M. MOKDADI HAMADI : ‘’Le développement de l’ensemble des activités boursières est fondamental’’

Par : Autres

Hamadi_mokdadi1.jpgM. MOKDADI HAMADI, spécialiste des questions bancaires et financières nous
donne sa vision du développement du marché financier tout en expliquant que
cette évolution doit se faire dans la rentabilité et dans la totale sécurité
des opérations initiées. Cette dynamique, explique-t-il dans une interview
accordée à L’ECONOMISTE MAGHREBIN, est un facteur d’évolution saine de la
bourse et une source de bonne gouvernance et de pérennité pour les
entreprises sans oublier l’impact sur la mobilisation de l’épargne à long et
moyen terme.

 

L’Economiste Maghrébin : Quel état des lieux établissez-vous de
l’évolution de l’activité de la Bourse de Tunis ?

 

Pour la cinquième année consécutive, le marché boursier poursuit son trend
haussier. L’année 2007 a enregistré des niveaux records sur tous les plans.
Le Tunindex a connu une hausse de 12 % par rapport à 2006 à 2614.07 points
et de 233 % depuis 2002. La capitalisation boursière a atteint 6 480 MDT
contre 5491 MDT en 2005. Parallèlement, l’année 2007 a été marquée par deux
introductions notoires, à savoir TPR et ADWYA, et par la naissance du marché
alternatif accompagnée par l’introduction de la SOPAT.

 

Nonobstant ces réalisations, le financement direct des investissements
privés demeure au niveau de 7.85% en 2007 contre 7.12 % en 2006. Pour sa
part, le marché des obligations évolue timidement avec un volume des
transactions intermittent voire quasi inexistant, vu la rareté des
obligations émises sur le marché. Ce compartiment n’est pas en phase avec la
demande exprimée par les investisseurs.

 

Une remarque de taille s’impose à cet égard. Aujourd’hui, le marché, via les
24 intermédiaires en bourse, reste actif uniquement sur le seul marché des
titres de capital (cote et hors cote). Le marché primaire des émissions
d’actions ou d’obligations demeure faible et n’offre pas un élan pour
enrichir les fonds de commerce des intermédiaires. Les raisons sont
multiples et se rapportent au financement direct et à l’adhésion moins
prononcée des entreprises à l’ouverture de leur capital au public.

 

Dans ce contexte, les intermédiaires en bourse diversifient et
approfondissent leur activité autour de la gestion de portefeuille et les
produits y afférents, sans omettre le développement des activités de gestion
d’actifs ( SICAV ET FCP) et de l’ingénierie financière.

 

La finalité étant de conclure un bon retour sur capital couvrant au moins
les charges inhérentes à l’activité.

 

Notons que la révision du statut des intermédiaires vient de lever le voile
sur des nouvelles activités à savoir le listing sponsor, la tenue de marché
et la contrepartie.

 

De manière globale, les perspectives de développement du marché sont
prometteuses. Toutes les évolutions précitées permettent de poursuivre le
développement et de booster l’intégration de notre bourse dans la dynamique
économique de notre pays.

 

Comment se présentent les ambitions futures ?

 

Forte de l’intérêt porté par les autorités, la bourse devra continuer sur sa
lancée. Octroi des avantages non négligeables d’une part et impulsion à
travers des manifestations publiques d’autre part, les autorités n’ont pas
ménagé leur effort pour rapprocher les opérateurs des éventuels candidats à
la bourse et au financement direct.

 

Aujourd’hui, le développement de la bourse s’articule autour de plusieurs
axes. Le premier concerne le marché alternatif, source de financement pour
les PME/PMI et les sociétés admises au programme de mise à niveau. Ce
nouveau compartiment offre des avantages en matière de diversification de
sources de financement et d’allégement du fardeau des crédits parfois
handicapant au développement durable de l’entreprise.

 

Le second axe, et non des moindres, est celui lié aux ouvertures de capital
des entreprises familiales par le biais de la bourse. A cet égard,
l’introduction en bourse de la société ARTES, groupe MZABI, vient de
confirmer une sage décision prise par une entreprise familiale dirigée avec
brio et selon les principes de la bonne gouvernance. Une symbiose avec le
marché s’est de facto opérée dés l’annonce de l’opération et l’apparition du
prospectus d’émission qui est venu ancrer que la notion de société familiale
est propre à la détention de capital et non au management qui insuffle les
grandes orientations et les lignes de conduite

 

Je suis intimement convaincu que l’excellent parcours de la valeur sur la
cote sera un signal fort pour les autres entreprises dites familiales
cherche à extérioriser leur capacité d’adhérer au principe des lois de
marché.

 

Autre axe, celui des restructurations des groupes d’affaires par la création
de holding coté en bourse. L’annonce faite par M. Abdelwaheb Ben Ayed pour
la création d’une société holding du groupe Poulina dans le cadre des
avantages fiscaux de la loi des finances dans ses articles 31/32 de 2007 et
qui sera cotée en bourse. Cette opération permettra au groupe de
s’internationaliser et d’asseoir sa pérennité sur des bases solides.

 

Précurseur, M. Ben Ayed va certainement inciter les autres grands patrons
d’importants groupes d’affaires à franchir le cap de la bourse et lever les
capitaux nécessaires au développement de leur outil de production.

 

Parmi les autres axes, figure celui lié aux opérations de rapprochement.

 

L’opération de rapprochement attendue entre Karthago Airlines et NouvelAir
donnera certainement à la bourse une dimension supplémentaire pour devenir
un acteur majeur dans le financement du secteur de transport aérien (Tunisair
est déjà cotée en Bourse)

 

Le recours des sociétés étatiques au marché financier lors d’une
augmentation de capital par voies d’Offre Publique de Souscription (OPS) est
l’un des axes annoncés par les autorités pour contribuer au développement du
marché financier.

 

De même, le compartiment des opérations hors cote est également important.
La loi exige le passage par la bourse de toute cession d’actions au sein
d’une société anonyme. Le défaut de contrat de cession matérialisé par une
attestation de transfert de propriété prive le nouvel actionnaire de ses
droits conformément à la réglementation en vigueur.

 

En un mot, l’évolution de la physionomie du marché boursier est conditionnée
par la profondeur du marché des émissions, des actions et des obligations
ainsi que par l’amélioration de l’ensemble des indicateurs boursiers.

 

Avec un objectif de cent sociétés cotées, la capitalisation boursière de
notre bourse pourra égaler celle de certains marchés émergents surtout ceux
ayant des économies similaires.

 

Quelle est la position actuelle d’UBCI Finance et quelles sont ses
perspectives d’avenir ?

 

UBCI Finance ne cesse de développer son activité. D’abord, l’harmonisation
de notre identité visuelle avec celle de notre groupe UBCI BNPPARIBAS, nous
a permis de créer une synergie avec le réseau qui compte aujourd’hui 97
agences. Laquelle harmonisation nous donnera d’énormes possibilités
d’évolution de nos activités de marché, surtout dés l’arrivée de nouvelles
agences, environ 50, avec les conditions de la zone d’exploitation dans
laquelle elles évoluent.

 

Ensuite, nos relations avec le pôle banque d’affaires de l’UBCI sont de plus
en plus étroites. Nos mailings, étayés par une documentation riche, sont
adressés à 39 groupes d’affaires et à 42 sociétés PME/PMI. Ils donneront
certainement des résultats probants. Des visites ont été réalisées et
d’autres sont programmées pour convaincre les décideurs à opter pour la
bourse.

 

Aussi, la banque a mis sur pied une cellule de gestion de patrimoine dotée
de conseillers de gestion (GCP). Cette cellule trouve beaucoup de succès
auprès de la clientèle désireuse de constituer une épargne à moyen et long
terme et permet de bénéficier des rendements en rapport avec leur exposition
au risque.

 

Nous sommes les premiers à avoir créé et géré 4 SICAV : une SICAV
obligataire, une sicav 100% actions, les deux autres SICAV sont mixtes avec
un maximum de 40 % et 60% de part d’actions.

 

Par ailleurs, UBCI Finance a réalisé cette année un important volume de
transaction de 445 millions de DT. Elle est classée ainsi 2ème
parmi l’ensemble des intermédiaires.

 

L’équité entre nos clients est un principe incontournable et l’intégrité du
marché nous ont emmené à mettre en place :

 

– Un dispositif de contrôle du blanchiment d’argent conformément à la loi en
vigueur, vigilance au niveau des entrées en relation et ouverture des
comptes répondant aux exigences du métier et du groupe UBCI BNPPARIBAS.

 

– Un dispositif de contrôle des opérations remarquables par filtrage des
fonds et vigilance au niveau des flux d’opérations des clients (définition
des seuils)

 

– La mise en place d’un plan de continuité d’activité (PCA): la solution de
secours informatique et opérationnel des activités ne supportant pas une
interruption surtout la négociation des ordres de nos clients, l’édition de
la VL de nos SICAV et la réponse aux rachats et souscriptions demandé par
les actionnaires des OPCVM (routage de téléphonie, applications
informatiques et données externes …), ainsi, nous avons la
possibilitéd’exercer sur un deuxième site dédié à n’importe quel degré
d’accidents et quel que soit le sinistre

 

– La séparation des fonctions incompatibles : au sein de notre organisation
nous adoptons le principe de Muraille en chine entre les activités
qualifiées de sensibles à la recherche de la sécurité des flux engagé voire
l’élimination des conflits d’intérêts au sein de la Société.

 

– Les points de surveillance fondamentaux: l’évaluation des risques
opérationnels avec proposition des recommandations correctrices : le bilan
est communiqué à la direction du risque centralisé à la banque qui en assure
le suivi des recommandations.

 

– Signature par l’ensemble du personnel d’une charte déontologique, de bonne
conduite et d’un règlement intérieur très étoffé..

 

Concernant un autre sujet , fort important pour le développement de notre
marché, c’est celui de la rentabilité dégagée par les activités des
Intermédiaires en Bourse, je souhaite profiter de cette occasion pour lancer
un appel à tous mes confrères sur les tarifs appliqués à l’ensemble de la
clientèle, le nouveau statut de notre corporation a introduit une
recommandation qui stipule par l’art 53 nouveaux que «L’intermédiaire en
bourse doit s’interdire toute pratique tendant à fixer des commissions
excessivement basses susceptibles de menacer l’équilibre de l’activité
d’intermédiation en bourse et la loyauté de la concurrence sur le
marché.(Décret n° 2007-1678 du 5 juillet 2007, art.53)”

 

Le respect de cette mesure est important, surtout que si on tire vers le bas
les produits générés par une activité déjà exigu du marché financier, la
rentabilité devient insuffisante ce qui freine tout développement souhaité.

 

Et à la question, y a t il trop d’IB sur la place ? Je dis : oui, si on se
concentre seulement sur la place de Tunis et aucune décentralisation au
niveau des grandes villes du pays n’est programmée, nos produits doivent
être accessibles à tous les investisseurs tunisiens et sur l’ensemble du
territoire, ainsi nous pourrons générer des valeurs ajoutées supplémentaires
pour notre Bourse et sauvegarder nos structures et les emploies. Notons que
les Intermédiaires en Bourse mobilisent 69 MD de fonds propres (sachant que
le Capital par intermédiaire varie entre 1 MD et 5 MD selon l’activité) et
emploient environ 400 cadres spécialisés issus de l’enseignement supérieur,
dont un bon nombre détient des cartes professionnelles.

 

Ajouté à cela les capacités financières et humaines de la BVMT, STICODEVAM,
AIB et le CMF ainsi que ceux des back office titres des établissements de
crédits du fait qu’elles sont autorisées à exercer l’activité de teneurs de
comptes et de collecteur d’ordres.

 

Tout ce potentiel est à même d’accompagner l’élan du développement attendu
du Marché Financier. Dans ces conditions le nombre des intermédiaires en
Bourse devient suffisant en exerçant une nouvelle politique commerciale
fondée sur une spécialisation par centre de métiers et de profit.

 

A mon avis, l’essentiel est de se concerter et de redonner à l’association
des IB toute sa splendeur et sa place dans le paysage financier tunisien.

 

Ces facteurs ajoutés aux degré de rentabilité et de sécurité des opérations,
font partie d’un ensemble cohérent pour développer davantage notre bourse et
donner aux investisseurs toutes les assurances nécessaires pour la bonne fin
des opérations initiées.

 

MOKDADI HAMADI
DIRECTEUR GENERAL UBCI FINANCE