| 
 
    Les communications boursières, ou du moins certaines d’entre elles, et les 
    taux directeurs de la Banque centrale feraient-ils grimper l’indice de 
    bonheur brut ? Autant de concepts qui se télescopent à première vue mais qui 
    restent au centre des préoccupations du Tunisien moyen. La quête du bonheur, 
    qui se fait de plus en plus insaisissable, se lamentent certains, 
    passerait-elle désormais par la veille sur les informations boursières et 
    bancaires ? C’est qu’on ne badine plus avec le bonheur et les aspirations 
    populaires surtout depuis que des scientifiques lui ont offert une caution 
    scientifique.
     
      
C’est un universitaire britannique, Adrian White, en l’occurrence, qui a 
    ainsi dressé une carte mondiale du bonheur. Les pays ont été classés en 
    fonction du degré de béatitude atteint par leur population. Dans ce 
    classement, la Tunisie occupe le 79ème rang, derrière les Emirats 
    Arabes Unis (22ème), Oman 30ème, l’Arabie Saoudite 31ème…
     
      
    Les Français, connus pour être plutôt rouspéteurs, viennent en 62ème 
    position. L’argent contribuerait-il tant que ça au bonheur des peuples ? Le 
    parfait contre-exemple vient du Bhoutan, petit Etat himalayen, qui, avec une 
    enviée 8ème place relativise l’impact des finances sur le bonheur 
    des peuples.
     
      
    Et d’ailleurs un autre classement (encore un) détrompera cette hiérarchie 
    par trop matérialiste. Globeco, une revue en ligne publiée par Pierre le 
    Roy, un énarque atypique qui se présente comme le créateur de l’indice du 
    bonheur mondial, met la Tunisie en 38ème position mondiale. Nous 
    voici bons premiers, aux niveaux arabe et africain. Bien avant les Chinois 
    45ème, Saoudiens 46ème, et même les Russes 47ème. 
      
    Le bonheur du Tunisien moyen est pourtant clairement identifié par les 
    experts, comme par les amateurs de potins du café du commerce : une voiture 
    populaire et une maison, pour abriter la petite famille. Quitte à payer 
    pendant 25 ans les agios bancaires. Le bonheur est à ce prix, et il aurait 
    tendance à se faire plus accessible, si l’on en croit l’une des 
    communications boursières les plus attendues par les journalistes 
    économiques comme par le public. Celle du groupe Artes, bien sûr. Et pour 
    cause ! M. Mzabi a parlé de la Logan, cette automobile encore plus populaire 
    que n’importe laquelle de nos petites cylindrées. Pour des questions de 
    prix, évidemment, et de prêts aussi, bien sûr. Alors si les Chinoises 
    venaient aussi à rouler sur nos routes, aux prix de Pékin, cela va de soi, 
    on contribuerait largement au bonheur national brut, de décoffrage. 
      
    Et voilà que la Banque Centrale s’est mise de la partie, en déclarant 
    vouloir baisser les taux d’intérêt des prêts à long terme. Même si la 
    vénérable institution n’a pas communiqué sur l’étendue réelle de la mesure, 
    en précisant les chiffres de la baisse éventuelle. Les taux suivront la 
    pente douce, qui va dans le sens de l’épargne de nos concitoyens, qui rêvent 
    d’habitat. Et l’actualité a de ces ironies, parfois, en donnant de quoi 
    épicer la cuisine de la communication financière généralement plutôt fade. 
    Les épices nous viennent d’Inde, et autres pays d’Extrême-Orient, d’où nous 
    viendra pareillement le salut de nos portefeuilles, avec des véhicules 
    réellement populaires. Les Bhoutanais, qui sont allés votés hier, en savent 
    quelque chose. Leur pays a en effet déclaré l’indice de bonheur brut plus 
    important que la maigreur du PNB. Ils se sont donc mis à chiffrer et 
    quantifier le bonheur, pour afficher des données pourtant pas 
    macroéconomiques, cependant plus «présentables» aux yeux (sévères) des 
    économistes étrangers.
     
      
    Les Tunisiens, eux, agissent de manière encore plus subtile. Si nous ne 
    sortons pas de la rigueur des communications boursières et bancaires, nous 
    savons l’adoucir, pour nous dorer la pilule. Pour que l’on continue à 
    soupeser nos chances d’accès à la voiture, assortie de la maison populaire. 
    C’est ce que l’on appelle une Banque Centrale de rêve ! Des mesures qui nous 
    feront, à coup sûr, grimper dans le classement mondial du bonheur.
     
 |