L’ONAS, l’assainissement et la saison des pluies

L’ONAS, l’assainissement et la saison des grandes pluies

Par Abou Sarra

Il y a deux siècles, le
philosophe allemand Hegel déplorait, déjà, «l’incapacité chronique des
institutions étatiques à tirer les leçons de l’histoire». Ce constat est,
toujours, d’une grande actualité. Il s’applique, aujourd’hui, de la plus
belle manière à plusieurs institutions.

Après cinquante ans d’indépendance et en dépit de moyens humains et
matériels conséquents, ces institutions ont du mal à s’organiser pour faire
face aux situations exceptionnelles.

Des insuffisances criardes dans la gestion des situations de crises,
perceptibles à travers les
désagréments et traumatismes qu’ils font subir aux communautés citadines
lors des saisons des grandes pluies. A titre indicatif, les inondations et
crues dans le Grand Tunis sont, désormais, érigées en fatalités. La touche
de l’homme, voire la touche de ces prestataires publics, cette
même touche qui devait protéger, durablement, les habitants et leurs biens
contre ces aléas climatiques, était et est tout simplement inexistante.

Tout le monde se rappelle des pluies diluviennes qui s’étaient abattues sur
le Grand Tunis en septembre 2003. Le spectacle était inouï. Sous un ciel
gris bas et lourd, des trombes d’eau avaient transformé, l’espace d’une
heure, l’avenue du Maghreb Arabe (quartiers d’Ennasr, El Manar et El Menzah)
en véritable cours d’eau.

Les oueds avaient retrouvé leurs cours naturels et emporté dans leur furie
tous les symboles de l’urbanité : voitures, appareils électroménagers…

Des centaines de milliers de femmes et d’hommes piégés par ces mêmes
inondations et par l’absence de moyens de transport, avaient dû faire, la
nuit et par un temps humide et frais des kilomètres à pied pour rentrer chez
eux. D’autres avaient été envahis chez eux par des eaux pluviales
indésirables. La situation dans les quartiers populaires à la périphérie de
la capitale était des plus dramatiques.
Les habitants des cités inondables, Sidi Hassine, Borj Louzir, La Mannouba
et autres banlieues (Ezzahra) en savent quelque chose.

A l’époque, les Tunisois avaient découvert, au lendemain de ces
précipitations, que des ouvrages à édifier n’étaient pas construits (pas
moins de cinq bassins de rétention d’eau programmés et non construits en
temps opportun dans les quartiers d’Ennasr et d’El Menzah 9) et que
l’infrastructure existante était conçue pour un pays sec, voire aride et
exposé 12 mois sur 12 à la sécheresse. Les dégâts occasionnés à cette
infrastructure étaient
énormes.

Aujourd’hui, en ce mois de septembre 2007, c’est-à-dire quatre ans après,
jour pour jour, tout le monde pensait que la leçon était tirée et que les
structures concernées allaient pallier les insuffisances de 2003.

Les citoyens étaient mêmes sécurisés par des communiqués rassurants publiés,
au début de ce mois, par l’ONAS qui annonçait avoir pris toutes les
précautions pour évacuer les eaux pluviales et se préparer dans de bonnes
conditions à la saison des pluies.

Reproduit par les journaux de la place, le communiqué du 30 août est le plus
édifiant. On y lit qu’ «en prévision de la saison des pluies, l’Office
national de l’assainissement (ONAS) a élaboré un programme pour le curage,
nettoyage et entretien des oueds, cours d’eau et bassins de rétention d’eaux
pluviales à Tunis et dans les autres villes».

Et le communiqué d’ajouter : «le programme prévoit le curage et le nettoyage
de 56 oueds et cours d’eaux de ruissellement d’une longueur totale de 126
kilomètres situés dans 9 gouvernorats : Tunis, Ariana, La Manouba, Ben Arous,
Bizerte, Nabeul, Sousse, Kairouan et Sfax».

L’ONAS se montrait même pointilleux, précis et indiquait dans ce même
communiqué que «la priorité a été donnée aux ouvrages les plus menacés
d’engorgement (cas du tunnel de Bab Souika) et que des interventions
spécifiques ont été menées en faveur des quartiers Sidi Hassine et Borj
Louzir et autres». L’ONAS avait une bonne connaissance du terrain…

Et pourtant, dès les premières intempéries du mois de septembre 2007, les
ouvrages présumés «bien entretenus» n’ont pas résisté aux pluies
torrentielles. Et l’exception devient, hélas, la règle. Tunis est simplement
de nouveau l’éternelle ville inondée et inondable. Pour des milliers de
Tunisois, lundi 24 septembre, restera une journée noire.

Deux jours après (mercredi 26 septembre 2007), le gouverneur de Tunis
préside une séance de travail consacrée à l’évaluation de la situation et à
la proposition de solutions.
Les recommandations de cette réunion sont le moins qu’on puisse dire
surprenantes.

En toute bonne conscience, les participants ont suggéré, le plus simplement
du monde, des actions ponctuelles concernant des points noirs (entretien des
motopompes du tunnel de Bab Souika et évacuation des eaux pluviales au
niveau de la rue de Palestine).

Point d’orgue de cette réunion, les participants ont suggéré une étude sur
les moyens de protéger le Grand Tunis contre les inondations… Ainsi c’est
seulement maintenant qu’on se rend compte de l’impératif de mener une telle
étude ?

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