Muhammad Yunus accuse la Banque mondiale de ne pas aider assez les pauvres

 
 
SGE.LKN11.141106075006.photo00.quicklook.default-245x164.jpg
Le prix Nobel de la paix et directeur de la Grameen Bank, Muhammad Yunus, le 13 novembre 2006 à Halifax (Photo : David Boily)

[14/11/2006 07:52:35] HALIFAX (AFP) Le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus a accusé lundi la Banque mondiale de ne pas faire assez pour aider les habitants les plus pauvres de la planète et lui a demandé de s’intéresser de plus près à leur sort.

“J’ai essayé avec beaucoup d’énergie de persuader la Banque mondiale de prêter directement attention aux plus pauvres”, a affirmé Muhammad Yunus qui a reçu cette année le Prix Nobel de la Paix pour ces efforts pour promouvoir le micro-crédit.

“C’est une bataille que nous ne cessons de mener”, a déclaré M. Yunus lors d’une conférence de presse au sommet du micro-crédit, qui se tient à Halifax, sur la côte est canadienne.

Il a pris exemple de son action dans son pays natal, le Bangladesh, pour affirmer que les grands projets d’infrastructure devraient être conduits et animés par les populations locales et non les gouvernements.

Muhammad Yunus, 66 ans, a indiqué que l’ex-président de la Banque mondiale, James Wolfensohn, avait manifesté de l’intérêt pour ses initiatives mais qu’il n’avait pas été relayé par son institution.

Patron de la Grameen Bank, qui prête de petites sommes à des pauvres pour leur permettre de lancer un commerce ou une entreprise, M. Yunus est considéré comme le père de cette méthode de développement. Il est d’ailleurs surnommé le “banquier des pauvres”.

Il a déploré que la grande institution financière internationale ne consacre même pas 1% de son budget au micro-crédit et a jugé ses méthodes “dépassées”.

“Si l’on construit un pont, c’est le gouvernement qui obtiendra le prêt et qui en sera propriétaire”, explique-t-il, en demandant: “pourquoi ce ne serait pas les pauvres qui en seraient propriétaires”?

SGE.LKN11.141106075006.photo01.quicklook.default-245x232.jpg
Le développement du micro-crédit

Si une communauté locale était la propriétaire du pont, elle pourrait en tirer des revenus, en imposant un péage par exemple, et commencer ainsi à se construire une assise financière.

Aucun représentant de la Banque mondiale n’était venu à Halifax où était en revanche représentée la Banque asiatique de développement et d’autres institutions multilatérales.

Selon M. Yunus, la banque Grameen qu’il a fondée a montré que des gens pauvres sont tout à fait capables de gérer avec succès une entreprise rentable.

La banque Grameen a accordé plus de 6 millions de micro-prêts depuis 1976 et offre désormais des prêts à des gens très pauvres pour qu’il puissent se construire ou améliorer leur logement.

Les participants au sommet, qui se tient jusqu’à mercredi, se sont fixé pour objectif de parvenir d’ici 2015 à ce que 175 millions de personnes parmi les plus pauvres du monde aient pu bénéficier de micro-crédits.

Ils estiment avoir pu aider quelque 82 millions de personnes de cette façon depuis le premier sommet du micro-crédit qui s’était tenu à Washington en 1997.

Outre M. Yunus, la reine Sophie d’Espagne, des ministres du Canada, du Pakistan et du Honduras, des banquiers et des hommes d’affaires assistent au sommet auquel participent quelque 2.000 militants et spécialistes du micro-crédit.

Le micro-crédit attire maintenant l’attention des investisseurs de la “Silicon Valley” américaine, où sont concentrées la plupart des entreprises de la haute technologie américaine, et de grandes banques comme l’américaine Citigroup, la néerlandaise ING et l’allemande Deutsche Bank, toutes trois représentées à Halifax.

Citigroup a déjà commencé à apporter son soutien à des initiatives de micro-crédit en Inde et le groupe français Danone vient de lancer un projet de construction d’une usine agro-alimentaire, qu’il contrôlera à parts égales par avec la Grameen Bank.

 14/11/2006 07:52:35 – © 2006 AFP