Le pouvoir de l’esprit sur la matière sort de la science-fiction

Par : Autres

 

Le pouvoir de l’esprit sur
la matière sort de la science-fiction

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Le scientifique
autrichien Peter Brunner présente un ordinateur piloté par la pensée
le 8 juin 2006 à Paris

Bonnet électronique vissé sur la tête, le scientifique autrichien Peter
Brunner fixe, rigide, l’écran d’un ordinateur portable. Et là, sans même
battre un cil, il commence à composer, lettre à lettre, un message sur un
écran géant au dessus de sa tête.

 

“B-O-N-J-O-U-R”, écrit-il du seul pouvoir de sa pensée, au grand étonnement
d’un public de scientifiques et de badauds réunis à l’occasion de la
deuxième édition du salon de la Recherche et de l’Innovation de Paris.

 

Peter Brunner et deux de ses collègues du centre public de recherches de
Wadsworth (Etat de New York) y faisaient la démonstration d’une nouvelle
interface cerveau-ordinateur. Grâce aux deux douzaines d’électrodes insérées
dans le bonnet, cet étonnant équipement capte les signaux électriques émis
par le cerveau et les numérise pour qu’ils soient traduisibles par
l’ordinateur.

 

 

Sans intervention des nerfs ou des muscles, l’interface “peut offrir une
possibilité de communication et d’autonomie à des gens qui sont totalement
paralysés” et ne peuvent ni parler, ni se mouvoir, explique Eric Sellers, un
autre chercheur du centre de Wadsworth.

 

Les scientifiques travaillent depuis près de vingt ans à la conversion de la
pensée en action, mais la technique commence juste à sortir des
laboratoires. Désormais, le pouvoir de l’esprit n’est plus seulement du
domaine de la science-fiction ou du cirque, avec ses pseudos mages tordeurs
de cuillers.

 

 

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Présentation d’une
nouvelle interface cerveau-ordinateur le 8 juin 2006 à Paris

Car la nouvelle interface pourrait améliorer considérablement la qualité de
vie de 100 millions de patients dans le monde, dont 16 millions de personnes
souffrant de paralysie cérébrale et au moins 5 millions victimes d’une
rupture de la moelle épinière, avance le Dr Sellers. Dix millions de
personnes sont aussi totalement paralysées après un accident vasculaire
cérébral.

 

Les applications possibles vont bien au delà de l’écrit: ce n’est qu’une
question de temps avant que la même technologie ne soit utilisée pour guider
des fauteuils roulants, avance le Dr Sellers. “Nous pouvons déjà le faire.
Mais le problème est complexe et pour l’instant, ce ne serait pas très sûr”.

 

L’horreur de l’enfermement d’un esprit lucide dans un corps paralysé n’avait
jamais été aussi crûment rendue qu’à la fin des années 90 par le journaliste
Jean-Dominique Bauby dans des mémoires dictées par le seul clignement de sa
paupière gauche (“Le scaphandre et le papillon”).

 

Le système mis au point à Wadsworth repose sur un algorithme qui analyse les
ondes émises par le cerveau, comme dans un électro-encéphalogramme, et
repère les pics d’intensité correspondant à des efforts mentaux définis.

 

Quand le Dr Brunner se concentre pour produire le “B” de “Bonjour”, il fixe
sur son écran des rangées de lettres et de symboles, illuminées rapidement
et de manière aléatoire. A chaque fois qu’une rangée, verticale ou
horizontale contient la lettre “B” – son cerveau émet un signal légèrement
plus fort. L’ordinateur a besoin d’environ 15 secondes pour déterminer la
lettre regardée, mais les performances s’améliorent avec l’entraînement.

 

Un neurobiologiste américain de 48 ans, souffrant de la maladie de Charcot –
une maladie dégénérative des cellules nerveuses – peut ainsi continuer à
travailler grâce à ce programme, alors qu’il ne peut plus même bouger les
yeux.

 

“Il rédige des propositions de subventions, envoie des courriels et peut
utiliser le clavier de son ordinateur à la maison”. Il a même écrit un
message pour la démonstration de Paris, que le Dr Sellers a projeté.

 

S’adressant à Altran, la société française de conseil en innovation qui
avait accordé son prix annuel en 2005 à l’équipe américaine, il écrit: “je
suis un chercheur en neurosciences qui ne pourrait pas vivre sans cette
interface. Je tape ce message avec mon électro-encéphalogramme, grâce à
l’aimable autorisation du programme de recherche sur l’interface
cerveau-ordinateur du centre de Wadsworth”.

 

©
AFP 2006

Photo : Stéphane De Sakutin