Transmission d’entreprises : Il faut «concevoir un cadre juridique et fiscal plus développé»

 
 

fiscalite150.jpgMme
Zohra Driss Becheur, fille de l’homme d’affaires M’hamed Driss, reconnaît 
les aspects positifs du nouveau régime d’encouragement de la transmission
des entreprises, tout en en soulignant les insuffisances. Et propose des
amendements.

C’est un pas en avant, mais on peut mieux faire. Invitée à commenter le
nouveau régime d’encouragement de la transmission des entreprises -qui
accorde des encouragements tant aux cédants qu’aux cessionnaires, sous forme
d’exonérations multiples-, instauré par la loi de finances pour la gestion
de l’année 2007, Mme Zohra Driss Becheur, en a reconnu les points positifs
tout en en soulignant les insuffisances.

Pour
les cédants, ce nouveau régime prévoit une exonération de la plus-value de
cession des éléments d’actifs (suite à l’atteinte de l’âge de la retraite ou
l’incapacité du propriétaire de l’entreprise), de celle d’entreprises en
difficultés économiques, de la plus-value d’apport  d’entreprise
individuelle, et de la plus-value de cession totale des parts ou actions du
dirigeant majoritaire (suite à l’atteinte de l’âge de la retraite ou à
l’incapacité).

Pour
les cessionnaires, les avantages prennent la forme de la déduction des
revenus et bénéfices des personnes physiques  et morales réinvestis dans
l’acquisition totale ou des éléments d’actifs, de titres d’entreprises (dont
les dirigeants propriétaires ont atteint l’âge de la retraite ou suite à une
incapacité), y compris celles en difficultés économiques, d’encouragements
au titre d’incitations aux investissements (dans le cas de la cession d’une
entreprise, l’acquéreur continue à bénéficier des avantages au titre de la
prise en charge par l’Etat de la contribution patronale au régime légal de
sécurité sociale, de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés,
pour la période restante et selon les mêmes conditions), en matière de
droits d’enregistrement et de timbres, d’exonération des droits de
succession des biens exploités dans le cadre d’une entreprise, de non
régularisation de la TVA sur les biens meubles et immeubles,
d’assouplissement des conditions de déduction des provisions au titre des
créances des entreprises en difficultés économiques (durant la période de la
suspension des procédures judiciaires) et de la possibilité accordée aux
établissements de leasing et de factoring de déduire les créances
abandonnées au profit des entreprises en difficultés économiques.

Tout
en reconnaissant que, en matière de cession d’actifs, «l’extension du régime
fiscal des opérations de fusion de sociétés aux opérations de transmission»
constitue un «point fort», Mme Zohra Driss Becheur, qui dirige plusieurs
entreprises du groupe Driss, considère que le fait de restreindre cette
possibilité aux seuls cas où le propriétaire atteint l’âge de la retraite ou
se trouve dans l’incapacité de poursuivre la gestion de l’entreprise
constitue «un véritable frein» à «l’optimisation de la transmission, car une
personne doit se sentir confiante et indépendante  pour assurer une
transmission réelle et effective». Puis, comme il est prévu qu’un décret
détermine les cas d’incapacité, cette femme chef d’entreprise se demande
«comment oser juger l’incapacité d’un chef d’entreprise par un décret» ; ce
qui, selon elle, «va à l’encontre du droit de l’Homme», dans la mesure où il
existe le risque que l’on soit tenté de «divulguer des secrets de famille
pour pouvoir bénéficier de cet avantage».

Mais
Mme Zohra Driss Becheur trouve, sur cet axe, deux autres faiblesses au
nouveau régime : l’exigence que les actifs cédés soient inscrits au bilan à
la date de la cession –selon elle, certains éléments comme «le fonds de
commerce ou les actions attribuées gratuitement suite à une augmentation du
capital par incorporation des réserves peuvent ne pas l’être-, ou que
l’entreprise individuelle doive être soumise à l’impôt sur le revenu selon
le régime réel –une condition qui, d’après cette femme chef d’entreprise,
devrait être imposée au cessionnaire et non pas exigée du cédant qui «n’est
qu’un passé».

A
propos de l’exonération des parts sociales, Mme Zohra Driss Becheur
considère l’exonération de la plus-value comme un acquis, mais regrette une
autre fois la restriction du bénéfice au dirigeant (dans le cas de
l’incapacité ou de la retraite) détenant plus de 50% du capital. Car,
souligne-t-elle, dans les entreprises familiales qui sont «les plus
répandues en Tunisie», «le capital est souvent détenu par les membres de la
famille et la répartition du capital entre eux n’est qu’à titre indicatif».
De ce fait, «cette disposition risque de constituer un frein à la
transmission et à la pérennité de l’entreprise».

Rappelant qu’une entreprise est «beaucoup plus qu’un patrimoine» -c’est «des
dizaines voire des centaines d’hommes et de femmes, un facteur essentiel
pour le développement du pays»-, Mme Zohra Driss Becheur appelle à
«concevoir un cadre juridique et fiscal plus développé» pour la
transmission. Un régime qui créé «les conditions de flexibilité relatives à
l’âge minimal pour la transmission», supprime «toutes les dispositions
juridiques relatives à l’incapacité du dirigeant», reformule «la définition
comptable des actifs cédés», permette «au cédant de se préparer à un régime
fiscal réel» et «permette à l’entreprise de réaliser sa transmission quelle
que soit son activité éligible ou non aux avantages du code d’incitations
aux investissements».