la voie à une rencontre plus élargie en avril 2008, sans
toutefois avoir de suite directe. Disons que des conventions communes
existent déjà entre les deux parties. Cette rencontre d’affaires qui vient
de se tenir en Tunisie constitue la première d’une série de rencontres
visant la réactivation de ces conventions et l’élaboration de projets
concrets entre français et tunisiens.

 

Les pôles technologiques sont d’un grand secours dans
ce domaine. S’agissant d’un domaine innovant, ce sont les PME qui
investissent le plus dans les logiciels libres en partenariat avec les
grandes entreprises en quête d’idées innovantes. D’où les outils offerts
par les pôles technologiques favorisant cet échange entre grands et
petits.

 

Toutefois, quelques reproches ont été exprimés à
l’encontre des grands groupes. Au risque d’être pessimiste, M. Abbassi, un
jeune chef d’entreprise, a estimé que les PME ne sont pas assez protégées.
«Après avoir pris beaucoup de temps dans l’élaboration du projet, il n’est
pas évident qu’ils (les grands groupes) le prennent. D’où une perte de
temps et d’efforts très importante pour une jeune entreprise qui démarre»,
a-t-il indiqué.

 

Les experts français ont montré un grand enthousiasme
à la réalisation de partenariats avec les entreprises tunisiennes. M.
Traian Muntean, directeur de recherche au pôle de compétitivité SCS
(Solutions Communicantes Sécurisées) en France, a indiqué qu’il est
impératif de coordonner les efforts dans des projets collaboratifs,
répondant à des besoins spécifiques des entreprises. “De gros efforts
devraient être fournis : faire appel à des projets nationaux, intégrer des
standards et des interfaces interopérables, engager davantage les grands
groupes”, a-t-il précisé.

 

De son côté, M. Stéphane Fremigier, représentant
d’une entreprise éditrice de logiciels libres ‘’Nuxeo’’ au sein du pôle de
compétitivité System@tic en France, a exprimé la volonté de son entreprise
de nouer des partenariats en Tunisie. Il a ainsi souligné que les PME se
trouvent face à des défis majeurs dans l’élaboration de leurs projets.
«Elles se trouvent devant un investissement initial important qu’elles ne
peuvent pas couvrir de toute évidence. Ajoutons à cela une période assez
longue pour la concrétisation des projets», a-t-il expliqué.

 

En outre, M. Fremigier évoque la question de l’open
source, un concept qui s’applique aux logiciels dont la licence donne la
possibilité de la libre redistribution tels que les logiciels libres.
Selon lui, il favorise les entreprises qui se lancent à la conquête des
marchés tout en leur permettant l’acquisition d’une visibilité à l’échelle
mondiale. Il permet aussi la diminution des coûts de développement.

 

D’un autre côté, il a précisé que la construction de
réseaux est une étape très importante pour les PME, leur permettant de
grossir l’écosystème au sein duquel elles interagissent.

 

Pour sa part, Mme Anne-Ingrid De Miras, représentant
le réseau Libertis dans la région PACA en France, a signalé que le souci
premier pour les pôles de compétitivité est la création d’emploi et
l’augmentation du chiffre d’affaires des PME. «Cet objectif se trouve
menacé dès lors que de grands groupes débarquent et achètent les petites
boîtes existantes pour se délocaliser ensuite. Ce qui est le cas d’une
grande entreprise dans notre région», a-t-elle ajouté.

 

Mme De Miras a proposé aux entreprises tunisiennes la
création d’un CD Rom qui engloberait toutes les informations sur les
outils mises en disposition pour la réalisation des projets. Ensuite, elle
propose la mise en place d’un outil de veille spécifique selon les besoins
de chaque entreprise. D’ailleurs, c’est un doctorant tunisien qui a créé
cet outil et qui viendra le présenter prochainement en Tunisie au sein
d’un atelier de travail afin de comparer ses usages.

 

Comme recommandations, les participants au workshop
ont insisté sur l’importance de la réactivation de la coopération
privé-privé, et aller même plus loin avec la création d’un cluster
tunisien. M. Lotfi Hamdi, responsable des Relations internationales à
Marseille innovation -un réseau de pépinière d’entreprises
technologiques-, a précisé qu’un contexte favorable existe en Tunisie pour
la réalisation de projets innovants dans le domaine des logiciels libres.

 

Au niveau méditerranéen, il serait urgent de bâtir
des projets communs. Déjà, à l’issue du Med Business Day, une rencontre
d’affaires qui s’est tenu dernièrement en marge du Sommet de l’Union Pour
la Méditerranée, un projet méditerranéen de 12 millions d’euros a été
programmé pour la réalisation de projets communs.

 

Egalement, il existe un réseau informel d’innovation
«Medinnov», créé en 2005 et lancé au terme du SMSI, et qui rassemble un
collectif d’acteurs économiques en Méditerranée. Il est parrainé par
Marseille Innovation, une structure associative privée créée en 1996, qui
gère un réseau de pépinières d’entreprises technologiques. Dix rencontres
d’affaires ont été déjà organisées autour du réseau dont six en Tunisie.

 

Le workshop tuniso-français constitue ainsi une
réelle opportunité de coopération. Les entreprises tunisiennes devraient
profiter de cet intérêt français pour élargir leur champ d’activité et
acquérir une visibilité à l’échelle internationale. Tout en faisant
attention à la marche…

 

Une invitation a été, d’ailleurs, lancée pour une
deuxième participation de la Tunisie comme invité d’honneur au salon des
logiciels libres qui se tiendra en octobre prochain en France.

 

Une bonne distinction de la Tunisie, puisque selon
les participants de cette rencontre, notre pays est le seul au monde à
avoir un secrétaire d’Etats chargé des Logiciels libres.

 


M.O.