Banque du Sud (1) : Attijari bank est sur orbite

 
 


attijari200.jpgMalgré des moments assez tendus, la convention
des cadres de la Banque du Sud a tourné la page du passé et ouvert celle
d’un avenir que tous –employés, dirigeants et actionnaires- veulent radieux,
sous l’enseigne d’ «Attijari bank».


L’ambiance était assez irréelle, car les sentiments étaient mélangés. Chez
la plupart des 750 cadres participants à cette historique convention des
cadres de la Banque du Sud, organisée samedi 9 décembre 2006, au «Centre des
conférences» du complexe «El Médina», à Yasmine Hammamet, le sentiment de
prendre part à un événement annonciateur de jours meilleurs pour l’une des
plus anciennes institutions financières du pays le disputait à une forte
mélancolie teintée de tristesse, puisque conviés à «enterrer» une partie
d’eux mêmes, avec l’ancien nom de cette banque qui en prenait un nouveau à
partir de ce jour : «Attijari bank».

D’ailleurs, pour mieux faire passer la pilule de ce qu’un cadre a appelé
«l’enterrement de la Banque du Sud» et aider à asseoir l’adhésion et
l’identification des cadres à la nouvelle entité, les organisateurs ont fait
appel aux services d’un expert français pour animer un débat de deux heures
et demi, qui prenait parfois des allures de séance d’exorcisme.

Saad Tahar, le plus vieux retraité de la Banque du Sud, a également été mis
à contribution pour favoriser cette naissance que les nouveaux actionnaires
majoritaires –AttijariWafa Bank et Banco Santander- présentent plutôt comme
une renaissance en choisissant une devise qui l’exprime bien : «nouvelle identité,
nouvelle impulsion».

Ayant fait partie de la cinquantaine d’employés ayant
lancé la Banque du Sud dans les années soixante, Saad Tahar –dit «Tahar
banca»-, a donné sa bénédiction à ce processus de refondation en soulignant
que «la privatisation ouvre de nouvelles perspectives à la Banque du Sud»
promise à un «avenir florissant». Dans la foulée de l’animateur qui constate
que ce témoignage «exprime une histoire que beaucoup gardent dans leur
cœur», M. Moncef Chaffar retient, lui, «la foi en l’avenir» du plus ancien
retraité de la banque. Appelant à applaudir «tous ceux qui y ont travaillé
pendant 40 ans», le président du conseil d’administration souligne que «ce
changement ne fait pas peur» à Saad Tahar, en ayant l’air de souhaiter qu’il
en soit de même pour l’ensemble des employés. D’autant qu’il «hésite» à
parler d’«apports étrangers à propos de nos amis marocains. C’est un apport
fraternel de capitaux et de savoir-faire».
 

Un point de vue qui n’a pas empêché un réel
malaise et une inquiétude certaine de s’exprimer librement lors de la
convention des cadres. D’abord, de manière un peu feutrée, lorsque des
applaudissements nourris des participants ont accueilli l’affirmation par
l’un d’entre eux que «cela faisait mal de changer totalement de logo»,
l’expression de l’ «espoir que Attijari bank soit une continuité et non une
rupture avec la Banque du Sud». Ensuite, plus clairement quand une dame,
cadre de la banque, met le doit sur l’une des questions qui font
actuellement le plus controverse au sein de l’institution : les recrutements
externes. «On se dit que ces gens ne nous connaissent pas ; on se demande
quel est notre avenir et pourquoi ils recrutent à l’extérieur», se
demande-t-elle. Un témoignage dont se saisit l’animateur français pour
lancer le débat : «ces applaudissements disent que l’entreprise ne connaît
pas ses ressources humaines. Pourquoi on ne fait pas de bilan de compétences
?», s’interroge-t-il. En précisant, au passage, que «Khaled Ouedghiri a
reconnu avoir commis une erreur lorsqu’il a trop recruté à l’extérieur, lors
de la fusion d’Attijari avec la Banque commerciale du Maroc, en 2003».

Venu du Maroc spécialement pour l’événement, le président directeur général
d’AttijariWafa Bank se veut clair et rassurant à la fois : «Nous ne voulons
pas d’expatriés. Ceux-là ne sont là que pour apporter la culture du groupe.
Quand on a des compétences internes, il faut les utiliser, sinon il ne faut
pas se fermer à un apport externe», tranche-t-il. Mais le problème, c’est
que la banque «n’a pas actuellement les outils pour faire le bilan de
compétences et le repérage des profils», explique le responsable de la
gestion des ressources humaines.

Intervient alors Haykel El Mekki, responsable du syndicat, pour enfoncer le
clou : «Dans la situation actuelle, il y a des injustices. Faute de
connaître les gens, la direction générale s’est précipitée vers le
recrutement externe. Cela nous a beaucoup lésé», affirme-t-il. Interpellé,
M.Mohamed Haitami, directeur général, admet avoir «fait des erreurs», mais
lance un appel aux «responsables pour nous aider à reconnaître les gens», et
assure «qu’il n’y a aucune volonté intentionnelle d’isoler et d’écarter. On
n’a pas de système d’information pour évaluer les performances d’un cadre».

Le responsable syndical revient alors à la charge pour mettre sur le tapis
la question des rémunérations. «Il y a inégalité flagrante entre expatriés
et Tunisiens, entre nouvelles et anciennes recrues. Et ce sentiment
d’inégalité a des conséquences sur la productivité et le climat social».
Nullement désarçonnée par l’argument, le directeur général adjoint répond
qu’une telle différence s’explique et se justifie puisqu’«un expatrié quitte
sa famille et se prive de beaucoup de choses en venant en Tunisie». Et qu’en
tant qu’employé d’une banque faisant désormais partie d’un groupe bancaire
maghrébin, «M. El Mekki pourrait être un jour appelé à travailler ailleurs,
donc à devenir expatrié» et à bénéficier des mêmes avantages.

D’ailleurs, le responsable du syndicat fera à la fin de la convention une
«sortie théâtrale», jurant fidélité à la Banque du Sud, vigilance pour
défendre les «intérêts légitimes» de sa base et «engagement total» aux
nouveaux actionnaires pour «faire réussir» leur projet.

Des propos qui ont
dû rassurer tout le monde, contribuant ainsi au bon démarrage du projet «Intilaka»
destiné à mettre «Attijari bank» sur orbite.