Renforcement de la gouvernance à l’appui du programme Agriculture au service du développement

Renforcement de la gouvernance à l’appui du programme Agriculture au service
du développement

La bonne gouvernance est particulièrement importante pour instaurer un cadre
favorable et mettre en œuvre efficacement les programmes qui permettent
d’utiliser l’agriculture au profit du développement.

Pourtant, l’agriculture souffre de deux points faibles : les problèmes de
gouvernance sont particulièrement aigus dans les pays à dominante agricole
et les institutions agricoles sont souvent faibles par rapport aux
institutions dans d’autres secteurs.

Toute une série d’approches de la réforme de la gouvernance peut soutenir le
programme Agriculture au service du développement, notamment la
réorganisation des rôles et des compétences dans les ministères de
l’agriculture, la mise en œuvre de la décentralisation et le renforcement
des rôles de la société civile et du secteur privé.

Tout l’enjeu consiste à recenser les approches compatibles avec la situation
et le pays donnés et celles qui sont politiquement réalisables.

Pourquoi la gouvernance est-elle importante pour le programme Agriculture au
service du développement ?
La bonne gouvernance a plusieurs dimensions : la stabilité politique, l’état
de droit, la représentation et la responsabilité, l’efficacité des pouvoirs
publics, la qualité de la réglementation et la maîtrise de la corruption,
qui sont toutes importantes pour l’agriculture. La stabilité politique,
l’absence de violence et l’état de droit sont des conditions préalables
essentielles au développement de l’agriculture. Les conflits violents sont
souvent liés à l’inégalité de l’accès à la terre et à d’autres ressources
naturelles. Dans les systèmes politiques où la représentation et la
responsabilité font défaut, les ruraux pauvres se heurtent à des difficultés
spécifiques lorsqu’ils tentent d’agir sur le programme politique ; de ce
fait, l’utilisation de l’agriculture au service du développement ne
bénéficie pas d’une grande attention politique. L’efficacité des pouvoirs
publics, la qualité de la réglementation et la maîtrise de la corruption
jouent un rôle déterminant pour l’agriculture parce que la croissance
agricole durant les premières phases du développement dépend fortement de la
capacité de l’État à corriger les imperfections du marché qui sont
nombreuses dans ce secteur.

Les pays dans lesquels l’agriculture est un secteur important ont souvent
les résultats les plus faibles en termes de gouvernance, ce qui pose un
problème majeur : la gouvernance tend à être la plus faible lorsque le
secteur public est le plus nécessaire pour la mise en œuvre du programme
Agriculture au service du développement. Tous les espoirs sont cependant
permis, car la communauté internationale attache désormais de l’importance à
la gouvernance. La démocratisation, la décentralisation, la participation de
la société civile, la réforme de la gestion du secteur public et la maîtrise
de la corruption ouvrent des possibilités impressionnantes pour récemment
des progrès considérables dans ce domaine. Depuis le début des années 90, le
pourcentage des pays qui connaissent l’instabilité politique et les conflits
a diminué. Pourtant, un succès n’est jamais acquis : des efforts tout
particulier sont nécessaires du fait de la complexité et de la diversité de
l’agriculture.

Les rôles respectifs du secteur public, du secteur privé et de la société
civile ont changé.
Historiquement, les interventions du secteur public sur les marchés
agricoles étaient souvent malvenues, peu mises en œuvre et donnaient lieu à
des situations de rente et à la corruption, entraînant l’échec des pouvoirs
publics. De ce fait, les ajustements structurels des années 80 et 90 ont mis
l’accent sur le rôle essentiel du marché et limité les interventions de
l’État. L’objectif était de « trouver le juste prix » et d’améliorer
l’environnement macroéconomique, ce qui a eu des effets positifs sur
l’agriculture, notamment en réduisant la charge fiscale. En revanche, de
nombreuses défaillances du marché n’étaient pas prises en compte, provoquant
une nouvelle génération de problèmes dans laquelle un secteur privé faible
ne pouvait pas jouer de rôle positif. Il est désormais largement accepté que
l’État et le marché doivent être complémentaires et que pour y parvenir, il
faut consolider l’État et renforcer son champ d’action.

Les ministères de l’agriculture doivent s’adapter à des compétences et des
rôles nouveaux.


Il est généralement reconnu aujourd’hui que l’État doit investir dans les
biens publics fondamentaux tels que la recherche et développement agricole,
les routes rurales, les droits de propriété et le respect des règles et des
contrats, même dans les économies fortement industrialisées. Les politiques
publiques pour promouvoir l’égalité, y compris l’égalité entre les sexes, et
la lutte contre la pauvreté en créant des avoirs productifs et en
fournissant des filets de sécurité. Même si la sous-traitance et le
partenariat avec le secteur privé et la société civile peuvent réduire la
difficulté pour l’État de mettre en œuvre le programme, les ministères de
l’agriculture ont besoin de nouvelles compétences en termes de facilitation,
de coordination et d’efficacité de la régulation. Ils ont également besoin
de la capacité à concevoir des stratégies de développement agricoles fondées
sur des faits probants, notamment de solides statistiques agricoles, pour
gérer les processus politiques, faire en sorte que les budgets soient aligné
sur des stratégies, assurer la coordination intersectorielle, faciliter la
participation de différents acteurs et créer un environnement favorable au
secteur privé et à la société civile.

Cependant, les bureaucraties agricoles qui subsistent après l’ajustement
structurel sont particulièrement faibles et sont incapables de mettre en
œuvre le programme Agriculture au service du développement en partenariat
avec le secteur privé et la société civile. De même, elles rencontrent des
difficultés à travailler efficacement avec les autorités locales qui ont
pris de l’importance grâce à la décentralisation. Dans la plupart des pays,
les ministères de l’agriculture ont besoin de réformes en profondeur pour
redéfinir leur rôle et acquérir des capacités nouvelles.

La réforme peut être mise en œuvre sous l’angle de l’offre ou de la demande.
Réforme sous l’angle de l’offre. Les efforts déployés par le passé pour
renforcer l’administration agricole mettaient l’accent sur l’offre, par
exemple en proposant des formations, en encourageant le recrutement et la
promotion au mérite, en ajustant les grilles de salaire et en renforçant les
procédures de passation des marchés, d’audit et de gestion des dépenses
publiques ; c’est ainsi que l’Inde a pu diminuer la corruption dans
l’administration agricole en mettant en place la téléadministration. Le
Salvador, la Malaisie et le Mexique soumettent les administrations publiques
à la certification de gestion ISO-9000 pour améliorer la performance et le
service au client.
La réforme de l’administration agricole implique souvent de modifier les
prérogatives de l’État : en Ouganda, les services d’extension sont
sous-traités au secteur privé et à des organisations non gouvernementales
(ONG). Au Guatemala, BANRURAL est un partenariat public-privé, créé

pour fournir des services financiers en milieu rural. En Afrique
occidentale, un nombre croissant de vétérinaires privés et de
paravétérinaires locaux proposent des services pour le bétail. De nombreux
pays délèguent des pouvoirs en matière d’irrigation à des groupes de
consommateurs. Si ces approches réduisent la charge des ministères, elles
n’en créent pas moins des besoins en capacités nouvelles, notamment en ce
qui concerne la gestion de contrats, la réglementation et la facilitation.

Réforme sous l’angle de la demande. Les approches sous l’angle de l’offre
sont plus efficaces lorsqu’elles sont conjuguées à des réformes sous l’angle
de la demande qui améliorent la représentation et la responsabilité en
renforçant la capacité des agriculteurs à demander de meilleurs services
publics et en responsabilisant les fournisseurs de service. En Éthiopie, des
ONG évaluent la satisfaction des agriculteurs à l’égard des services de
conseil agricole et d’autres services ruraux en utilisant des cartes de
compte rendu citoyen. Au Sénégal, les organisations de producteurs
participent à la prise de décisions sur la fourniture des services
agricoles.

En rapprochant les pouvoirs publics des populations rurales, la
décentralisation ouvre des perspectives prometteuses pour gérer le caractère
local et hétérogène de l’agriculture. Pourtant, le rôle du secteur public à
l’appui de l’agriculture est complexe et le développement agricole requiert
un éventail adéquat de services centralisés et décentralisés. Il est
préférable de traiter certaines missions publiques, telles que la sécurité
des aliments et le contrôle des épidémies, au niveau central. Lorsque les
collectivités locales ne peuvent pas atteindre leurs populations, une
approche en terme de développement local s’appuyant sur les communautés
permet de tirer parti du potentiel des communautés rurales et de leur
créativité, de leurs compétences et de leur capital social. La conception
des institutions décentralisées et des programmes s’appuyant sur les
communautés doit prendre en compte le problème de l’exclusion sociale et
empêcher que les élites locales n’utilisent ces programmes dans leur propre
intérêt. Il peut être utile d’encourager des flux d’information plus
transparents, une participation paritaire des hommes et des femmes à la
prise de décisions au niveau local et un suivi participatif.

Un climat favorable au secteur privé et au tiers secteur est important.
Un climat favorable aux investissements ruraux est essentiel pour permettre
l’émergence d’un secteur agroalimentaire privé compétitif. De ce fait, les
réformes du climat d’investissement doivent porter plus particulièrement sur
les contraintes que rencontrent les entreprises agricoles et rurales. Le
secteur privé peut aussi mettre à profit son expertise et son poids
politique pour promouvoir la réforme notamment par des dialogues entre le
secteur public et le secteur privé. Le groupe de travail sur l’agriculture
et l’agroalimentaire au sein du Forum privé-public au Cambodge en constitue
un exemple.

Le tiers secteur comprend les organisations de producteurs, les fournisseurs
de services à but non lucratif et d’autres organisations de la société
civile. Ce secteur peut contribuer de manière importante à surmonter les
lacunes du marché qui sont inhérentes à une agriculture de petits
exploitants, et celles des pouvoirs publics. Les organisations de
producteurs peuvent faciliter la fourniture d’intrants, de services
d’extension, la commercialisation et la gestion des ressources communes
telles que les systèmes d’irrigation. Elles peuvent aussi jouer un rôle
beaucoup plus important dans la définition de la politique agricole
nationale, comme c’est le cas au Sénégal. En Inde, les coopératives
laitières fournissent des services à plus de 12 millions de foyers et
profitent particulièrement aux femmes du fait de leur rôle dans ce secteur.
Les compétences spéciales de nombreuses ONG peuvent être mises à profit pour
fournir des services, notamment au niveau des autorités locales et des
communautés. Une société civile dynamique renforce la gouvernance du secteur
public en donnant une représentation politique à des groupes qui en sont
souvent exclus, notamment les petits exploitants, les femmes rurales et les
ouvriers agricoles. La liberté d’association, le droit à l’information et la
liberté de la presse sont déterminants pour libérer le potentiel de la
société civile.

Les partenaires du développement sont aussi nécessaires à la bonne
gouvernance.

L’amélioration de la gouvernance est en soi un processus politique et social
influencé par l’histoire du pays, ancré dans ses institutions et porté par
ses mouvements sociaux. En fin de compte, c’est aux citoyens d’un pays et à
leurs dirigeants qu’il appartient de réformer la gouvernance. Cependant, les
partenaires du développement peuvent appuyer la réforme de la gouvernance et
contribuer à améliorer cette gouvernance en coordonnant leurs propres
actions et en inscrivant ces actions dans les stratégies agricoles des pays.
La mutualisation des ressources (mise en commun des fonds), comme cela a été
fait en Tanzanie et au Ghana, peut contribuer à remédier à la fragmentation
de l’aide au développement. La coordination au niveau régional et
international est également utile. L’Initiative de Neuchâtel, groupe
informel de représentants des bailleurs de fonds bilatéraux et
multilatéraux, élabore des opinions communes et des lignes directrices pour
la coordination des donateurs à l’intérieur du pays dans le domaine des
services de conseil agricole.

Des progrès sont nécessaires dans le programme d’action mondial.
Le développement agricole dépend de mesures que seule la communauté
internationale peut prendre : créer des règles équitables pour le commerce,
préserver les ressources génétiques, contrôler la propagation des pandémies
et gérer le changement climatique. La mise en œuvre de ce programme mondial
nécessite l’appui de diverses institutions internationales : des
institutions spécialisées qui bénéficient du soutien et de l’engagement à
long terme de la communauté internationale, telles que les instances de
normalisation et le Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole
Internationale, des réseaux transversaux capables de réagir rapidement en
cas d’urgence concernant un problème spécifique, tels que le Fond Mondial de
Lutte contre la Grippe Aviaire hautement pathogène, et des mécanismes
permettant de faire en sorte que le programme agricole soit bien coordonné
et intégré dans le programme d’action international sur le développement, la
sécurité et l’environnement. Les enjeux de la réforme de la gouvernance
mondiale dans ce domaine sont considérable. Mais dans un monde qui
s’internationalise et sur une petite planète, il est de l’intérêt de tous
d’aider chaque pays à mettre en œuvre son programme Agriculture au service
du développement. Relever ce défi est une question d’équité et de justice
entre le Nord et le Sud, entre les générations présentes et futures.
 

(Source : Banque mondiale)