L’accès au marché européen, le point de vue des Sud-méditerranéens

 
 


tabark.jpgIntervenant
au débat instauré sur «les conditions d’accès au marché européen», les
participants sud-méditerranéens ont tenu un discours à la fois frondeur et
victimiste (Bruxelles, 6-7 juin 2006).

Universitaires, experts, cadres et hauts fonctionnaires de départements
ministériels ont soutenu d’emblée que l’intégration à l’UE est une affaire
trop sérieuse qui implique des concertations politiques, économiques et
sociétales transcendant la simple adoption des directives et normes de
l’Union.

Ils étaient unanimes pour critiquer ce qu’ils ont appelé «l’érosion des
préférences» générée par l’élargissement de l’Union européenne vers l’Est,
et sa conséquence immédiate, le détournement des flux des investissements
directs européens (IDE) vers cette zone, outre le tarissement des ressources
consacrées par l’UE au financement de son partenariat euroméditerranéen.

Le constat est sans appel : il y a plus de similitudes entre les Pays
d’Europe Centrale et Orientale (PECO) et l’UE qu’entre cette dernière et les
pays du sud de la Méditerranée (PSM).

«Aujourd’hui, a relevé un participant, en ce moment même où MEDA II,
mécanisme mis en place par l’UE pour accompagner son partenariat
euroméditerranéen tire à sa fin, aucune initiative n’est prise pour discuter
de «Meda III».

Pour certains, la nouvelle politique de voisinage est un net recul du
processus de Barcelone en ce sens où elle ne prévoit pas, pour les pays
voisins associés, ni l’avantage d’adhésion, ni celui d’une intégration
approfondie, ni d’accès automatique au marché communautaire, comme c’est le
cas de l’Islande et de la Norvège.

Comme argumentation, ils ont avancé que le partenariat euroméditerranéen
proposé par l’UE, jusqu’ici, se fonde sur les échanges commerciaux qui, par
expérience, n’ont jamais été un facteur d’intégration. Seuls des flux
substantiels d’investissements directs européens peuvent favoriser un
arrimage durable entre le sud et le nord de la Méditerranée. Pour mémoire,
seuls 2% des investissements européens placés à l’étranger sont investis
dans les PSM qui, par contre, assurent plus de 60% de leurs échanges
extérieurs avec le vieux continent.

La nouvelle approche européenne en matière d’émigration a été fortement
critiquée par les sud-méditerranéens. Ils ont qualifié d’«égoïste» l’option
de l’UE pour «une émigration temporaire», c’est-à-dire une émigration à la
carte et selon le besoin.

Les émigrés du sud ne seront sollicités, pour un laps de temps, et à la
condition qu’ils soient jeunes, qualifiés et productifs. C’est dans ce cadre
d’ailleurs que des intervenants ont tiré des boulets rouges sur la dernière
réforme française sur l’émigration qualifiée de «sélective».

Certains ont suggéré à l’UE une approche globale. Dans cette optique, l’UE
est appelée à aider les pays du sud de la Méditerranée à mettre au point un
programme de partenariat en matière de formation professionnelle et de
qualification des jeunes. D’autant plus que l’offre des Pays du sud de la
Méditerranée en main-d’œuvre est estimée à 75 millions, d’ici 2020.

D’autres ont proposé un partenariat à objectifs régionaux. Ils ont relevé au
passage l’effet nocif des tensions politiques au sud de la Méditerranée
lesquelles retardent souvent réformes et négociations commerciales.

Cette tendance est en nette contradiction avec l’exigence de célérité. Car,
a–t-on relevé, au cours de ce débat, les réformes rapides sont de loin plus
bénéfiques et plus efficaces que les réformes progressives qui sont lentes
et longues.

Au-delà des approches des uns et des autres, l’offre d’une convergence-
intégration à l’Union européenne, et partant, au marché communautaire par le
biais de l’harmonisation des directives demeure une offre intéressante. Car,
même si la prime d’adhésion n’est pas garantie au final du processus, elle
permet tout de même aux PSM de tirer profit d’un savoir-faire de qualité
pour moderniser leurs économies et administrations, et surtout, de ne pas
être l’otage des directives européennes comme c’est le cas des pays membres.
Mieux, ils auront la liberté de coopérer avec d’autres partenaires en
Afrique, en Asie, en Amérique et ailleurs sans être tenus de respecter à la
lettre ces directives.